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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

Clap de fin pour Ariane 5 : la dernière fille d’Ariane tire sa révérence 

Publié le 3 Juillet 2023 par Gédéon in Satellites-et-lancements, Rétroviseur-un-peu-d'histoire, Hommage

 

Ariane 5 - Adieux - Retraite - Dernier vol - Last launch - Farewell - Statistiques - Facts and figures - Arianespace - Heavy launcher - Satellites - Orbites - Missions - Masse satellisée - GEO - GTO - LEO - MEO - faits et chiffres - Ariane 5 by the numbers

Mission VA 261 : Bye-bye Ariane 5 ! Dernier vol pour le lanceur lourd européen qui prend sa retraite après
27 années de service. Crédit image : ESA / CNES / Arianespace / Optique vidéo du CSG / P. Piron.
Infographie : Gédéon

 

Mission VA261 : les adieux de la dernière fille d’Ariane

Après le report de la tentative de lancement du 16 juin, un moment très émouvant s'est produit le 5 juillet en Guyane : le dernier lancement de la fusée Ariane 5. L'ultime vol du premier lanceur lourd européen et des adieux au Centre Spatial Guyanais et à tous les space geeks qu’Ariane 5 a passionnés depuis sa mise en service en 1996.

Le premier report de lancement était lié à une alerte composant sur des lignes de transmission pyrotechniques. Les conditions météo en altitude en Guyane ont imposé un nouveau report d'au moins 24 heures.

Pour ce dernier vol, le second de l’année 2023 après la mise en orbite de la mission Juice en avril 2023 et le lancement du James Webb Space Telescope en décembre 2021, deux missions historiques, Ariane 5 retourne à ses premières amours : le lancement double de deux gros satellites de télécommunications vers l’orbite de transfert géostationnaire. 

La mission VA261 était une mission courte : il n'a fallu attendre que 33 minutes et 32 secondes avant de déboucher le champagne après la confirmation de la mise en orbite du satellite allemand Heinrich-Hertz (pour le compte du DLR) et du satellite militaire français Syracuse 4B (pour la Direction Générale de l’Armement).

 

Un petit hommage à une grande dame

En guise d’hommage à un lanceur qui m’a fait rêver depuis très longtemps et, en attendant Ariane 6 avec impatience, voici un petit article pour passer en revue l’héritage d’Ariane 5 à travers les missions les plus représentatives et celles qui m’ont le plus marqué. 

Evidemment, sur le blog Un autre regard sur la Terre, je ne vais pas parler que de lancements doubles de satellites de télécommunications. C’est pourtant la mission de référence du lanceur Ariane 5. Parmi mes missions préférées, il y a aussi la météorologie, un peu d’observation de la Terre civile et militaire, la navigation, des missions (presque) habitées avec les cinq cargos automatiques ATV et de très belles missions scientifiques qui nous ont emmenés loin de la planète bleue.

 

Ariane 5 - Ariane 6 - Adieux - Farewell - VA261 - Dernier vol - Last launch - Cité de l'espace - Toulouse

A Toulouse, capitale européenne du spatial, un point de repère pour tous les passionnés d'espace,
la maquette à l'échelle 1 de la fusée Ariane 5. Ici, un "mapping", une projection géante sur la maquette,
à l'occasion de la soirée anniversaire des 25 ans de la Cité de l'espace en juin 2022. Souhaitons de voir bientôt
un décollage aussi réussi d'Ariane 6 en Guyane ! Crédit photos : Gédéon

 

Au menu : des chiffres pour fixer les idées, de belles photographies de décollages, des anecdotes et quelques réflexions personnelles, notamment sur l’évolution de l’écosystème spatial depuis l’irruption de SpaceX et de sa Falcon 9 en juin 2010. 

J’essaie de rester court (vous me connaissez...) bien qu’il y ait beaucoup y dire. Pour les détails, je vous renvoie aux autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans lesquels le lanceur lourd européen tient la vedette. Vous verrez que la fusée Ariane 5 a été une source d’inspiration régulière. 

Accrochez-vos ceintures : 3… 2… 1… Décollage !

