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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

Couleurs, piqué, résolution : les premières images du satellite Pléiades Neo 3 sont superbes !

Publié le 6 Mai 2021 par Gédéon in Acquisition-et-traitement-des-images, Image-d'actualité-Images-de-la-semaine, Sécurité-et-défense, Premières images

 

Pléiades Neo - First image - Première image - Egypte - Pyramide Kheops - Pyramide - Gizeh - 30 cm - Airbus Defence and Space - VHR - Very high resolution

En Egypte, la pyramide de Kheops. Une des premières images du satellite Pléiades Neo 3 publiée
par Airbus Defence and Space le 20 mai 2021. Cliquer sur les images pour les voir en pleine résolution.
Crédit image : Airbus Defence and Space

 

Premières images du satellite Pléiades Neo 3 : 30 cm, c'est le pied !

Les premières images du tout nouveau satellite Pléiades Neo 3 sont arrivées ! Elles viennent d’être publiées par Airbus Defence and Space et elles sont magnifiques. Elles permettent d’apprécier les couleurs mais aussi le piqué, la dynamique et la qualité géométrique.

Jusqu'à présent, pour patienter, on pouvait voir sur le site d'Airbus Defence and Space une simulation effectuée à partir de photographies aériennes du port de commerce du Havre : les alignements de conteneurs, les marquages au sol et les citernes d'hydrocarbures sont souvent utilisés pour illustrer la qualité des instruments à très haute résolution.

Pour les vraies premières images de Pléiades Neo 3, Airbus Defence and Space a choisi de mettre l'accent sur les images en couleurs. Maxar avait fait le même choix quand avaient été publiées les premières images des satellites WorldView-3 et Worldview-4.

 

Un safari photo en orbite avec un très gros téléobjectif...

Attachez vos ceintures : nous sommes à notre altitude de croisière à 620 km d'altitude et notre vitesse par rapport au sol est de 27000 km/h. Si vous voulez prendre des photos au téléobjectif, il va falloir le garder pointé bien stable vers le paysage qui vous intéresse... Pas évident !

On commence notre voyage autour de la Terre à bord de Pléiades Neo 3 avec la pyramide de Kheops, la dernière des sept merveilles du monde toujours debout, choisie pour illustrer les performances de la nouvelle merveille de l’observation de la Terre.
Construite il y a environ 4500 ans, Kheops est la plus grande pyramide du complexe de Gizeh. Sa hauteur initiale était d’environ 147 mètres. Elle mesure aujourd’hui 137 mètres. Sa base fait 230 mètres de côté.

La pyramide Kheops est évidemment un choix fréquent pour les satellites d’observation (par exemple ici une image du satellite Pléiades). Pléiades Néo 3 ne fait pas exception : la pyramide, vue ici avec une visée assez oblique (23° par rapport à la verticale), met en évidence la qualité géométrique des images. On peut aussi penser que la qualité radiométrique est excellente quand on voit la finesse des nuances de couleurs au sol. Regardez la finesse des détails sur les faces de la pyramide, les personnages au sol et les véhicules. Impressionnant ! Difficile de croire que c'est pris à 620 km d'altitude...

 

Pléiades Neo nous en fait voir de toutes les couleurs

Pléiades Neo 3 nous offre une résolution extraordinaire pour des images acquises depuis l'espace : en plus de la bande panchromatique à 30 cm de résolution, les 6 bandes multi-spectrales ont une résolution au sol de 120 cm, la meilleure disponible actuellement sur le marché commercial. Pour toutes les bandes (panchromatique et multi-spectrales), la fauchée est de 14 km. C'est une performance d'avoir réussi à ne pas trop réduire la fauchée par rapport aux premiers satellites Pléiades (20 km) tout en augmentant significativement la résolution au sol (Ground Sampling Distance pour les puristes et les anglais).

 

Le meilleur des modes

Très précisément, les images publiées ici sont en mode dit "pan-sharpened" ou P + XS combinant la couleur des bandes multi-spectrales (XS) et le niveau de détail de la bande panchromatique (P). Le meilleur des deux mondes... 

Visiblement, les pharaons et les empereurs romains ont inspiré les équipes qui ont sélectionné les meilleurs sites pour les premières images du satellite Pléiades Neo 3. Après l’Egypte, notre voyage en orbite nous emmène à Rome : voici le château Saint-Ange (Castel Sant'Angelo), construit à l’initiative de l’empereur Hadrien à partir de 123 après J.C. Mausolée, bastion militaire, prison, le château Saint-Ange est aujourd’hui un musée national.

