Le bilan 2022 des lancements orbitaux du blog Un autre regard sur la Terre.
Image de fond : photographie infrarouge de la fusée SLS (mission Artemis 1) en septembre 2022,
la mission la plus emblématique de l’année 2022, avec le plus de suspense.
Crédit image : NASA / Joel Kowsky
2022 dans l’espace : l’année de tous les records
Le bilan de l’année spatiale est de retour sur le blog Un autre regard sur la Terre. Comme d’habitude, je commence par une synthèse des lancements orbitaux. Dans un deuxième article, je reviendrai plus en détails sur les satellites mis en orbite cette en 2022.
L’activité spatiale ressemble-t-elle au changement climatique ? Chaque année semble désormais dépasser les records de l’année précédente et l’année 2022 explose tous les compteurs.
D’abord quelques chiffres globaux en guise de résumé et pour donner quelques points de repères. S’il fallait ne citer qu’un chiffre, ce serait +33% ou un peu plus, globalement l’augmentation du niveau d’activité qu’il s’agisse du nombre de lancements orbitaux réussis, de satellites mis en orbite ou de masse totale satellisée, par rapport à l’année 2021 qui était déjà une année exceptionnelle.
Sur tous les critères, les Etats-Unis reprennent la première place du podium avec une avance considérable sur la Chine et la Russie.
L’année spatiale 2022 résumée en quelques chiffres.
Image de fond : Gros plan sur les moteurs du premier étage de la fusée SLS au décollage
de la mission Artemis 1. Crédit image : NASA. Infographie : Gédéon
Lancements orbitaux 2022 : une progression spectaculaire
Premier record : il y eu au total 178 lancements orbitaux réussis en 2022 (135 en 2021), 7 échecs et une anomalie majeure.
8 pays ont réussi au moins un lancement orbital avec mise en orbite d’un satellite en 2022 : Etats-Unis, Chine, Russie, Europe, Inde, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande et Iran. L’échec du lancement du petit lanceur Epsilon n’a pas permis au Japon de rester dans le club des pays lanceurs qui reste très fermé.
Une précision : j’appelle pays lanceur un pays ou un groupe de pays (pour l’Europe) à partir du territoire duquel un lancement orbital est réussi.
Deuxième record depuis le début de l’ère spatiale : 2469 satellites ont été lancés ou déployés en orbite en 2022, soit directement par une fusée soit à partir d’un « dispenser », d’un cargo ou de la Station Spatiale internationale.
La progression est de +36% par rapport à 2021 (1813 satellites) et près du double de l’année 2020 (1272 satellites). C’est très impressionnant, même si la progression est surtout liée à la poursuite du déploiement de la constellation Starlink (1722 satellites soit près de 70% du total) et, dans une moindre mesure, de la constellation Oneweb (110 satellites).
En termes d’applications, 80% des satellites sont des satellites de télécommunication (1951 satellites). Viennent ensuite les satellites d’observation de la Terre et de reconnaissance (186 satellites) puis les satellites à vocation technologique ou éducative (177 satellites dont les plus petits mis en orbite).
Troisième record absolu : pour la première fois, la masse totale mise en orbite dépasse les 1000 tonnes, 1037 tonnes exactement selon mes estimations (je parlerai de la méthode et des incertitudes dans l'article sur le bilan des satellites), soit une augmentation de +36% par rapport à 2021 et 84% par rapport à 2020. La masse moyenne d’un satellite reste pratiquement stable à 420 kg (-1% par rapport à 2021), avec une grande disparité (de 250 g à plus de 23 tonnes).
L’orbite reine reste l’orbite basse (LEO) avec 146 lancements et 2408 satellites. Notez que je continue à distinguer ce que j’appelle au sens large « orbite ISS » pour bien identifier les lancements et les missions liés aux vols habités (vaisseaux spatiaux, cargos de ravitaillement et modules de stations orbitale), quel que soit le pays lanceur (USA, Chine ou Russie).