 

27 ans de lancements Ariane 5 en quelques chiffres…

VA261 ? Cela veut dire qu’il y a eu 261 vols Ariane depuis le 24 décembre 1979 et le vol de la toute première fusée Ariane et la première bataille de boules de neige au Centre Spatial Guyanais
261 vols toutes générations et toutes versions confondues.

Avec le succès de la mission VA261, la fusée Ariane 5 a été lancée 117 fois au total. C’est le lanceur de la famille Ariane le plus utilisé juste devant Ariane 4 (116 lancements au total dont 3 échecs). Pour le CNES, la fiabilité d’Ariane 5 est de 98,4% avant le dernier vol. 

Les fusées Ariane 1, Ariane 2 et Ariane 3 ont été utilisées respectivement 11, 6 et 11 fois et cumulent au total 4 échecs. 

Au total, en 27 ans de carrière Ariane 5 a mis nominalement en orbite 233 satellites(1), soit une moyenne de deux satellites par lancement. La très grande majorité des satellites (178 satellites soit 77%) sont des gros satellites de télécommunication à destination de l’orbite géostationnaire

Un lancement double vers l’orbite de transfert géostationnaire est d’ailleurs la mission de référence d’Ariane 5. Les huit satellites de météorologie lancés par Ariane 5 avaient également l’orbite GEO comme destination finale.

 

(1) Je compte uniquement les satellites qui ont atteint leur orbite nomale sans perte significative de durée de vie. J'élimine évidemment les échecs de lancement (les 4 satellites Cluster du vol 501, Hotbird 7 et Stentor sur la première Ariane 5 ECA) mais aussi des anomalies majeures (BSAT-2b sur la mission VA142, Artermis ayant pu rejoindre son altitude nominale). Dernière précision : j'inclus le démonstrateur de rentrée atmosphérique ARD qui n'a fait qu'un vol suborbital nominal. Pour les puristes des lancements orbitaux, c'est seulement 232 satellites.

 

Plus près de nous, l’orbite MEO est la seconde destination des missions Ariane 5, avec 12 satellites Galileo. La masse totale est modeste (8,7 tonnes)

Il y a eu aussi des missions importantes vers l’orbite basse, quatre satellites d'observation de la Terre, quatre satellites Essaim de détection électromagnétique pour la défense française et les cinq très belles missions des cargos ATV de l’ESA pour ravitailler l’ISS.

Enfin sur des orbites plus exotiques, des missions scientifiques qui nous ont fait rêver : XMM-Newton, SMART-1, Rosetta, Herschel et Planck, le James Webb Space Telescope et très récemment la mission JUICE, désormais en route vers Jupiter et ses lunes …

Au total, Ariane 5 a mis en orbite 925 tonnes de charge utile(2). Pour fixer les idées, si on retient 780 tonnes comme masse au décollage, pour le total des 117 lancements, cela fait 1% de charge utile en moyenne : une fusée, c'est d'abord du carburant, un peu de structure et un tout petit peu de charge utile. La pesanteur, ça pèse lourd...

 

(2) Les 925 tonnes mentionnés ici correspondent au total des satellites mis sur un orbite nominale ou qui ont pu la rejoindre sans impact majeur sur leur durée de vie. Selon mes estimations, une masse totale de 936,5 tonnes a quitté la pas de tir ELA3 à bord d'un lanceur Ariane 5. Une petite partie est retombée, un autre partie n'est pas allée exactement où c'était prévu. Je compte l'ARD, le démonstrateur de rentrée atmosphérique, dans le total, bien qu'il s'agisse d'une vol suborbital. Au total, 240 charges utiles ont été transportées par Ariane 5.

 

Le lancement double vers l’orbite de transfert géostationnaire : la mission reine d’Ariane 5

A tout seigneur, tout honneur… Les articles publiés à l’occasion du dernier lancement d’Ariane 5 citent beaucoup de missions emblématiques mais il est rarement question de satellites de télécommunication ou de météorologie à destination de l’orbite géostationnaire.

Il s’agit quand même du cœur d’activité du lanceur européen et cela mériter d’y revenir en détail.
Au total, Arianespace a lancé 99 fusées Ariane 5 vers l’orbite de transfert géostationnaire, soit 85% du total des lancements.

