Réveil matin 15 heures, j'me réveille comme une fleur, marguerite,
dans le Macadam a besoin d'un doliprane.
Réveil matin 15 heures, j'me réveille comme une fleur, ça va les gars bien dormi ?
Pas de réponse tant pis…
(Extrait de la chanson « Désolé pour hier soir », Tryo)
Pour Rosetta, Le réveil a sonné et la réponse est bien arrivée, avec un tout petit peu de retard...
Copie d’écran du spectre du signal émis par la sonde Rosetta après son réveil.
Le signal a été reçu à 18h17 UTC. Crédit image : ESA
Rosetta téléphone maison
« Hello world! » : c’est avec un tweet de deux mots bien connus de tous les informaticiens du monde publiés sur le compte twitter @ESA_Rosetta que l’Agence Spatiale Européenne a annoncé la bonne nouvelle le 20 janvier 2014 : la réception du signal prouvant le bon réveil de la sonde Rosetta après 31 mois d’hibernation. Ce signal montre que la sonde, lancée en 2004, est opérationnelle et va pouvoir entamer la dernière phase de sa mission. Sa destination : la comète Churyumov-Gerasimenko, ou 67P/TG pour les intimes, autour du noyau de laquelle elle doit se mettre en orbite avant de larguer le petit atterrisseur Philae.
La raie de la mise en marche
Pour moi, chaque matin, le réveil est un moment délicat, souvent sans aucun signal perceptible pendant de longues minutes. Peu de gens y assistent…
Après 31 mois de sommeil et 7 milliards de kilomètres parcourus, le réveil du 20 janvier 2014 était un évènement particulièrement important pour la sonde Rosetta : il y avait beaucoup de monde pour y assister à l’ESOC, le centre des opérations spatiales de l’ESA à Darmstadt, ou à Toulouse, à l’Université Paul Sabatier où le CNES et le Cité de l’espace organisaient une soirée spéciale.
Spectre de signal pour un succès bien réel
Beaucoup plus de monde que pour le petit et le grand lever du roi Louis XIV mais à plus grande distance : la sonde Rosetta se trouve actuellement à environ 800 millions de km de la Terre, entre cinq et six fois la distance terre soleil.
Le seul moyen de vérifier le réveil de Rosetta : attendre qu’elle nous parle, en émettant un signal. C’est donc pour cette phase cruciale d’AOS (Acquisition of Signal) que les grandes antennes de la NASA (en ce moment, on parle plus souvent des grandes antennes de la NSA) à Goldstone en australie et de l’ESA à Canberra et ont été mises en œuvre pour capter un signal. A la vitesse de la lumière, il met environ 45 minutes pour atteindre la Terre.
Positions respectives de la Terre, du soleil, de la sonde Rosetta et de la comète le 20 janvier 2014
à 12h00 UTC. Copie d’écran d’une animation interactive disponible sur le site de l’ESA. La
trajectoire de Rosetta est représentée en rouge, celle de la comète en bleu. Crédit image : ESA
Une heure de grasse matinée pour la belle au bois dormant
Une petite surprise et un moment de stress visible sur les visages des responsables de la mission : le signal n’a pas été reçu exactement à l’heure prévue, 18h45. Il est arrivé un peu plus tard, à 19h17 heure de Paris. Je n’ai pas encore eu d’explication sur ce décalage.
Mais après ce petit moment de suspense, le signal tant attendu a fini par arriver, avec une onde porteuse qui émergeait du bruit ambiant comme le montre la première illustration de cette page.
Par contre, plusieurs articles dans les médias font la confusion entre l’heure du réveil de Rosetta (10h00 UTC) et l’heure de l’envoi du signal vers la Terre. Les documents de l’ESA et une vidéo postée sur youtube décrivent pourtant très précisément la procédure de réveil et ce qui se passe avant que Rosetta ne donne signe de vie.
Si vous avez un ado à la maison ou quelqu’un dans la chambre d’ami qui est restée chez vous pour une soirée un peu arrosée, il y a une nette différence entre la sonnerie du réveil et les premiers signes de vie (vous rejoindre au petit déjeuner par exemple…)
Vous connaissez la chanson de Tryo « désolé pour hier soir » ? C’est un peu pareil pour Rosetta : la sortie d’hibernation ressemble à une gueule de bois.
Les réveils internes de Rosetta ont bien sonné à 10 heures UTC. Ce réveil est assuré par le calculateur de bord resté en mode veille.
A partir de là commence une série d’étapes de sortie d’hibernation qui précèdent l’envoi du signal vers la Terre et qui durent un peu plus de six heures :
- Une des premières opérations consiste à réchauffer les équipements qui vont être remis en service. Le vaisseau spatial passe dans une configuration dite « safe mode ».