Le seul indicateur légèrement en baisse concerne l’activité liée aux vols habités avec un total de 13 missions et 7 vols habités (un de moins qu’en 2021). 24 astronautes dont 15 bleus ont eu le plaisir de ressentir l’impesanteur sur une longue période. Seulement 5 femmes et 19 hommes (26% / 74%), ce qui montre qu’ici aussi la situation ne progresse pas beaucoup, à la fois en stock (le total depuis le vol de Gagarine) et en flux (le ratio annuel hommes / femmes) : au total, depuis 1961, 72 femmes ont effectué au moins un vol orbital sur un total de 597 astronautes. 12%...
Voilà pour ce bilan très synthétique. Vous pouvez soit arrêter la lecture de cet article ou, si vous voulez en savoir un peu plus, aller jusqu’au bout. Il y a beaucoup de chiffres mais j’espère que les visuels les rendent plus digestes et permettent de sentir un peu mieux les tendances qui s’y cachent et quelques enseignements sur l’évolution des activités spatiales dans le monde.
2022 : toujours une accélération au second semestre
Sauf en janvier, il y a eu au moins 11 lancements réussis par mois et une moyenne de près de 15 lancements réussis par mois. Octobre et Novembre sont les deux mois record avec respectivement 21 et 20 lancements réussis (23 et 20 tentatives).
Il y a eu en moyenne 206 satellites déployés en orbite chaque mois, avec un minimum de 47 en novembre et un pic au-dessus de 300 en mai (311 satellites) et en août 2022 (305 satellites).
La masse moyenne satellisée est de 86 tonnes par mois, avec un pic à 126 tonnes en juillet.
Les lancements orbitaux de l’année 2022. Analyse mensuelle : nombre de fusées lancées, nombre
de satellites et masse satellisée. Infographie : Gédéon. Image de fond : en septembre 2022,
décollage de la fusée Soyouz emportant la mission MS-22 vers l’ISS.
Space is hard… Les échecs et les anomalies de lancement en 2022
Il y a eu 7 échecs et une anomalie majeure avec perte du lanceur ou impact très important sur la durée de vie des satellites, un taux néanmoins relativement bas compte tenu du nombre total de lancements orbitaux réalisés en 2022. 19 satellites ont été perdus ou placés sur une mauvaise orbite à l'occasion de ces échecs. Je ne les comptabilise pas dans le bilan global :
- Il y a eu deux échecs de la fusée Astra Rocket 3.3 en février (Mission ELaNa 41 VLCS Demo-2A de la NASA) et juin 2022 (deux satellites de la constellation TROPICS de la NASA), causés d’une part par un problème de câblage ayant empêché la séparation de la coiffe et d’autre part une défaillance de la propulsion du second étage. Depuis septembre 2020, sur un total de 7 lancements, il y a eu 5 échecs.
- En mai 2022, la fusée chinoise Hyperbola-1 (alias SQX-1 ou Shian Quxian 1) de la société iSpace a connu son deuxième échec en 3 lancements.
- En août 2022, au cours du vol inaugural de la fusée indienne SSLV (Small Satellite Launch Vehicle), un arrêt prématuré du dernier étage VTM (Velocity Trimming Module) place les satellites EOS 02 et Azaadisat sur une orbite dont le périgée est trop bas. Les satellites sont perdus avant d’avoir parcouru une orbite complète.
- Le 1er octobre 2022, pour son deuxième vol, la fusée Firefly Alpha place une série de cubesats sur une orbite plus basse que l’orbite visée : la durée de vie des satellites est limitée à quelques jours, avec des rentrées atmosphériques entre le 5 et le 7 octobre. Même si Firefly considère la mission « To the black » comme un succès, je classe ce lancement comme une anomalie majeure.
- Toujours en octobre, la fusée à poudre japonaise Epsilon connaît son premier échec en 6 lancements depuis septembre 2013, à cause d’un problème du système de contrôle d’attitude du deuxième étage, entraînement le déclenchement du système d’autodestruction du lanceur (FTS ou Flight Termination system). Cet échec du seul lancement japonais de l’année 2022 empêche le Japon de faire partie du club des pays lanceurs cette année (selon mon critère : au moins un lancement orbital réussi).