84 tentatives de lancements étaient des lancements doubles avec, sous la coiffe, un passager en position inférieure et un second en position supérieure. 6 passagers ont voyagé seul, presque exclusivement des gros bébés de plus de 6,5 tonnes. Il y a eu sept lancements triples et deux lancements avec quatre satellites à bord.

 

Ariane 5 - Bilan - Statistiques - Orbite - GTO - GEO - Masse - Nombre de passagers - satellites - Payload - communication - Arianespace - Héritage - Facts and figures - faits et chiffres - Ariane 5 by the numbers

Statistiques Ariane 5 concernant les lancements vers l'orbite de transfert géostationnaire. Masse des satellites
et nombre de satellite spar tentative de lancements. Image de fond : extrait d'une photographie du
décollage de la mission VA261. Crédit : ESA - S. Corvaja. Infographie : Gédéon

 

Au total, 199 satellites(3) ont été mis en orbite avec succès sur cette orbite de transfert, la position de parking avant que le satellite n’utilise son propre système propulsion, chimique ou désormais électrique, pour rejoindre sa position définitive sur une orbite circulaire équatoriale à près de 36000 km d’altitude.

 

(3) Pour simplifier, j'intègre dans les 199 satellites lancés vers l'orbite GTO les deux satellites Spirale qui ont rejoint une orbite elliptique haute (600 x 6000 x 2°). C'est cohérent avec le chiffre de 197 satellites placés en orbite géostationnaire cité par Stéphane Israël dans le communiqué de presse d'Arianespace publié après le lancement réussi.  

 

Ariane 5 - Adieux - Retraite - Dernier vol - Last launch - Farewell - Statistiques - Facts and figures - Arianespace - Heavy launcher - Satellites - Orbites - Missions - Masse satellisée - Orbite GTO - GEO - Géostationnaire - Telecommunications - Météorologie - Opérateurs - faits et chiffres - Ariane 5 by the numbers

Statistiques des missions Ariane 5 vers l’orbite de transfert géostationnaire (GTO).
Les deux satellites Spirale, en orbite elliptique haute, sont inclus dans le total pour simplifier.
Infographie : Gédéon. Image de fond : décollage de la mission Ariane 5 VA254 le 30 juillet 2021.
Sous la coiffe, les deux satellites de communication Star One D2 et Eutelsat Quantum.
Crédit image : ESA / CNES / Arianespace / Optique vidéo du CSG / P. Piron

 

199 satellites ont été mis en orbite GTO avec succès. La part du lion : 178 satellites de télécommunication (avec parfois une deuxième charge utile de météorologie ou de navigation).

Il y a eu également huit satellites météorologiques (dont cinq pour l’opérateur européen Eumetsat), sept satellites technologiques, deux satellites d’alerte et une mission MEV d’extension de durée de vie. Enfin, même si on peut discuter leur rôle de charge utile, quelques lests pour les missions de qualification ou de requalification (missions 502, 503 et 521).

 

Ariane 5 - Chronologie de lancement - Exemple lancement triple - Orbite GEO GTO - Arianespace - Launch sequence

A gauche, séquence de lancement pour trois satellites géostationnaires. A droite, empilement des satellites
sous la coiffe d'Ariane 5. Cliquer sur les images pour les agrandir. Crédit image: Arianespace

 

Des clients fidèles

Sur le podium des meilleurs clients d’Arianespace, les deux principaux opérateurs commerciaux : Intelsat (22 satellites), Eutelsat (19 satellites) et SES (16 satellites) auxquels il convient de rajouter les 17 satellites lancés pour le compte du gouvernement indien.

Parmi les autres abonnés aux lancements sur Ariane 5, on peut également citer Sky Perfect JSAT (8 satellites), B-SAT (7 satellites), DirecTV (6 satellites), Embratel (6 satellites) et l’opérateur australien Optus (5 satellites).