- Le système de contrôle d’attitude va alors progressivement freiner le mouvement de rotation de la sonde sur elle-même, un « spin » mis en place au moment du passage en hibernation.
- Ensuite, les senseurs d’étoiles (star trackers) sont activés : ils vont permettre au système de contrôle d’attitude de Rosetta de déterminer sa position dans l’espace.
- C’est seulement à partir de là que Rosetta va pouvoir pointer sa grande antenne orientable de 2,20 mètres de diamètre vers la Terre et envoyer le signal : « c’est bon, je suis réveillée ! ».
Sur youtube, une vidéo très pédagogique de l'ESA expliquant les étapes du réveil de Rosetta avant
l'envoi d'un signal radio vers la Terre. Crédit : Agence Spatiale Européenne
On imagine que la joie des équipes de l’Agence Spatiale Européenne est partagée par les scientifiques de la mission Rosetta et par les équipes d’ingénieurs et de techniciens d’Airbus Defence and Space en Allemagne, en France et au Royaume-Uni (anciennement Astrium et même Matra Marconi Space à l’époque du démarrage des travaux) qui ont assuré la maîtrise d’œuvre de la sonde. Les autres sous-traitants principaux sont Thales Alena Space Italy (ex Alenia Spazio). L’atterrisseur est réalisé par un consortium de huit pays européens (Allemagne, France, Italie, Angleterre, Hongrie, Autriche, Irlande, Finlande) sous la direction de l’Agence Spatiale Allemande (DLR).
Le CNES coordonne la contribution française et plusieurs laboratoires français jouent un rôle important dans la mission Rosetta, à la fois à travers le développement d'instruments à bord de la sonde et dans l'exploitation scientifique des données collectées : Université Paul Sabatier à Toulouse, Institut de Planétologie et d'Astrophysique à l'observatoire de Grenoble (Université Joseph Fourier - CNRS).
Sortie d’hibernation de la sonde Rosetta. Un réveil qui réjouit les équipes de l’ESA après un petit
moment de suspense à l’ESOC. Crédit image : ESA
Des plans sur la comète : projet et mission de longue Halley-ne
Rosetta va désormais s'approcher lentement de la comète, qui est encore à environ 8,5 millions de kilomètres de distance.
A partir du mois de mai, Rosetta commencera à étudier le noyau de glace de la comète et le cartographiera pour déterminer la meilleure zone d’atterrissage pour Philae. C'est vraiment l'aventure : actuellement, on connaît très mal la surface du noyau de la comète : il faut faire des plans de la comète...
L’atterrissage est prévu au mois de novembre 2014.
Rosetta doit rester 18 mois en orbite pour explorer les propriétés de Churyumov-Gerasimenko, sa structure interne et la composition de sa surface.
On aura l'occasion d'en reparler sur le blog Un autre regard sur la Terre. En attendant, un petit rappel des dates-clés.
S’il n’y a pas de pépin, Philae atteindra le noyau…
Voici les principales étapes de la mission Rosetta depuis l’approbation de la mission par le comité des programmes scientifiques de la mission en novembre 1993. Rosetta est présentée comme la « Pierre angulaire » du programme scientifique à long terme de l’Agence Spatiale Européenne. L'idée d'une mission de retour d'échantillon voit le jour après le succès de Giotto, lancée le 3 juillet 1985 et qui a croisée en 1986 la comète de Halley à quelques centaines de kilomètres de distance.
Avec Giotto, l'ESA acquiert une grande crédibilité vis-à-vis de la NASA. Les difficultés budgétaires aux Etats-Unis font avorter la mission CRAF (Comet Rendez-vous and Asteroid Flyby). Les ambitions sont revues à la baisse (plus de retour d'échantillons) mais l'idée d'une mission européenne avec un atterrissage sur le noyau d'une comète fait son chemin...
- 2 mars 2004 : lancement de Rosetta depuis Kourou par la fusée Ariane 5 VA158, le premier lancement de la version 5G+.
- 4 mars 2005 : première manœuvre d’assistance gravitationnelle autour de la Terre.
- 25 février 2007 : manœuvre d’assistance gravitationnelle autour de Mars.
- 13 novembre 2007 : deuxième manœuvre d’assistance gravitationnelle autour de la Terre.
- 5 septembre 2008 : survol de l’astéroïde 2867 Steins.
- 13 novembre 2009 : troisième manœuvre d’assistance gravitationnelle autour de la Terre.
- 10 juillet 2010 : survol de l’astéroïde 21 Lutetia.
- 8 juin 2011 : passage en hibernation.