- Le 14 décembre, le vol inaugural de la fusée Zhuque-2 de la société chinoise Landspace échoue à cause d’un défaut de fonctionnement des moteurs verniers du scond étage.
- Enfin, malheureusement, quelques jours avant noël, six mois après le vol de qualification, la fusée Vega-C, pour son premier lancement opérationnel (mission VV-22), est détruite quelques minutes après l’allumage du deuxième étage Zefiro 40, entraînant la perte des deux satellites Pléiades Neo-5 et Pléiades Neo-6 d’Airbus Defence and Space. Pour moi, intervenant pour le commentaire de la vidéotransmission, ce fut la pire nuit parmi toutes celles passées à suivre des lancements de fusées. La commission d’enquête n’a pas encore rendu ses conclusions. Toutes versions confondues, c’était le troisième échec de la fusée Vega en 22 lancements. Trois échecs plutôt récents entre juillet 2019 et décembre 2022.
Au-delà de la perte de deux satellites d’observation à très haute résolution, l’échec de la mission VV-22 est une très mauvaise nouvelle pour l’Europe spatiale, avec la fin proche de l’exploitation d’Ariane 5 (il n’en reste plus que deux) et l’arrêt des vols Soyouz depuis la Guyane décidé après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Avec le retard d’Ariane 6, le trou de capacité de lancement en Europe se confirme. Space is hard…
Sur la chaîne Youtube d’Arianespace, vidéo du lancement de la mission Vega-C VV-22 le 21 décembre 2022
Puissances spatiales : les écarts se creusent
Huit pays ou groupes de pays ont effectué au moins un lancement orbital et peuvent revendiquer le titre de « puissance spatiale » en 2022 (mon critère est le territoire où est situé le site de lancement).
Avec l’échec du lancement de la fusée Epsilon, le Japon n’a pas réussi à rester dans ce club très fermé. Par contre la Corée du sud, après un échec en 2021, fait son entrée avec la KSLV-II (Korea Satellite Launch Vehicle II) en juin 2022.
Les lancements orbitaux de l’année 2022 : pays lanceurs, nombre de lancements, nombre de satellites
et masse totale satellisée. Infographie : Gédéon. Image de fond : décollage de la mission Ariane 5 VA 258
emportant le satellite Eutelsat Konnect-VHTS.
Crédit image : CNES – Arianespace – Optique vidéo du CSG – P. Piron
L’Iran a également réussi un lancement orbital de la fusée Qased (deuxième lancement réussi depuis avril 2020) et mis en orbite le satellite militaire de reconnaissance Noor-2, un cubesat 6U. Les premières images publiées par l'Iran semblent indiquer une résolution moyenne.
Les autres membres du club des pays lanceurs sont les suspects habituels : Etats-Unis, Chine, Russie, Europe et Inde mais les écarts se creusent et les USA reprennent la première marche du podium devant la Chine.
Un club très fermé donc, avec des relations pas toujours très cordiales entre les membres, malgré les projets en coopération. Quelques membres qui ont la carte gold. Un seul a le statut platinium...
Etats-Unis et Falcon 9 sur la première marche du podium
En termes de nombre de lancements, de satellites mis en orbite et de masse totale satellisée, la répartition est très inégale avec un grand écart entre les Etats-Unis et les autres puissances sur le podium.
54 ans après la mission Apollo 8, les Etats-Unis décrochent à nouveau la Lune avec la mission Artemis 1 mais c’est d'abord grâce à l’impressionnante fréquence de lancement de SpaceX qu’ils occupent la première place :
- 75 lancements réussis, dont 60 fusées Falcon 9 et une Falcon Heavy de SpaceX.
- 2061 satellites déployés en orbite, dont 1722 satellites de la constellation Starlink de spaceX.
- 747 tonnes satellisées au total, dont 659 tonnes par la fusée Falcon 9 et 517 tonnes uniquement pour la constellation Starlink.
Au total, les Etats-Unis ont mis en orbite 72% de la charge utile 2022, plus que deux fois plus que tous les autres pays réunis.
