Sur le pas de tir 39B du Kennedy Space Centre, le lanceur SLS avec son vaisseau lunaire Orion
vu par le satellite Pléiades Neo 4 à 16h32 UTC. Image acquise le 18 mars 2022.
La direction nord est sur la gauche de l'image.Crédit image : Airbus Defence and Space
Avec cette très belle image du satellite Pléiades Neo, la Lune semble plus un peu plus proche, un peu comme sur l’image déjà publiée sur ce blog en juin 2021, même si le retour d’un homme (ou d’une femme) sur notre satellite naturel n’est pas encore pour demain…
Le 17 mars 2022, au Centre Spatial Kennedy (KSC), la NASA a effectué une première : le transfert (roll-out) de son nouveau super lanceur complet, avec le véhicule lunaire Orion.
Pléiades Néo 4 a pris cette image en fin de matinée quelques heures après la fin du roll-out.
L’image acquise par le satellite Pléiades Neo montre l’impressionnante fusée SLS en position à côté de la tour de lancement du pas de tir 39B. La prise de vue assez oblique (environ 45 degrés de visée latérale par rapport à la trace du satellite) permet de bien voir le lanceur et les différentes infrastructures verticales qui l'entourent. Malgré cette visée oblique, la résolution de 30 cm au sol offre un niveau détail vraiment impressionnant. Même après avoir vu plusieurs images depuis les premières images des deux jumeaux Pléiades Neo 3 et Pléiades Neo 4.
Eloge de la lenteur : un super-lanceur super-lent
Aucun lancement n’est prévu à très court terme : ce transfert fait partie des préparatifs d’une répétition en vraie grandeur, une "répétition en costume" (la générale) avant la mission Artemis 1, le premier vol vers la Lune, une mission sans équipage.
Avant de rejoindre le pas de tir 39B, le lanceur SLS avait été assemblé dans le bâtiment d’assemblage géant VAB. La NASA a publié d’impressionnantes photographies de ce meccano grand format.
Le lanceur SLS de la mission Artemis 1 en cours d’assemblage au Centre Spatial Kennedy.
A côté du logo de la NASA, celui de l’ESA correspond au module de service du véhicule Orion,
développé par Airbus Defence and Space. Crédit image : NASA
Le transfert entre le VAB (Vehicule Assembly Building) et le pas de tir 39B s’est fait sur un véhicule, également au format XXL, le « crawler-transporter », surmonté du SLS avec la capsule Orion et de sa plateforme de lancement mobile.
Démarré le 17 mars à 5:45 pm ET (22:45 à Paris), ce déplacement d’environ 8,1 kilomètres s’est achevé vers 4:15 am ET (9:15 à Paris) le 18 mars. Il a duré 10h30.
Soit une vitesse moyenne de 770 mètres par heure… Pas exactement la vitesse orbitale que devra atteindre la fusée SLS pour mettre en orbite sa charge utile.
Plus de dix heures pour parcourir quelques kilomètres entre le VAB (Vehicle Assembly Building)
et le pas de tir 39B du Kennedy Space Centre. Un autre extrait en champ plus large de l’image
acquise par le satellite Pléiades Neo le 18 mars 2022 à 16h32 UTC.
La partie gauche correspond à la direction nord. Crédit image : Airbus Defence and Space
Pour donner une idée de l'échelle de l'image, la distance à vol d'oiseau (déconseillé pendant les lancements) entre le pas de tir et le bâtiment d'assemblage est d'environ 5500 mètres.
Smaller, faster, cheaper : pas de ça ici !
La vitesse est lente, peut-être un peu à l’image du calendrier de développement du Space Launch System lancé en 2011 sous la pression du congrès sans que avec un cahier des charge flou.
Le premier lancement était alors prévu fin 2016 pour un coût total de 10 milliards de dollars. A l’heure actuelle, le coût total a dépassé les 23 milliards de dollars, avec un coût unitaire de lancement supérieur à 4,1 milliards !
Avant le succès de cette nouvelle étape et le symbole positif du premier roll-out, les multiples retards de calendrier et les dépassements budgétaires ont fait du programme SLS un des « exemples » de programme spatial mal géré et qui cumule les dérapages. L’Office of Inspector General (OIG), le propre bureau d’audit de la NSA a tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, épinglant notamment les grands sous-traitants Boeing, Northrop Grumman et Aerojet rocketdyne.