Pour les satellites à usage exclusivement militaire , Airianespace a mis en orbite 17 satellites pour les gouvernements français (4 satellites Syracuse et 2 Spirale), allemands (COMSATBw-1 COMSATBw-2), anglais (2 STRV et 4 SKYNET) et égyptiens (TIBA-1) ou en coopération entre la France et l’Italie (Athena-FIDUS et Sicral).

Au total, j’ai compté une cinquantaine de clients différents, commerciaux ou institutionnels. Note : il y a eu des faillites et des fusions d’opérateurs au fil des années. J’ai pris comme référence le nom de l’opérateur actuel.

La masse totale satellisée confirme l’importance de l’orbite GTO dans la carrière d’Ariane 5 : 769 tonnes soit 83% du total.

 

L’orbite MEO : un coup d’accélérateur pour Galileo

Entre novembre 2016 et juillet 2018, trois lancements d’Ariane 5 (VA233, VA240 et VA244), tous réussis, ont visé l’orbite MEO pour accélérer le déploiement de la constellation européenne Galileo.
La version Ariane ES a mis au total 12 satellites Galileo en orbite pour une masse totale de 8,7 tonnes, soit moins de 1% du total mis en orbite par Ariane 5.

 

Ariane 5 - Adieux - Retraite - Dernier vol - Last launch - Farewell - Statistiques - Facts and figures - Arianespace - Heavy launcher - Satellites - Orbites - Missions - Masse satellisée - Orbite MEO - Navigation - Galileo - VA233

Décollage de la mission Ariane 5 VA233 le 17 novembre 2016 depuis le site ELA3 du Centre Spatial Guyanais.
La fusée Ariane 5 dans sa version ES emporte 4 satellites Galileo pour l’Union Européenne. Cette photographie permet de
voir les impressionnants panaches de fumée au décollage et le rôle des carneaux géants au moment de l’allumage du moteur Vulcain et
des deux étages d’accélération à poudre (EAP). Crédit image : CNES / ESA / Arianespace / Optique vidéo du CSG / S. Martin

 

Orbite LEO : rendez-vous en orbite basse et cargos de nuit

Ce n'était pas la mission principale : il n'y a eu que 8 lancements Ariane 5 visant spécifiquement l’orbite basse. Seulement treize satellites au total ont rejoint l’orbite LEO à bord d’une fusée Ariane 5 soit 6% du total des satellites mis en orbite. Par contre en termes de masse satellisée, le chiffre est plus impressionnant : près de 116 tonnes en orbite soit presque 12,5% du total. 14 charges utiles et 119 tonnes si on ajoute le démonstrateur de rentrée atmosphérique ARD (vol suborbital).

Il est vrai qu’il y a eu quelques beaux bébés, notamment les cinq cargos automatiques de l’ESA, les plus gros charges utiles mises en orbite par Ariane 5, lancés entre mars 2008 et juillet 2014 à destination de la Station Spatiale Internationale. Jules Verne, Johannes Kepler, Edoardo Amaldi, Albert Einstein et Georges Lemaître ont assuré une excellente visibilité médiatique au spatial européen, non seulement au moment du lancement mais également au cours des opérations d’amarrage, de désamarrage et de rentrée dans l’atmosphère. Il y avait une petite ambiance de vols habités bien que les ATV n'aient pas transporté d'équipage (l'héritage de l'ATV, c'est aujourd'hui le module de service du vaisseau Orion). 

Plusieurs articles du blog Un autre regard sur la Terre y sont consacrés dont un quiz qui a eu beaucoup de succès.

 

Ariane 5 - Retraite - Farewell - Adieux - dernier lancement - last launch - Orbit LEO - statistiques - Envisat - Helios 2 - ATV - ARD - Essaim - Parasol - Orbite basse - VA261 - Arianespace - VA213 - Albert Einstein -Earth Observation - ARD- faits et chiffres - Ariane 5 by the numbers

Statistiques des missions Ariane 5 vers l’orbite basse (LEO). J'ai ajouté le démonstrateur de rentrée
atmosphérique ARD qui n'a fait q'un vol suborbital sur la troisème Ariane 5. Infographie : Gédéon.
Image de fond : le 5 juin 2013, décollage de la mission Ariance 5 VA213 emportant le cargo ATV-4
Albert Einstein. Crédit image : ESA / S. Corvaja

 

Ariane 5 - Adieux - Farewell - Dernier vol - Missions emblématiques - ATV-4 Albert Einstein - Décollage - Liftoff - Arianespace - ESA

Le décollage de l'ATV-4 vu depuis les premières loges. Crédit image : Arianespace

 

Seulement quatre satellites d’observation de la Terre ont été lancés par Ariane 5 : le gros satellite européen Envisat en 2002, deux satellites Helios 2A et Helios 2B en décembre 2004 et décembre 2009 et le petit satellite Parasol qui accompagnait Helios 2A.

