La neige dans les Pyrénées en décembre 2022 et février 2023 vue par l’instrument MODIS du satellite Aqua.
En haut, image du 11 février 2023. En bas, image du 28 décembre 2022.
Crédit image : NASA / EOSDIS
Du 23 janvier au 13 février, avec un groupe de collègue d’Airbus Defence and Space, j’ai participé au challenge écologique organisé par Ma Petite Planète (MPP pour les intimes) : une série de défis écologiques à réaliser en équipe pour gagner le maximum de points et tenter de monter sur la première marche du podium.
Au-delà de la compétition entre équipes et de l’émulation entre les membres d’une équipe, c’est surtout une occasion ludique de sensibilisation aux questions de préservation de la planète et du vivant. C’est très bien fait, très instructif, avec beaucoup de ressources en ligne : je vous recommande de charger l’application et de participer au prochain challenge : on découvre des choses pas toujours intuitives.
Parmi les 60 défis proposés, dans la catégorie « militant» , le défi « Journaliste écolo en devenir » est difficile mais rapporte 7 points. Je ne pouvais donc pas ne pas écrire un petit article sur le blog Un autre regard sur la Terre.
Mon angle d’approche : les vacances d’hiver et le ski. Donc la neige dans le contexte du changement climatique et la glace en élargissant un peu. Avant le mois de février, ce sont d’abord les températures exceptionnelles de la fin de l’année 2022 qui m’ont amené à reprendre le titre du film de Sandrine Veysset. Comme d’habitude, je m’appuie évidemment surtout sur des images récentes provenant de satellites d’observation pour illustrer cet article.
2022 : l’année de tous les records
Les journaux sont rassurants pour le début des vacances de février : « Neige au rendez-vous, bel enneigement sur les massifs français, importantes chutes de neiges ». Les images des satellites d’observation confirment ces messages optimistes.
La neige sur les Pyrénées, le Massif Central et les Alpes vue par le satellite Terra le 11 février 2023.
La version en mode SWIR permettant de mieux distinguer neige et nuages mais aussi les séquelles des incendies de
Gironde est visible ici. Crédit image : NASA / EOSDIS.
Argelès-Gazost et les sept vallées : la neige sur les Pyrénées vue par le satellite européen
Sentinel-2 le 4 février 2023.Pour se repérer, une version annotée est disponible ici.
Crédit image : Copernicus / ESA / Commission européenne.
De belles images mais avons-nous déjà oublié la fin de l’année 2022 ?
Fin janvier, Météo France publiait son bilan météo annuel : « L’année 2022 est la plus chaude que la France métropolitaine ait jamais mesurée. Ponctuée d’extrêmes climatiques, 2022 est un symptôme du changement climatique en France. Remarquable dans le climat actuel, elle pourrait devenir normale en 2050. »
Sur l’ensemble de l’année, la température a atteint 14,5°C en moyenne sur la France. 2022 se classe ainsi au premier rang des années les plus chaudes, très loin devant 2020 qui détenait jusqu’à présent le record. L’ensemble du pays est concerné : 2022 est l'année la plus chaude depuis 1947 dans toutes les régions administratives excepté en Île-de-France où 2022 se classe en 2ème position.
Les années les plus chaudes sont majoritairement des années très récentes : 8 des 10 années les plus chaudes depuis le début du 20ème siècle sont postérieures à 2010.
Température record en 2022 selon le bilan climatique publié par Météo France.
Crédit Météo France
Une année record qui ne s'arrose pas
L’année 2022 a également été exceptionnellement sèche, marquée par un déficit pluviométrique record de 25 %. 2022 se classe au 2ème rang des années les moins arrosées (depuis le début des mesures en 1959) avec 709,7 mm, proche du record de 707,2 mm en 1989. Tous les départements sont concernés avec un déficit compris entre 10 % et 40 %.
2022 a été jalonnée de mois records : les mois de mai avec un déficit de 60 % et de juillet avec un déficit de 85 % sont les plus secs jamais enregistrés à l’échelle de la France métropolitaine depuis le début des mesures en 1959. Les incendies en Gironde ou en Bretagne pendant l’été 2022 ont pris une ampleur exceptionnelle à cause de cette sécheresse.
A côté des vagues de chaleur, il y a eu aussi des épisodes d’extrême douceur comme la semaine entre le début des vacances de Noël et le nouvel an pendant laquelle on aurait presque pu réveillonner en terrasse. L’image de l’enneigement dans les Pyrénées le 28 décembre nous le rappelle.
2022, témoin d’un changement climatique manifeste
À l’échelle de l’Europe, le record français de 2022 ne fait pas exception. De nombreux autres pays (Espagne, Belgique, Allemagne, Irlande, Suisse, Royaume-Uni) ont connu leur année la plus chaude depuis le début des mesures de températures au niveau national. Pour Météo France, l’année 2022, illustration du changement climatique, très chaude dans le climat actuel, pourrait devenir la norme en France au milieu du 21ème siècle.
Le PIR(1) n'est jamais sûr...