 

Pléiades Neo - First image - Première image - Italie - Rome - Château Saint-Ange - Castel Sant'Angelo - 30 cm - Airbus Defence and Space - VHR - Very high resolution

Une deuxième "première" image du satellite Pléiades Neo publiée par Airbus Defence and Space
A Rome, sur la rive droite du Tibre, le château Saint-Ange ou Castel Sant'Angelo à proximité du Vatican.
Crédit image : Airbus Defence and Space

Ici, la visée est très oblique (41°), avec un effet de perspective très esthétique mais avec un impact sur la résolution effective qui reste très satisfaisante. L'image illustre l'agilité du satellite Pléiades Neo, sa capacité à acquérir très loin de sa trace au sol. C'est important pour avoir une grosse capacité d'acquisition journalière. Plus que l'instrument, ce sont les performances de la plateforme et de son système de contrôle d'attitude qui sont importantes dans ce cas.

Pour les amoureux de Rome, voici un autre extrait de la même image centrée sur le Colisée.

 

Pléiades Neo - First image - Première image - Italie - Rome - Colisée - Colosseum - Arc de Constantin - 30 cm - Airbus Defence and Space - VHR - Very high resolution

A Rome, le Colisée, l'Arc de Constantin, la Maison dorée et vus par le satellite Pléiades Neo.
Une visée très oblique (41°) ou l'art de viser entre les nuages. 
Crédit image : Airbus Defence and Space

 

Airbus Defence and Space n'a pas encore publié les caractéristiques détaillées des bandes spectrales mais on peut supposer qu'il y a une compatibilité avec les bandes spectrales des premiers satellites Pléiades.

6 bandes multispectrales ? Cela veut dire qu'il y en a deux nouvelles ? Effectivement, Airbus Defence and Space a ajouté deux nouvelles bandes :

  • Une bande "deep blue" ou violet (personnellement j'ai un faible pour Deep Purple band), facilitant l'utilisation des images en bathymétrie, hydrologie ou en zones côtières (turbidité, pollution de l'eau). Je suppose qu'elle est relativement compatible avec celle de Sentinel-2 (celle-ci est centrée sur 440 nm), peut-être un peu plus large.
  • Une bande "red edge" (le bord du rouge) entre le rouge et le proche infrarouge, permettant une analyse plus fine de l'état de la végétation et de son évolution. Sentinel-2 possède trois bandes red edge centrées sur 705, 740 et 783 nm. La bande red edge de Pléiades Neo doit probablement les couvrir partiellement.

J'espère qu'on verra bientôt des exemples d'images mettant en valeur les bandes deep blue et red edge.  En attendant, après l'antiquité, on change de siècle et de continent pour les dernières images de Pléiades Neo publiées aujourd'hui.

Au delà du côté spectaculaires des sites choisis, le choix de grandes villes aux Etats-Unis, au Moyen-Orient et en Asie donne aussi une idée de la diversité des clients visés par Airbus Defence and Space et de l'ambition sur le marché export.

Il y a presque un an, je publiais un quiz illustré par une image de Washington DC vu par le satellite Pléiades-1A, centrée sur le Washington Monument  jouant le rôle de cadran solaire géant.
La troisième image de Pléiades Neo nous emmène à nouveau au-dessus de la capitale fédérale de Etats-Unis et montre le Capitole, le siège du congrès américain. Le style néo-classique du bâtiment, inspiré par Rome et Athènes, ne nous dépayse pas trop des deux images précédentes.

Quadrillage au sol, lignes courbes, passages piétons, bâtiments : cette image acquise avec une visée pratiquement verticale (angle de 3°) permet de se rendre de compte du chemin parcouru et de l'amélioration des performances depuis la première génération de satellites Pléiades (ici une image de Washington acquise en 2020).