 

A gauche, essais du satellite européen Envisat dans les salles blanches de l'ESA à l'ESTEC.
A droite, lancement du satellite Envisat par la mission Ariane 5 VA145 depuis le Centre Spatial Guyanais
le 1er mars 2002. Crédit image : ESA

 

Pour être complet, toujours avec Helios 2A, il y a eu également les quatre petits satellites d’écoute électronique Essaim pour le ministère français de la Défense et, au début de la carrière d’Ariane 5, avec Ariane 503, le premier vol totalement nominal, le démonstrateur de rentrée atmosphérique ARD, un vol suborbital (j'ai quand même comptabilisé ses 2,8 tonnes dans le total satellisé).

Le vol Ariane 503 a également donné lieu à un quiz très particulier sur ce blog.

 

Ariane 5 - V503 - Premier vol nominal - ARD - Arianespace - Quiz - ombre portée - caméra embarquée - STEM
Ariane 5 - 503 - Quiz - Théodolithe - Ombre portée - Guyane - Centre Spatial Guyanais - Trajectoire - Altitude - séparation EAP

Deux illustrations du quiz sur la mission Ariane 503. La question posée : estimée l'altitude du lanceur
à partir de l'ombre portée du panache de fumée. A gauche, extrait de la vidéo d'une caméra embarquée
un peu avant la séparation des deux boosters EAP. A droite, avec l'aide d'Hergé, une petite maquette
pédagoqique pour situer la problème. Crédit image : Arianespace. Maquette : Gédéon

 

Quand Ariane 5 nous fait rêver… Les grandes missions scientifiques d’exploration

Sept lancements Ariane 5 ont lancé huit missions scientifiques. Au delà de l'excellence des missions scientifiques embarquées, ce sont certainement ces lancements qui ont eu, à côté des missions ATV, le plus d’impact auprès du grand public.

Près de 29 tonnes mises en orbite pour s’éloigner de la Terre et nous faire rêver et mieux comprendre notre système solaire et notre univers.

Les plus récentes sont bien en mémoire : en mars 2023, le lancement de la sonde JUICE vers Jupiter et ses lunes et en décembre 2021, l’extraordinaire télescope James Webb (JWST), une des missions les plus ambitieuses de la NASA qui a fait confiance à Ariane 5 et à Arianespace pour lancer une des missions scientifiques les plus coûteuses de l’histoire spatiale. Un beau témoignage de confiance.

Confiance méritée puisque dans les deux cas, la précision d’injection en orbite est bien meilleure que ce qui était attendu : cela va permettre une augmentation significative de la durée de vie des deux missions JWST et JUICE et peut-être offrir des nouvelles opportunités scientifiques.

 

Ariane 5 - Adieux - Retraite - Dernier vol - Last launch - Farewell - Statistiques - Facts and figures - Arianespace - Heavy launcher - Satellites - Orbites - Missions - Masse satellisée - Science - Exploration - JWST - JUICE - Rosetta - Philae - XMM-Newton - Herschel - Planck - SMART-1 - Cluster - faits et chiffres - Ariane 5 by the numbers

Système solaire et univers : les missions scientifiques mises en orbite par Ariane 5.
Infographie Gédéon – Crédit image : ESA / Arianespace

 

En remontant un peu en arrière, citons également la mission BepiColombo (coopération ESA – JAXA), lancée en octobre 2018, en route vers Mercure, qui vient d’effectuer en juin 2023 son troisième survol de Mercure parmi les six prévus avant l’injection en orbite de Mercure en décembre 2025 et le début de la mission scientifique en février 2026. Le lancement par Ariane 5 (mission VA245) n’était qu’un apéritif…
Entre 2004 et 2009, trois autres missions lancées par Ariane 5 ont permis à l’ESA de confirmer l’excellence européenne dans le domaine des missions d’exploration.