Small is beautiful mais on aime aussi les grosses fusées…
Dans le New Space, on parle beaucoup de la révolution des petits lanceurs, comme les fusées Electron, Astra ou Epsilon.
Avec le lanceur SLS de la NASA ou le vaisseau Starship et le booster Super Heavy de SpaceX, on boxe dans la catégorie des super-welters, rappelant les lanceurs géants Saturn V et N1 développés pendant la guerre froide. L’actualité récente montre malheureusement que cette période n’est pas encore totalement révolue.
Pour fixer les idées, la version de la fusée SLS utilisée pour la mission Artemis 1 a une hauteur totale d’environ 98 mètres et pèse environ 2630 tonnes au décollage. Elle peut emmener environ 27 tonnes de charge utile en orbite lunaire.
Pour illustrer ces dimensions hors normes, en complément de l’image du lanceur, voici un zoom sur le bâtiment d’assemblage (VAB), également extrait de l’image du satellite Pléiades Neo.
Le Vehicle Assembly Building (VAB) du Kennedy Space Centre vu par le satellite Pléiades Neo le 18 mars 2022.
Sur la droite, une silhouette familière. Crédit image : Airbus Defence and Space
Déjà utilisé à la grande époque de la fusée Saturn 5 et du Space Shuttle, le Vehicle Assembly Builing ou VAB, initialement appelé Vertical Assembly Builing, avec ses 366 500 m3, est l’une des constructions les plus volumineuses du monde.
Sa hauteur est de 160 mètres et sa base occupe une surface de plus de 3 hectares. Ses portes mesurent 139 mètres de hauteur !
Dernière station avant la Lune…
Le « roll-out » n’est que la première étape de la fameuse répétition générale (« wet dress rehersal » or WDR) précédant le vol Artemis 1.
A suivre : relier le lanceur aux différentes interfaces de la tour de lancement, tester, tester et tester encore, qu’il s’agisse des procédures nominales ou de la gestion des anomalies et des situations d’urgence… Cela concerne les équipements et les moyens techniques mais aussi le degré de préparation des équipes opérationnelles.
Si tout se passe bien, la répétition proprement dite, la WDR, est prévue le 3 avril prochain : les réservoirs de l’étage principal seront remplis d’oxygène et d’hydrogène liquide. Il faudra 8 heures pour faire le plein compte tenu de la taille XXL des réservoirs, à comparer à 2h30 pour le space shuttle : heureusement pour le budget du programme SLS, déjà bien déficitaire, ce n’est pas du super 98.
Un compte-à-rebours sera effectué en conditions réelles et stoppé à H-10s, juste avant l’allumage des moteurs du premier étage. La répétition s’arrête là.
Tout près d’un premier lancement
Le lanceur sera alors vidangé avant de retourner au bercail (dans le bâtiment d’assemblage) pour les dernières vérifications et la mise en configuration de vol du lanceur (notamment en enlevant tous les capteurs servant aux essais).
Le « vrai » lancement n’aura probablement pas lieu avant le début du mois de juin 2022. Un nouveau roll-out, le dernier, aura lieu une semaine avant le Jour J.
Artemis I sera le premier vol, sans équipage, vers la Lune.
Bientôt un nouveau lever de Terre ?
Artemis II sera le premier vol emportant un équipage autour de la Lune, un peu comme pendant la mission Apollo 8 en décembre 1968.
Artemis III verra normalement le premier alunissage, avec un homme et une femme à bord pour un séjour d’une semaine à la surface de la Lune. Cela vous rappelle Apollo 11 et Neil Armstrong ? J’imagine que cela va faire rêver tous ceux qui n’ont pas vécu cet événement extraordinaire…
Un petit jeu pour terminer…
Si vous lisez régulièrement les articles du blog Un autre regard sur la Terre, vous savez que j’aime bien les cadrans solaires (comme ici en Guyane, en Arabie Saoudite ou encore à Washington.
En utilisant les ombres portées sur l’image, savez-vous confirmer l’heure locale d’acquisition de l’image du satellite Pléiades Neo et vérifier la cohérence avec les informations de cet articles ?
Savez-vous également vérifier la hauteur totale de la fusée SLS ou celle du VAB avec ces ombres portées ?
Merci de poster vos réponses en commentaire à la fin de cet article.
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