A elle seule, l’activité de la société d’Elon Musk représente près des deux tiers (64%) de la masse totale satellisée en 2022, dont 50% uniquement pour la constellation Starlink !
La ligue des champions
Avec un gros tiers des lancements orbitaux en 2022, la Chine occupe la deuxième place du podium avec 62 lancements réussis sur 64 tentatives, 180 satellites mis en orbite pour une masse totale d’un peu plus de 177 tonnes selon mes estimations.
Suit la Russie dont l’activité n’a pas été très significativement affectée (-12,5%) par les mesures internationales décidées après l’invasion de l’Ukraine : 21 lancements russes tous réussis (il y en avait eu 24 en 2021) hors missions Soyouz en Guyane, 40 satellites lancés et près de 70 tonnes mises en orbite.
A eux trois, Chine, Russie et Etats-Unis représentent près de 88% des lancements effectués en 2022 et 95% de la masse satellisée. Le reste du monde ne pèse pas bien lourd.
Les lancements orbitaux de l’année 2022 : Cumul des lancements effectués au cours de l’année.
Les Etats-Unis reprennent la première place dès le début de l’année.
Infographie : Gédéon. Image de fond : lancement du satellite SWOT par une fusée Falcon 9
en décembre 2022. Crédit image : SpaceX.
Deuxième division
Loin du podium, alors que l’activité globale augmente, l’Europe reste à un niveau en retrait par rapport à 2021 : 5 lancements réussis (7 en 2021) et 1 échec retentissant, 47 satellites mis en orbite (21 en 2021) et une masse totale satellisée pratiquement stable avec 31,7 tonnes (30,8 tonnes en 2021).
Derrière, l’Inde (4 lancements réussis et un échec, 52 satellites et 8,8 tonnes en orbite), la Nouvelle-Zélande (9 lancements tous réussis, 43 satellites et moins d’une tonne en orbite), la République de Corée (un premier lancement réussi, 7 satellites pour une masse de 1,7 tonnes) et l’Iran (1 lancement et un cubesat 6U).
Les lancements orbitaux de l’année 2022 : évolution de la masse totale satellisée par les sept pays lanceurs. Infographie : Gédéon. Image de fond : décollage de la fusée CZ-5B en juillet 2022 (Crédit image : CNSA).
A bord, le module Wentian de la Station Spatiale Chinoise
Types de fusée : les lanceurs lourds en tête du jeu des sept familles
En 2022, 22 familles de lanceurs ont effectué au moins un vol orbital réussi.
En tête du classement du nombre de lancements, des lanceurs lourds avec les fusées américaines Falcon 9 et Falcon Heavy avec 61 lancements tous réussis et 660 tonnes mises en orbite.
Suit la famille chinoise Long March ou Chang Zheng avec ses multiples variantes (16 versions utilisées en 2022 dont la très grosse CZ-5B), avec 53 lancements, également tous réussis, et 174 tonnes en orbites.
La vénérable fusée Soyouz et ses 6 versions reste un client sérieux avec 19 lancements tous réussis et 72 tonnes mises en orbite.
Avec 7 lancements réussis, deux lancements commerciaux pour l’opérateur SES et près de 29 tonnes satellisées, la fusée américaine Atlas (avec 6 versions utilisées en 2022), opérée par United Launch Alliance, passe devant Ariane 5 (3 lancements et 26,3 tonnes), un évènement remarquable probablement liée à la retraite prochaine du lanceur lourd européen.
La fusée SLS fait également une entrée remarquée avec la mission lunaire Artemis 1 et un gros bébé, la charge utile record de l’année 2022. Suivent les fusées Delta Heavy, toujours impressionnante au décolage, et Antarès avec respectivement 19 et 16 tonnes satellisées, puis GSLV, PSLV, Proton, KSLV, Angara et Kuaizhou.
Les lancements orbitaux de l’année 2022 : types de fusée et familles de lanceurs.