Herschel, un télescope infrarouge avec un miroir primaire de 3,5 mètres de diamètre et Planck, avec ses instruments micro-ondes, lancés en mai 2009 par la mission VA188, étaient destinés respectivement à mieux comprendre les processus de formation des étoiles, la diversité des systèmes solaires, découvrir de nouvelles galaxies et cartographier les légères variations du fond diffus cosmologique.

Les données collectées par Planck ont permis d’établir une cartographie du fond diffus cosmologique bien plus détaillée que les versions antérieures (COBE, WMAP) et de préciser les proportions des composants de l'Univers (4,9 % de matière ordinaire, 26,6 % de matière noire et 68,6 % d'énergie sombre.

Je n’oublie pas Rosetta et Philae, une mission (VA158) lancée en mars 2004 après un changement de destination lié à l’échec du premier vol de la version ECA de la fusée Ariane 5 (mission VA157).

Ariane 5 - Lancement Herschel et Planck

Lancement des missions scientifiques
Herschel en Planck en mai 2009.
Crédit image : Arianespace / CNES / ESA
 

La mission une fois lancée a connu des multiples rebondissements (réveil tardif de Rosetta à la sortie de l’hibernation, rebonds de Philae à la surface de la comète CG/67P) qui ont contribué à son impact médiatique retentissant. 

Parmi les résultats inattendus, une bonne partie de la population mondiale sait maintenant écrire 67P/Churyumov–Gerasimenko sans faute d’orthographe. Rosetta et Philae ont évidemment donné lieu à plusieurs articles sur ce blog.

Si on oublie la première série de sondes Cluster de l’ESA qui étaient à bord de la première fusée Ariane 5 et dont la durée de vie n’a pas dépassé 37 secondes, la première mission scientifique d’ampleur lancée par Ariane 5 (VA119) en décembre 1999 est le télescope à rayons X XMM-Newton dont on peut voir une maquette à l’échelle 1 exposée à l’entrée de la Cité de l’espace à Toulouse. Initialement prévue pour une durée de deux ans, la mission, qui intéresse beaucoup la communauté scientifique, a été prolongée à plusieurs reprises et est toujours en opération. Une longévité exceptionnelle...

Enfin, je mets aussi la mission SMART-1, lancée en septembre 2003, dans la liste des missions scientifiques. En toute rigueur, j’aurais dû classer cette mission dans la catégorie « Technologie » mais je l’ai laissée dans la liste des satellites scientifiques : symboliquement, c’est la première mission de l’Agence Spatiale Européenne, à avoir été mise en orbite autour de la Lune.

 

 

En guise de témoignage personnel…

Adolescent passionné d’espace puis jeune ingénieur, les lancements des fusées Ariane, depuis 1979, puis Ariane 5, depuis 1996, ont été des événements importants pour moi, comme les premiers vols de la navette spatiale aux Etats-Unis. Un de mes regrets est de n’avoir vu décoller « pour de vrai » ni l’un ni l’autre mais j’ai passé un certain nombre de soirées ou de nuits à suivre les vidéotransmissions ou les soirées spéciales Ariane 5 au CNES, chez Airbus Defence and Space ou à la Cité de l’espace.

En juin 1996, j’étais invité à Evry à assister au premier lancement d’Ariane 5 : beaucoup d’impatience avant le compte à rebours final, l’interrogation et l’incrédulité puis un silence de mort après l’interruption brutale de la vidéotransmission après seulement 37 secondes de vol. Ce jour-là, les bouchons de champagne n’ont pas décollé non plus…

L’échec du vol inaugural ne m’a pas dissuadé de continuer à suivre les lancements, à me réjouir des succès d’Ariane 5, alors que le Space Shuttle, également un objet de rêve pour un ingénieur et pour tout passionné d'espace, ne tenait pas ses promesses de coût de fonctionnement et de cadence de lancement. Arianespace devenait alors l’opérateur commercial de lancement de référence.

