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Incendie de Landiras en Gironde. La situation vue le 17 juillet 2022 par le satellite Sentinel-2B.
Deux extraits d’une image en couleurs naturelles à 10 mètres de résolution.
Crédit image : ESA / Copernicus / Commission Européenne
Retour sur les incendies de mi-juillet en Gironde : l’occasion de voir comment ils ont été suivis depuis l’espace par les satellites d’observation. Une opportunité aussi de découvrir comment leurs caractéristiques (résolution, fauchée, revisite, bande spectrale, etc.) déterminent leur utilisation en cas de catastrophe majeure.
L’enfer sur Terre
Déclenchés mardi 12 juillet en milieu d’après-midi, deux incendies hors normes ont dévasté la forêt de Gironde à La Teste-de-Buch près de la Dune du Pilat et à proximité de Landiras, à l’ouest de Langon et du vignoble de Sauternes.
Le risque incendie était très élevé avec la sécheresse et la vague de chaleur qui touchait la France, avec des températures dépassant parfois 40°C et des records historiques battus dans plusieurs villes.
On pense souvent qu’en France, c’est la forêt méditerranéenne et la région sud-est qui sont les plus vulnérables. Pourtant, c'est le feu de la forêt de Gironde en 1949 qui reste l'incendie le plus meurtrier qu'ait connu la France. Il a fait 82 victimes.
Les pompiers et la protection civile au front
Il a fallu attendre près de 10 jours de lutte acharnée des sapeurs-pompiers pour que les incendies soient enfin contenus (mais pas encore fixés).
Après une semaine de communiqués mentionnant des feux non fixés, une augmentation importante des surfaces brûlées, de nouvelles évacuations de personnes, la Préfecture de La Gironde a pu donner des nouvelles plus positives à partir du 20 juillet.
Le communiqué de la Préfète Fabienne Buccio daté du 22 juillet à 20 heures indique : « Les deux incendies de Landiras et de La Teste-de-Buch, qui ont démarré le mardi 12 juillet, sont désormais contenus mais ne sont pas pour autant fixés (20 800 hectares brûlés au total). Les risques de reprises persistent, notamment sous l’effet des vents. Une quarantaine de points chauds a été recensée sur les deux sites de l’incendie et sont traités par les pompiers.
D’importants moyens terrestres et aériens restent mobilisés (1300 sapeurs-pompiers, 4 Canadairs et 2 hélicoptères d’attaque). Les foyers restant actifs, les traitements des lisières, des reprises de feu et les travaux de génie civil se poursuivent.
Depuis le début de la crise, 36 750 personnes ont été évacuées. Les réintégrations ont débuté hier (6000 personnes). Aujourd’hui, 6500 habitants ont pu regagner leur domicile. Les réintégrations se poursuivront dans les prochains jours. »
L’évolution des incendies vue par les satellites d’observation
Voici quelques images acquises par les satellites d’observation de la Terre qui montrent l’évolution des feux et les dégâts. C’est aussi l’occasion de voir comment sont utilisés les différents types de satellites en cas de catastrophe majeure. Ici, je développe un peu plus les informations données dans une série de tweets entre le 13 et le 19 juillet sur le compte @RegardSurTerre.
Dans le cas d’incendies importants, ce sont les satellites météorologiques en orbite géostationnaire comme Meteosat 11, avec une fréquence d’observation élevée (jusqu’à une image toute les dix minutes), qui sont aux premières loges pour détecter les panaches de fumées ou les points chauds.
C’est le cas pour les deux feux de Landiras et de La Teste-de-Buch dès la fin d’après-midi (panaches de fumées détectables à partir de 15h UTC) mais c’est surtout le lendemain que deux satellites d’observation en orbite basse montrent deux impressionnants panaches de fumées se dirigeant vers l’Océan Atlantique.
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Deux images acquises le 13 juillet en fin de matinée (en haut) et dans l’après-midi (en bas)
par l’instrument MODIS à bord des satellites Terra et Aqua. Couleurs naturelles.