 

Pléiades Neo - First image - Première image - USA - Washington DC - Capitole - Congrès américain - Capitol Hill - 30 cm - Airbus Defence and Space - VHR - Very high resolution - satellite

Troisième "première" image du satellite Pléiades Neo :
à Washington DC, le Capitole, siège du congrès américain (Capitol Hill)
Crédit image : Airbus Defence and Space

 

Ensuite, on prend la direction du Moyen-Orient et du Golfe Persique avec Dubaï, la première ville des Émirats arabes unis. L’architecture moderne et le côté spectaculaire voire gigantesque de certains bâtiments, comme l'hôtel Burj-al-Arab, les Palm Islands ou l'immeuble le plus haut du monde, la Burj Khalifa en fait évidemment une cible de choix pour les satellites à très haute résolution.
L’image présentée ici est celle de Ain Dubai, la plus grand roue du monde avec une hauteur de 210 mètres. Elle est située sur Bluewaters Island, tout près de Palm Islands, l’île artificielle rappelant la forme d’un palmier. Ici, l'acquisition est plus oblique, avec une visée à 21°.

Avec cette image combinant structures métalliques très fines, motifs contrastés en arc de cercle, ombres portées et nombreux bâtiments, Airbus Defence and Space choisit de mettre l’accent sur la finesse des détails et un critère technique important en imagerie à haute résolution : la fonction de transfert de modulation, alias MFT, en gros la capacité à restituer fidèlement les contrastes dans une scène. Si vraiment vous voulez en savoir plus, lisez cet article sur les performances des instruments d’observation.
 

 

Pléiades Neo - First image - Première image - Emirats Arabes Unis - UAE - Dubai - Dubaï - Ain Dubai - Plus grande roue du monde - 30 cm - Airbus Defence and Space - VHR - Very high resolution - satellite - FTM - MFT - GSD

A Dubai, Ain Dubai, la plus grand roue du monde avec une hauteur de 210 mètres,
vue par le satellite Pléiades Neo. Crédit image : Airbus Defence and Space

 

Des images à un pied en passant par la Chine(*)

On termine notre petit tour d'Horizon avec la ville de Shanghai en Chine, avec une image centrée sur la gigantesque Perle de l'orient, avec sa flèche de 468 mètres de hauteur, et le rond-point Mingzhu. Ici aussi, les nombreux marquages au sol, les lignes droites, les structures circulaires et les ombres portées permettent d'apprécier la qualité des images. Comme pour Washington DC, l'acquisition est effectuée pratiquement à la verticale (6°). Zoomez sur le rond-point et regardez les marquages au sol !

(*) Ne cherchez pas de jeu de mot dans le titre.

 

Pléiades Neo - First image - Première image - Chine - Shanghai - Perle de l'Orient - Oriental Pearl Radio & Television Tower - 30 cm - Airbus Defence and Space - VHR - Very high resolution - satellite - FTM - MFT - GSD

A Shanghai, dans le quartier d'affaires de Lujiazui, la Pearl de l'Orient (Oriental Pearl Radio & Television Tower) 
et l'énorme rond-point Mingzhu vus par le satellite Pléiades Neo. Crédit image : Airbus Defence and Space

 

Les bonnes résolutions pour la sortie

Le lancement d'une mission spatiale est toujours un moment très médiatisé. Dans le cas d'une mission d'exploration, l'arrivée à destination, l'atterrissage sur Mars de Perseverance ou de Tianwen-1 et du rover Zhurong par exemple, est aussi un grand moment.

En observation de la Terre, l'acquisition et la publication des premières images d'un nouveau satellite est un événement majeur, a fortiori quand il s'agit du premier bébé d'une nouvelle constellation. Elle permet à toutes les équipes qui ont participé à la mise au point du satellite, pour les nombreux métiers concernés (optique, mécanique, thermique, communications, traitement d'image à bord et au sol, qualité, etc.) de voir le résultat concret de leur efforts. Pour la partie plus commerciale, c'est aussi l'occasion de montrer aux futurs clients que les performances annoncées sont au rendez-vous et que le satellite pourra rapidement entrer en exploitation.

Après le lancement réussi du 29 avril 2021 et la mise en orbite du satellite Pléiades Neo, la phase de LEOP (mise en route du satellite, opérations initiales comme l’acquisition des premières images et mise à poste fine sur l’orbite cible) a été terminée vers le 11 mai et la phase de test du bon fonctionnement du satellite en orbite a pu démarrer, en commençant par la calibration de l’instrument et la mesure des performances du satellite.

Elles n'ont pas été rendues publiques mais les premières images acquises très rapidement pour valider le bon comportement de la chaîne instrumentale étaient déjà très belles et montraient tout le potentiel des images à 30 cm. Après avoir attendu quelques jours pour disposer de nouvelles images et sélectionner celles qui constitueront la « première image Pléiades Neo », la communication officielle faite aujourd’hui par Airbus montre tout ce potentiel. 