Infographie : Gédéon. Image de fond : décollage de la fusée Delta Heavy emportant la mission classifiée
USA-338 / NROL-91, a priori un gros satellite de reconnaissance optique du NRO. Crédit image : NASA
SpaceX : la réutilisation en pleine action
Un autre élement remarquable chez SpaceX : faire du neuf avec du vieux. La société d'Elon Musk a lancé 60 fusées Falcon 9 en 2022 mais n'a utilisé que 4 premiers étages neufs. Presque tous les lancements ont été effectués avec des boosters ayant déjà volé plusieurs fois, jusqu'à 15 fois. Incroyable !
A ce jour, le vénérable B1058 a volé au total 15 fois (9 fois en 2022). Les étages B1051 et B1060 ont volé 14 fois au total. C'est l'étage B1062 qui a eu la cadence la plus infernale en 2022 avec 8 vols dans l'année mais c'est encore un jeunôt avec 11 vols au total.
Pour être complet, il faut ajouter trois étages neufs (B1064, B1065, B1066) lancés pour la première fois le 1er novembre 2022 pour la mission Falcon Heavy USSF-44. L'étage central des lanceurs Falcon Heavy (dans ce cas le B1066) n'est pas récupéré. Donc au total 7 boosters neufs pour SpaceX pour l'ensemble des lancements Falcon 9 et Falcon Heavy en 2022.
Age des boosters utilisés par SpaceX et nombre de vols Falcon 9 effectués par chaque booster en 2022.
Infographie : Gédéon. Image de fond : atterrissage des deux boosters de la Falcon Heavy au cours de
son vol inaugural. Crédit image : SpaceX
Covoiturage et transports en commun : big reste beautiful en 2022
Tous les autres lanceurs, et notamment les plus petits, ont mis chacun moins d’une tonne en orbite.
De ce point de vue, l’année 2022 confirme que le lancement des satellites de masse petite ou moyenne, qu’il s’agisse de constellations ou non continue à se faire d’abord par transport en commun (rideshire ou satellite pooling) plutôt que par des véhicules individuels, comme le montrent les missions Transporter-3, Transporter-4 et Transporter-5 de SpaceX.
Du côté américain, Rocket Lab tire son épingle du jeu avec 9 lancements réussis en 12 mois, une cadence de lancement en augmentation et des clients prestigieux (National Reconnaissance Office) mais la situation est visiblement plus compliquée pour Firefly et Astra…
En Chine, malgré les deux échecs de Zhuque-2 et Hyperbola-1, l’activité autour des petits lanceurs reste dynamique avec les deux lancements réussis de la fusée CERES-1 (300 à 400 kg en orbite basse) de la société Galactic Energy et les cinq lancements réussis des fusées Kuaizhou-1A (300 kg en orbite basse). Dans la classe Vega (1500 kg en orbite basse), le deuxième vol du lanceur Kuaizhou-11, une réussite, et les vols inauguraux des fusées Lijian-1 (ZK-1) et Jielong-3, depuis une barge en mer de Chine, ont été couronnés de succès.
L'évolution de l'activité des petits lanceurs dans le monde et le rôle dominant des fusées plus lourdes pourrait faire réfléchir en Europe, alors que les initiatives de micro-lanceurs se multiplient. Il n'y aura pas de place au soleil pour tout le monde et l'enjeu est peut-être davantage d'avoir un lanceur de la classe Vega (1500 kg en orbite basse) fiable et modulaire...
Quelles orbites en 2022 ?
S’il fallait donner un prénom à l’orbite la plus visée en 2022, ce serait Léo…
LEO pour Low Earth Orbit : plus de 8 lancements sur 10, près de 98% du total des satellites et 86% de la masse satellisée visent l’orbite basse. Notez que je continue à distinguer un peu artificiellement sur les graphiques orbite LEO et orbite dite « ISS » pour identifier les missions vers l’ISS et désormais la Station Spatiale Chinoise.
L’orbite géostationnaire ou apparentée représente 21 lancements en 2022 en hausse mais avec un nombre de satellites (31) en très légère hausse avec une baisse de la masse totale (102 tonnes) et de la masse moyenne.
L’activité sur l’orbite MEO augmente mais le triplement du nombre de satellites cache en fait la mise en orbite de plusieurs cubesats à caractère technologie mis en orbite à l’occasion du vol de qualification (toute relative) du nouveau lanceur Vega-C en juillet 2022. Les plus gros satellites sont deux satellites de télécommunications O3b mPower et 3 satellites de navigation russes de la famille Uragan.