Même si je me suis surtout intéressé aux missions les plus emblématiques d’Ariane 5, les quelques missions d’observation de la Terre (mon dada, vous l’avez certainement compris), les missions scientifiques et les cinq missions du cargo ATV, qui avaient un petit air de vols habités malgré l’abandon du projet de navette Hermès en 1992, j’ai voulu rappeler dans cet article quelle était la mission principale d’Ariane 5, à savoir le lancement de paires de satellites de télécommunication vers l’orbite géostationnaire.

Malgré deux échecs complets (entraînant la perte totale des satellites sous la coiffe) et 3 anomalies (avec un impact sur la durée de vie des passagers à bord), les 117 vols d’Ariane 5 démontrent une fiabilité exceptionnelle. C’est assez rageant de se dire que des procédures opérationnelles appliquées de manière plus strictes, en phase de développement ou en exploitation, auraient permis d’avoir un taux de fiabilité encore plus impressionnant. Bon, c'est toujours plus facile de tirer les leçons a posteriori...

Néanmoins, ce sont davantage les questions de modèle économique et de politique européenne qui me semblent les plus importantes alors que le contexte concurrentiel, géopolitique et l’évolution du spatial évoluent rapidement. La crédibilité de SpaceX, avec le premier vol réussi d’un lanceur Falcon 9 en juin 2010 et la première récupération d’un booster en avril 2016, a été manifestement sous-estimée par l’Europe spatiale. L’extraordinaire cadence de lancements de la société d’Elon Musk depuis quelques années fait douter du modèle européen et a déclenché un forme de dénigrement du spatial européen que je trouve assez désagréable.

Les contextes géopolitiques et économiques restent très différents en Europe et aux Etats-Unis, dans toutes leurs dimensions (marchés commercial, institutionnel et militaire). Il y a certainement des améliorations importantes à attendre du côté du modèle industriel et du schéma de retour géographique mais si on admet que l’accès autonome en Europe à l’espace repose sur un modèle commercial assurant un nombre de lancements suffisant pour absorber les coûts fixes et proposer des coûts récurrents acceptables, il faut continuer à promouvoir ce modèle en Europe.

Force est de constater que l’importance de cet accès autonome à l’espace n’est pas reconnue en Europe au même niveau qu’en France, devenue la troisième puissance spatiale le 26 novembre 2065. Astérix, même sur un diamant, reste assez gaulois.

Arianespace avait misé sur une gamme de lanceurs combinant fusées européennes (Ariane et Vega) et accords bilatéraux avec la Russie pour lancer Soyouz en Guyane. Tous les satellites d’observation militaires ou à vocation duale français récents (Pléiades-1A et Pléiades-1B, les deux premiers satellites militaires CSO) ont été lancés sur des fusées russes. Les satellites SPOT-6 et SPOT-7 ont été mis en orbite par des fusées indiennes PSLV… Le gouvernement allemand n’a pas d’état d’âme à lancer ses satellites militaires sur un lanceur américain. Les contraintes imposées par les américains au moment du lancement du programme Symphonie semblent oubliées.

Avec les déboires de l’évolution du lanceur Vega et la guerre en Ukraine, cet effet de gamme, et de coopération internationale, un choix tout à fait justifié au début des années 2010, est largement remis en cause et entretient le discours de dénigrement du spatial européen.

Le modèle de SpaceX, malgré son apparent succès, peut également être « challengé ». Il repose sur une intégration verticale extrême, non seulement au niveau de l’offre et de la chaîne de fournisseurs mais aussi du marché et des clients. Le nombre de lancements de SpaceX est effectivement très impressionnant et l’impact de la réutilisation du premier étage des fusées Falcon 9 semble incontestable, SpaceX, avec le déploiement de la constellation Starlink, est d’abord son propre client.

Finalement, alors que la qualification du lanceur géant Starship continue à demander des investissements considérables, toute la question est de savoir si la constellation Starlink, même si la guerre en Ukraine et les enjeux de fracture numérique au centre des Etats-Unis semblent confirmer son intérêt, va effectivement déboucher sur un modèle économique viable.