Il faut avoir en tête que ces images sont pour le moment acquises et produites avec les calibrations de l’instrument faites au sol. Dans les prochains mois, pendant la période de recette en vol, les calibrations fines des équipements et des logiciels à bord et au sol seront faites pour améliorer encore les premiers résultats que l'on voit aujourd'hui

 

L'aboutissement d'une belle aventure et du travail de toute une équipe 

Ce premier succès est la concrétisation d’un travail gigantesque réalisé par les équipes d’Airbus dans les cinq dernières années. Le projet a démarré en avril 2016, cinq ans après le lancement du premier satellite Pléiades-1A. Dans le jargon des projets spatiaux, on parle de phase A système. Depuis 2016, les équipes ont défini, construit, intégré et validé les deux premiers satellites, le centre de contrôle et le centre d’exploitation des images.

Pour Philippe Ghesquiers, directeur du programme Pléiades Néo chez Airbus Defence and Space : "Plus de 500 personnes ont été impliquées en permanence en moyenne sur cette durée, ce qui est phénoménal ! Ce développement a concerné de nombreuses branches et départements d’Airbus Defence and Space et l’étape du premier lancement qui vient d’être franchie avec succès est une vraie réussite transverse pour Airbus".

 

Pléiades Neo - Launch - Lancement - CSG - Kourou - Salle Jupiter - Airbus Defence and space - Pleiades Neo 3 - Earth Observation

Au sol ou en orbite, c'est un privilège voir un satellite de près. Idem pour rencontrer l'ensemble des personnes
qui participent à son développement. Ici, quelques membres de l'équipe d'Airbus Defence and Space
deux jours avant le lancement. Crédit photo : Airbus

 

 

Les deux premiers satellites Pléiades Neo ont déjà été construits. Pléiades Neo 4 est déjà prêt pour le lancement : il est déjà en salle blanche au Centre Spatial Guyanais à Kourou et est stocké en attente du prochain lanceur Vega.  Les deux satellites suivants, destinés à compléter la toute nouvelle constellation, sont actuellement en phase d’intégration pour un lancement au second trimestre 2022. 
 

Devil's eye : le diable est dans les détails 

Vous aimez les images en noir et blanc, leur contraste et leur piqué ? Les lecteurs fidèles de ce blog savent qu'en observation de la Terre, c'est la bande dite "panchromatique" qui offre la meilleure résolution. C'est la raison pour laquelle elle est souvent utilisée par les photo-interprètes militaires et les professionnels de la cartographie.

C'est vrai depuis les débuts de l'observation de la Terre. Les seules choses qui ont changé c'est la définition de haute ou très haute résolution et ce qui est autorisé par les différents gouvernements pour les activités civiles. En 1986, après le lancement de SPOT 1 avec sa résolution de 10 mètres, les premières images panchromatiques de la centrale de Tchernobyl créent un certain émoi dans la communauté du renseignement, notamment aux Etats-Unis où la référence civile est la famille Landsat, avec une résolution beaucoup plus modeste. Ensuite sont arrivées les images SPOT 5 puis celles des satellites Pléiades-1A et Pléiades 1B.

Nous vivons aussi un autre changement : l'amélioration continue des performances des satellites d'observation commerciaux, fournissant des images de plus en plus nettes et détaillées a une conséquence paradoxale : la frontière entre satellites civils et satellites militaires devient elle de plus en plus floue. En France, c'est la loi spatiale (plus exactement la Loi relatives aux Opérations Spatiales, loi n° 2008-518 du 3 juin 2008) qui fixe ce que les opérateurs de systèmes spatiaux ont le droit de faire et comment ces activités sont contrôlées par la puissance publique. En particulier, les articles 23 à 25 portent sur les données d'origine spatiale. Il existe des annexes et des décrets d'application qui précise les caractéristiques techniques. Bien sûr, tout n'est pas public... 

Fan de l'Iflord HP5, j'ai hâte de voir quelques images dans la bande panchromatique, celle qui met l'accent sur la résolution de 30 cm, la taille d'une empreinte de pas visible depuis l'espace, à 620 km d'altitude.

 

En savoir plus :

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B
Ces images sont MAGNIFIQUES ! La finesse du "grain" de toutes ces images sont incroyables ! on a l'impression de détecter les grains de sable sur Kheops, les rayons de la grande roue à Dubaï. c'est vraiment beau !
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