Voici deux autres extraits d’images acquises récemment par les satellites Sentinel-2 du programme européen Copernicus en janvier et février 2022, en Norvège autour de Bergen et en Italie dans la région de Bergame.
En Norvège, la neige dans la région de Bergen vue par le satellite Sentinel-2 le 26 janvier 2023.
Nuage à l'ouest, végétation au centre et neige à l'est. Représentation avec le canal proche infrarouge.
Crédit image : Copernicus / ESA / Commission Européenne
La neige dans les Alpes suisses et italiennes vue par le satellite Sentinel-2 le 10 février 2023.
Crédit image : Copernicus / ESA / Commission Européenne
Si vous n’aimez pas le ski, dans la région de Bergame, les panoramas autour des lacs du nord de l'Italie sont également magnifiques, avec d’ouest en est le lac Majeur (Lago Maggiore), le lac de Lugano, le lac de Come et le lac d’Iseo et enfin le lac de Garde (lago di Garda), le plus grand lac d’Italie.
Les amoureux de Copernicus feront inévitablement un pèlerinage à Baveno sur le lac Majeur où fut signé le fameux Manifeste de Baveno, qui allait donner naissance au programme GMES (alias Global Monitoring pour l’Environnement et la Sécurité). GMES deviendra plus tard Copernicus, une initiative très ambitieuse pour surveiller notre environnement et son évolution. On célébrera ses 25 ans au mois de mai 2023. Un grand moment pour l’Europe spatiale !
(1) PIR : abbréviation de Proche Infrarouge, en réfénrece à l'image du satellite Sentinel-2 de la région de Bergen.
Prendre conscience de la beauté et de la fragilité de notre environnement avec les satellites d’observation
Quand elle est abondante, la neige vue de l’espace par les satellites d’observation invite à aller skier ou randonner en montagne pour profiter des paysages magnifiques.
Quand elle manque, elle nous interpelle sur le changement climatique et les autres menaces sur notre environnement.
Ailleurs dans le monde, d’autres sites enneigés ou couverts de glace peuvent nous faire soit rêver soit craindre que les pires cauchemars puissent devenir la réalité de demain...
Le rêve ou la promesse d’un beau voyage quand on voit par exemple les ombres des sommets au sud-est du Groenland, bien visible sur une représentation utilisant le canal infrarouge à courte longueur d’once (SWIR)
La neige et le relief du Groenland. Extrait d’une image acquise par le satellite Sentinel-2 le 7 février 2023
et représentée avec le canal SWIR. Image en couleurs naturelles ici.
Crédit image : Copernicus / ESA / Commission Européenne
Des images glaçantes
Mais ce sont parfois des images de cauchemar par exemple quand on voit la dislocation de grandes barrières de glace (ice shelf) dans l’Antarctique.
Le satellite Sentinel-2 vient d’être témoin d’un tel événement au niveau de la barrière de Brunt. Sa dislocation vient de créer un gigantesque iceberg d’une superficie estimée à 1600 km2 pour la partie principale (un total de 2200 km2 séparé de la barrière).
Le changement climatique est bien là et il s’accélère !
La dislocation de la barrière de glace de Brunt. Quatre extraits d’images acquise par le satellite Sentinel-2
entre le 20 janvier 2023 et le 9 février 2023. Crédit image : Copernicus / ESA / Commission Européenne
Sur l’ensemble du globe, Météo France estime qu’en 2022 la température moyenne mondiale dépasse d’environ 1,15 °C la moyenne préindustrielle (période 1850-1900).
Malgré le refroidissement causé par un effet La Niña s’étendant sur trois années consécutives, L’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM / WMO) estime que l’année 2022 sera la cinquième ou sixième année la plus chaude enregistrée dans le monde. Les huit dernières années sont en passe de devenir les huit années les plus chaudes jamais enregistrées sur la planète, signe de l’aggravation des conséquences du changement climatique.
Le continent européen est celui qui se réchauffe le plus rapidement. Au cours des trente dernières années, une hausse des températures plus de deux fois supérieure à la moyenne planétaire y a été enregistrée, avec un réchauffement d’environ + 0,5°C par décennie.
2022 : prise de conscience. 2023 : passage à l’action ?
En restant optimiste, on peut souhaiter que l’année 2022 soit vraiment l’année de la prise de conscience de l’urgence climatique et que toutes les actions d’information, de sensibilisation et d’éducation permettront de nous réveiller d’agir en 2023.
Profitez bien des vacances d’hiver et du ski (la neige, c'est canon...) si vous avez la chance de pouvoir en faire. Cela pourrait ne pas durer.
Continuez aussi à vous intéresser à ce que les images satellites nous apprennent sur l’évolution de notre petite planète et de notre environnement. J’espère que ce blog y contribue modestement.
Et, à nouveau, mon conseil du jour : télécharger l’application MPP (Ma Petite Planète) et participez au prochain challenge organisé par Ma Petite Planète. Chacun peut agir à son niveau.
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie Neige.
- Les autres articles dans les catégories environnement et changement climatique.
- Le site de Ma Petite Planète.
- "La neige à Noël, espèce en voie de disparition en Europe", un article des Décodeurs du journal Le Monde paru le 23 décembre 2022.