- 20 janvier 2014 : réveil de Rosetta.
- Mai 2014 : manœuvre de rendez-vous avec la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko.
- Août 2014 : mise en orbite autour de la comète et début des opérations de cartographie du noyau.
- Novembre 2014 : « atterrissage » du lander Philae sur le noyau de la comète. C’est la première tentative d’atterrissage contrôlé sur le noyau d’une comète.
- 13 août 2015 : passage de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko au périhélie, le point de plus proche du soleil.
- 31 décembre 2015 : fin de la mission Rosetta.
Bientôt sur vos écrans ? L'atterrissage de Philae sur le noyau de la comète Churyumov-Gerasimenko.
Pour le moment, une vue d'artiste. Si tout se passe bien, elle se concrétisera en novembre 2014.
Crédit image: ESA
Rosetta et Philae en quelques chiffres...
- Dimensions de Rosetta : 2,8 m x 2,1 m x 2,0 m.
- Masse totale au lancement : 3000 kg.
- Masse de l’orbiter Rosetta : 2900 kg (incluant 1670 kg d’ergols et 165 kg de charge utile scientifique);
- Masse du Lander Philae : 100 kg
- 2 panneaux solaires de 32 m2 et 14 mètres de longueur soit une surface totale de 64 m2.
- Diamètre de l’antenne grand gain orientable : 2,2 mètres.
- 11 instruments sur la sonde Rosetta : ALICE, CONSERT, COSIMA, GIADA, MIDAS, MIRO, OSIRIS, ROSINA, RPC, RSI, VIRTIS
- 10 instruments sur l’atterrisseur Philae : APXS, CIVA / ROLIS, CONSERT, COSAC, MODULUS PTOLEMY, MUPUS, ROMAP, SD2, SESAME (certains instruments sont répartis sur les deux véhicules).
Carte d’identité de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko
La comète 67P a été découverte en 1969 par Klim Churyumov et Svetlana Gerasimenko. Voici ses principales caractéristiques :
- Taille estimée du noyau : 3 km par 5 km.
- Période de rotation du noyau : environ 12,7 heures.
- Période orbitale (autour du soleil) : 6,45 années.
- Distance du soleil au périhélie : 186 millions de kilomètres soit 1,243 UA.
- Distance du soleil l’aphélie : 849,7 millions de kilomètres soit 5,68 UA.
- Excentricité de l’orbite : 0,64.
- Inclinaison par rapport au plan de l’écliptique : 7,04°.
En savoir plus :
- Sur le site de l’ESA, les pages sur la mission Rosetta, la fiche de présentation de la mission, le dossier de presse et le blog Rosetta.
- Sur le site de l’ESA, la FAQ, en anglais, sur le réveil de Rosetta. Très pédagogique.
- Sur le site de l’ESA, une page sur l’envoi des commandes de passage en hibernation de Rosetta le 8 juin 2011.
- Sur le site de l’ESA, une animation interactive qui montre les positions respectives de la Terre, du Soleil, de la sonde Rosetta et de la comète Churyumov-Gerasimenko au fur et à mesure de la mission (nécessite un navigateur avec le plugin WebGL).
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Sur le site de l’ESA, un texte en anglais sur la mission Rosetta, publié en novembre 2002, qui raconte l’émergence de la mission après l’abandon du programme (une coopération NASA – ESA) Comet Rendez-vous and Asteroid Flyby (CRAF). A l’époque, la destination est la comète Wirtanen avec un objectif de rendez-vous fin novembre 2011.
- Sur le site du CNES, la page sur la mission Rosetta et des informations plus détaillées sur le site des missions scientifiques du CNES.
- Sur le site d’Airbus Defence and Space (ex-Astrium), les pages sur la mission Rosetta.
- Sur Youtube, une vidéo très claire de l'ESA expliquant les étapes du réveil de Rosetta avant l’envoi du signal de confirmation vers la Terre.
- Sur Youtube, une vidéo de la bonne réception du signal envoyé au réveil de la sonde Rosetta et la joie des équipes participant à la mission.
- Sur le site Astrosuf, une présentation de Jonathan Vergriete (Quasar95) sur la mission Rosetta, l’évolution du projet, les instruments et les objectifs scientifiques.
- Des blogs perso d'amateurs et de passionnés, toujours bien documentés, qui parlent de Rosetta :
- "Rêves d'espace", le blog d'Isabelle (@idariane sur Twitter).
- "Cap sur l'espace", d'Anne (@cpamoa sur Twitter).
- "Parmi les étoiles", de Brigitte Bailleul (@Brigitte_Ba sur Twitter).
- "Cosmosium" (@Cosmosium sur Twitter)