Crédit image : NASA / EOSDIS
La résolution de l’instrument MODIS est modeste mais sa richesse spectrale, sa large fauchée (2330 km) et sa fréquence de passage (deux images par jour avec Aqua et Terre) en font un outil très important : il permet de visualiser les panaches de fumées en couleurs naturelles, les zones brûlées avec la bande SWIR (infrarouge à courte longueur d’onde) et ses bandes spectrales dans l’infrarouge thermique détectent les départs de feu.
Les satellites Terra et Aqua traversent l’équateur respectivement à 10h30 (orbite descendante du nord vers le sud) et à 13h30 en heure locale (orbite montante du sud vers le nord).
Terra et Aqua ont ainsi fourni deux images par jour tout au long de la crise. L’évolution des panaches de fumées est très instructive et MODIS donne aussi une estimation grossière des zones brûlées (en utilisant le canal SWIR ou infrarouge à courte longueur d'onde, voir plus loin).
Série d’images MODIS acquises par les satellites Terra et Aqua entre le 13 et le 18 juillet 2022.
A gauche, images du satellite Terra (passage en fin de matinée). A droite, images du satellite
Aqua (passage dans l'après-midi). Images en couleurs naturelles. Cadrage adapté pour chaque journée :
les images ne sont pas superposables. Crédit image : NASA / EOSDIS
Ces images en couleurs naturelles mettent en évidence l’évolution de la direction des vents et la propagation des panaches de fumées, vers la mer puis ramenées vers les Pyrénées autour du 15 juillet, au point que des habitants des Pyrénées Atlantiques ou des Hautes-Pyrénées ont parfois alerté les pompiers en croyant que l’odeur de brûlé signalait un incendie à proximité.
Dans la nuit du 18 au 19 juillet, l’arrivée de nuages entraîne un étalement des panaches de fumées qui s’étalent vers l’est et le nord : les habitants de la région de Bordeaux se réveillent en sursaut sous les fumées. Celles-ci seront ressenties ensuite à Nantes et même à Paris.
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Image MODIS acquise par le satellite Terra le 19 juillet 2022, montrant l’étalement des panaches
de fumées sous les nuages. Image en couleurs naturelles. Crédit image : NASA / EOSDIS
Un atout majeur de l’instrument MODIS est de produire des images dans une large gamme de longueur d’ondes, incluant le spectre visible mais aussi l’infrarouge à courte longueur d’onde (ou SWIR en anglais) et l’infrarouge thermique. Ces deux caractéristiques permettent d’avoir une première estimation grossière des surface brûlées et de détecter les départs de feu. MODIS et VIIRS (Visible Infrared Imaging Radiometer Suite) sont les sources de données principales pour les services de détection et de surveillance des feux comme le système FIRMS (Fire Information for Resource Management System) de la NASA ou EFFIS (European Forest Fire Information System) du programme européen Copernicus.
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Incendies en gironde : extrait d'une image MODIS en mode SWIR (infrarouge à courte longueur d’onde)
acquise par le satellite Terra le 18 juillet. Un exemple d’image du satellite Aqua
acquise le 14 juillet est visible ici. Crédit image : NASA / EOSDIS
Dans la même catégorie de résolution (300 mètres), on peut également citer les deux satellites Sentinel-3A et Sentinel-3B du programme européen Copernicus, en orbite à 815 km d’altitude : leur instrument OLCI (Ocean and Land Color Instrument) produit des images avec 21 bandes spectrales (de 0.400 à 1.020 µm) et une fauchée de 1270. Voici un exemple d’image acquise le 15 juillet 2022, qui montre également la propagation du nuage de fumée vers les Pyrénées Atlantiques et les Hautes-Pyrénées.
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Incendies en Gironde : les fumées vues par le satellite européen Sentinel-3 le 15 juillet 2022.
Crédit image : ESA / Copernicus / Commission européenne
Plus de détails avec les satellites Sentinel-2 et Landsat 8 et 9
Si l’instrument MODIS permet de localiser les départs de feu et de donner une estimation grossière des surfaces parcourues par les incendies, il est inadapté quand il s’agit de quantifier plus précisément les zones brûlées.
Dans ce cas, les deux satellites européens Sentinel-2 du programme Copernicus ou les satellites Landsat-8 et Landsat 9 sont beaucoup plus efficaces.