Je ne pense pas qu’Ariane 6 ou ses évolutions et l’Europe spatiale aient dit leur dernier mot. Combien de constellations massives vont survivre à terme ? Quelle est la place réelle pour les petits lanceurs en cours de développement en Europe et partout dans le monde ?  Que va-t-il rester à l'horizon quand la poussière va retomber après l’explosion de la bulle du New Space ? Un second souffle pour l’orbite géostationnaire ?

Je ne vais peut-être pas me faire de nouveaux amis avec cet article et sa dernière partie mais, s'il ne faut surtout pas se reposer sur ses lauriers, je continue à croire que l'Europe spatiale a quelques atouts...

Bien sûr, tous les voyants ne sont pas au verts pour le futur : les retards d'Ariane 6 et un optimisme excessif sur la tenue du calendrier entraînent pour la première fois un "trou de capacité" et une absence de biseau entre deux générations d'Ariane (alors qu'il y avait eu encore 58 lancements d'Ariane 4 après le court vol inaugural d'Ariane 5). SpaceX poursuit une remarquable "success story" et est devenu en dix ans l'acteur de référence dans le monde des lanceurs.

Mais l'Europe spatiale, avec ses agences, son industrie et ses nouveaux acteurs, est toujours dans la course. Etre le nouveau challenger, courir en seconde place derrière le nouveau champion peut aider à courir plus vite...

Merci Ariane 5. Longue vie à Ariane 6.

 

Ariane 5 - Ariane 4 - Ariane - Historique des lancements - Nombre de lancements par an - échecs - anomalies - failures - satellite - masse satellisée - Arianespace - Famille Ariane - Héritage - statistiques - faits et chiffres - Ariane 5 by the numbers

De la première Ariane 1 en décembre 1979 à la dernière Ariane 5 en juillet 2023 : un seul graphique pour
résumer la carrière des filles d'Ariane, avec nombre de fusées lancées, succès, échecs et anomalies, nombre
de satellites mis en orbite et masse totale satellisée. les périodes de biseaux entre la famille Ariane 1 et
Ariane 4 et entre la famille Ariane 4 et Ariane 5 sont bien visibles (superposition desbaares roses et vertes et
des barres vertes et bleues. Infographie Gédéon. Image de fond : décollage de la mission VA16.
Crédit image :
 ESA / CNES / Arianespace / Optique vidéo du CSG / P. Piron

 

En savoir plus : 

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L
Espérons que pour Ariane 6, son vol inaugural aura lieu avec succès.
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D
Bonjour Gédéon, encore un excellent article, très plaisant à lire.<br /> Qq précisions : <br /> -le modèle commercial Starlink est déjà un succès, tant côté public que privé (250000 abonnés), certains experts prédisent un breakeven attendu sous peu en 2023. La génération 2 en cours de tests, et de futures évolutions (direct to smartphone) en développement. La question est de savoir "how big is the success" et si SpaceX va arriver a soutenir la cadence et résoudre les problèmes de licence en marchant.<br /> -les lancements de Starlink ont été finalement très peu chers (50M$ prix catalogue.<br /> -L'Allemagne considère qu'ils doivent avoir un accès garanti et sécurisé à l'espace et un contrat avec SpaceX pour TerraSar les satisfait et puis ils ne sont peut être pas complètement content de leur rôle dans la saga Ariane. La France veut avoir un accès garanti, sécurisé et souverain, c'est toute la différence. En plus (et de fait), ArianeGroupe possède la techno GNC sensible.<br /> -C'est vrai on a beaucoup utilisé Soyuz et PSLV pour les missions sécurité/défense ; mais tu n'oublies pas que les Falcon Eye, SeoSat et Pleiades Neo ont fait plouf avec Vega ; ok ls premiers Pléiades Neo et CERES sont bien passé, ouf. Un tel taux de succès ne pousse pas à rester en Europe, et le choix Allemand fait sens. <br /> -Le vrai challenge, c'est que'Ariane 6 fasse ses preuves rapidement, et je me joins à toi pour lui souhaiter le meilleur.
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