Back to the Moon
Du côté des orbites plus exotiques, deux satellites russes de télécommunications et d’alerte avancée sur des orbites très excentriques (je pense que je créerai une catégorie dédiée en 2023) et surtout des missions vers et autour de la Lune : le vaisseau Orion de la mission Artemis 1, qui a largué une série de cubesats, et l’atterrisseur Hakuro-R M1 développé par iSpace, dont le rendez-vous avec la Lune est prévu en Avril 2023.
Les lancements orbitaux de l’année 2022 : répartition par orbite visée
(lancements, nombre de satellites et masse satellisée). Infographie : Gédéon
SpaceX, United Launch Alliance, Arianespace, Northrop Grumman et Rocket Lab : le point sur les opérateurs de lancement commerciaux
L’analyse des lancements pour chaque grand opérateur est aussi très intéressante. J’ai complété un peu la liste des opérateurs commerciaux et je vais probablement inclure les opérateurs chinois en 2023 si les lancements de gros satellites pour les pays tiers se développent.
C’est clair depuis le début de ce bilan annuel : SpaceX affiche un score très largement supérieur aux autres et mise massivement sur la réutilisation.
Une petite curiosité néanmoins : 86% des 1990 satellites lancés par SpaceX sont des satellites Starlink.
SpaceX opérateur de lancement des fusées Falcon a pour principal client SpaceX opérateur de la constellation Starlink.
C’est très impressionnant et cela démontre une grosse capacité d’investissement et une confiance dans le modèle de service de fourniture de l’Internet à haut débit pour récupérer et faire fructifier cet investissement.
Les lancements orbitaux de l’année 2022 : nombre de lancements et masse totale mise en orbite
par Arianespace, SpaceX et United Launch Alliance. Attention, les échelles verticales varient selon les opérateurs.
Infographie : Gédéon. Image de fond : récupération du premier étage de la fusée Falcon 9
après le lancement du satellite allemand SARAH-1
En termes de nombre de lancements et de masse satellisée, United Launch Alliance a dépassé Arianespace en 2022, tout en diversifiant un peu son portefeuille avec quelques satellites commerciaux.
En 2022, l’activité de Northrop Grumman est exclusivement consacrée à la desserte de l’ISS avec les Cargo Cygnus. Globalement, on voit l’importance de l’activité vols habités et du marché défense (encore émergent pour SpaceX) pour les trois principaux opérateurs américains.
Même si les masses mises en orbites sont beaucoup plus faibles, Rocket Lab confirme son statut d’opérateur reconnu avec près d’un quart de son activité pour des clients défense comme le NRO.
Les lancements orbitaux de l’année 2022 : profil des clients des opérateurs SpaceX, United Launch Alliance,
Northrop Grumman et Rocketlab. Infographie : Gédéon. Image de fond : la fusée SLS (mission Artemis 1)
sur son pas de tir en Floride pendant une des répétitions de lancement (WDR). Crédit image : NASA
C’est tout pour ce bilan des lancements orbitaux 2022 (Ouf ?)
Dans un prochain article, je présenterai une analyse détaillée des satellites mis en orbite en 2022. C’est toujours un peu plus compliqué quand on veut prendre en compte les masses de chaque satellite, surtout quand leur nombre atteint 2469 !
Vous verrez que La liste des pays propriétaires de satellites confirme la suprématie américaine dans l’espace mais il y a bien d'autres enseignements intéressants...
En attendant, n’hésitez pas à me signaler les erreurs ou les suggestions pour améliorer ce texte. Merci d’avance et excellente année 2023, dans l’espace et sur la Terre !
Dernier point : les lecteurs assidus du blog Un autre regard sur la Terre m’ont fait remarquer que je n’avais pas pris le temps de publier le bilan pour l’année 2021. Il est prêt et il devrait bientôt être en ligne…
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie satellites et lancements.
- Les précédents bilans annuels du blog Un autre regard sur la Terre.