Avec un fauchée de 290 km, l’instrument MSI (Multi spectral Imager) des satellites Sentinel-2 fonctionne dans treize bandes spectrales allant du visible au moyen infrarouge. Il offre une résolution au sol très supérieure à celle de MODIS : 10 mètres dans bandes du spectre visible et proche infrarouge, 20 mètres dans les bandes dites « red edge » très utiles pour l’agriculture et le suivi de la végétation et pour les bandes infrarouges à courte longueur d’onde et 60 mètres pour les bandes destinées aux corrections atmosphériques.
Landsat-8 (lancé en février 2013) et Landsat-9 (lancé en septembre 2021) sont opérés par l’USGS : ils embarquant un instrument multipectral (OLI-2, Operational Land Imager) et un instrument infrarouge thermique (TIRS-2, Thermal Infrared Sensor). La fauchée est de 185 km et la résolution au sol est de 15 mètres pour la bande panchromatique et 30 mètres pour les bandes multispectrales.
La résolution de 10 à 30 mètres est très adaptée à la cartographie des zones brûlées : alors qu’un pixel de MODIS représente une surface de 9 hectares environ, un pixel de l’instrument MSI de Sentinel-2 représente 100 m2, soit un centième d’hectare : la précision de cartographie des zones brûlées est beaucoup plus élevée.
Cette performance a un prix : la fréquence de passage au-dessus d’un même site diminue. Chaque satellite Sentinel ou Landsat survole une bande de terrain de 290 ou 185 km à chaque orbite. Avec 14,5 orbites par jour environ, il leur faut respectivement 10 ou 16 jours pour couvrir toute la circonférence de la Terre à l’équateur et repasser au-dessus du même point. 5 ou 8 jours avec deux satellites, un peu moins aux latitudes plus élevées comme celle de la Dune du Pilat (44°35’23’’N).
En pratique, le satellite Sentinel-2A a survolé la dune du Pilat le 12 juillet (avant l’incendie) et le 22 juillet après le plus gros de la crise et avec une forte couverture nuageuse rendant l’image inexploitable. Le satellite Sentinel-2B acquiert une image le 17 juillet de la zone des deux incendies (celle dont sont tirés les deux extraits qui ouvrent cet article).
Voici quelques illustrations montrant l’apport des satellites Sentinel-2 et Landsat, en couleurs naturelles, avec le canal proche infrarouge ou en infrarouge à courte longueur d’onde (pour Sentinel-2).
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Incendie de La Teste-de-Buch. Extraits de l’image acquise par le satellite Sentinel-2B
le 17 juillet 2022. En haut, en couleurs naturelles. Au milieu, la même image avec le canal
proche infrarouge. En bas avec le canal SWIR (infrarouge à courte longueur d'onde).
Crédit image : ESA / Copernicus / Commission européenne.
La zone de l’incendie de Landiras est également visible sur une image acquise par le satellite Sentinel-2B le 14 juillet 2022 :
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Incendie de Landiras. Extraits de l’image acquise par le satellite Sentinel-2B le 14 juillet 2022.
En haut, image avec le canal proche infrarouge. Au milieu, avec le canal SWIR. En bas, image annotée
avec les toponymes pour aider à se repérer. Crédit image : ESA / Copernicus / Commission européenne.
En comparant les deux images Sentinel-2 du 14 et du 17 juillet, on peut évaluer l'impressionnante évolution des zones brûlées par le feu de Landiras :
Incendie de Landiras en Gironde : évolution des surfaces brûlées entre le 14 et le 17 juillet.
Images en mode SWIR du satellite Sentinel-2.
Crédit image : ESA / Copernicus / Commission européenne. Traitement Gédéon
Les satellites Landsat survolent la zone le 11 juillet (avant les incendies) et le 19 juillet. Le 19, l'arrivée des nuages complique l'analyse de l'image mais l'extension des zones brûlées est bien visible.
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Incendies en Gironde : extraits d'une l’image acquise par le satellite Landsat 8 le 19 juillet 2022.
Représentation utilisant le canal proche infrarouge. Crédit image : USGS
Ces images montrent bien l’intérêt des satellites Sentinel-2 et Landsat 8-9 pour la cartographie précise des dégâts, en l’occurrence les zones brûlées, après la crise. Par contre, leur fréquence de passage ne permet pas une utilisation pour le suivi quotidien de la progression des incendies.
Concilier haute résolution et revisite : l’apport de l’agilité
Pour la gestion de la crise proprement dite, la période où interviennent les pompiers et la sécurité civile, il est important de pouvoir obtenir des images satellites au bon moment pour la conduite des opérations et fréquemment quand la crise se prolonge.
C’est ce que permettent les satellites d’observation à haute et très haute résolution comme SPOT 6 et SPOT 7, Pléiades et Pléiades Neo. Leur résolution atteint 1,50 mètre en mode panchromatique pour SPOT, 50 cm pour Pléiades et 30 cm pour Pléiades Neo.
C’est parfait pour voir les détails.
Pour compenser la fauchée (bande de terrain balayée par le satellite à chaque orbite) réduite (60 km pour SPOT, 20 km pour Pléiades, 14 km pour Pléiades Neo), les satellites sont agiles : ils peuvent s’orienter rapidement pour pointer leur instrument à gauche ou à droite de la trace de l’orbite. Ils élargissent ainsi de manière très importante la zone pouvant être visée à chaque passage du satellite, au prix d’une diminution de la résolution pour les visées très obliques.
Avec plusieurs satellites opérant conjointement, on peut acquérir une image voire deux images par jour (avec 4 satellites Pléiades Neo) de n’importe quel point du globe, selon une programmation des acquisitions des images définie à l’avance (« tasking » en anglais).
Cartographie d’urgence avec Copernicus
Pour cette raison, les satellites SPOT 6 et SPOT 7 ont été programmés pendant la période des incendies pour fournir des images au service de cartographie d’urgence de Copernicus (Emegency Mapping Service).
Ce service européen avait été activé le 16 juillet en fin d’après-midi par le Centre Opérationnel de Gestion Interministériel de Crises (COGIC). La première image SPOT 7 a été acquise le 17 juillet au matin et les cartes réalisées le jour même. D’autres images ont été acquises dans les jours suivant pour surveiller l’évolution des feux et fournir de nouvelles cartes.
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Incendie de la Teste-de-Buch : deux extraits d’une image acquise par le satellite SPOT 6 le 18 juillet 2022
pour le service Copernicus de cartographie d’urgence. En haut : vue d'ensemble en résolution réduite.
En bas: vue en haute définition sur la partie sud. Image en couleurs naturelles.
Crédit image : Airbus DS
Pour finir, voici des extraits d’une image acquise par le satellite Pléiades Neo 4 le 19 juillet 2022 le lendemain de la journée dramatique au cours de laquelle les incendies hors de contrôle ont détruits plusieurs campings au pied de la Dune du Pilat.
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Incendie de la Teste-de-Buch : en haut, une version en résolution réduite d’une image acquise
par le satellite Pléiades Néo 4 le 19 juillet 2022. Au centre et en bas, deux extraits montrant
les dégâts sur le camping de la Dune (les flots bleus) et le Pyla Camping Homair.
Image en couleurs naturelles. Crédit image : Airbus DS
Si une résolution moyenne convient bien pour cartographie la végétation brûlée sur des surfaces importantes, on comprend ici l’intérêt de la très haute résolution quand les dégâts touchent des habitations ou des zones urbanisées. C’est vrai pour les incendies mais aussi pour toutes les catastrophes touchant des villes (tremblement de terre, tornade, inondations, cyclones).
J’espère que ce tout d’horizon du rôle des satellites d’observation pour le suivi des incendies en Gironde vous a permis de voir concrètement les différentes utilisations et de voir concrètement ce que signifient résolution, fauchée, revisite et bande spectrale.
Si vous le souhaitez, vous trouverez sur ce blog d’autres articles pour aller plus loin…
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur le rôle des satellites et du spatial en cas de catastrophe.
- Les autres articles sur les feux de forêt.
- Un article du site Eumetsat sur la vague de chaleur qui a touché l’Europe de l’ouest en juillet 2022.
- Le site du service FIRMS de la NASA.
- Toutes les informations sur l’activation du service européen de cartographie d’urgence du programme Copernicus dans le cas des incendies en Gironde.