Exemple de tracteur-érecteur-lanceur radar (en anglais, TELAR - transporter erector launcher
and radar) : lance-missile 9K37M1-2 "Buk-M1-2" (code OTAN SA-17 Grizzly) photographié à Kapustin Yar
en 2011. Selon le site Jane's, la version utilisée contre le vol MH 17 de Malaysia Airlines serait
un SA-11 "Gadfly" 9K37. Crédit image : CC-BY-SA Leonidl
298 pasagers à bord, aucun survivant.
Le Boeing 777-200ER du vol MH 17 de la compagnie Malaysia Airlines entre Amsterdam-Schiphol et Kuala Lumpur a très certainement été abattu par un missile sol-air jeudi 17 juillet alors qu'il survolait l'est de l'Ukraine à 10000 mètres d'altitude.
Avant la perte de contact avec le vol MH 17 à 13h15 (heure de Paris), l'équipage n'a signalé aucun problème.
L'enquête pour déterminer les causes précises du drame et les responsabilités sera difficile : les premiers reportages sur place laissent penser que le site du crash était davantage un moulin à vent qu'une scène de crime...
Buk banni : propagande et désinformation
Alors qu'on commence à se demander si la décision de l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) ade contourner l'espace aérien de l'est de l'Ukraine n'est pas trop tardive,
Barack Obama a déclaré que « le missile qui a abattu le Boeing a été tiré depuis une zone contrôlée par les séparatistes prorusses » dans l'est de l'Ukraine. Les différentes déclarations doivent être prises avec beaucoup de prudence : Ukrainiens, séparastistes et Russes réfutent toute responsabilité. Les Etats-Unis précisent néanmoins qu'il pourrait s'agir d'un système de missiles sol-air de moyenne portée « Buk », de type SA-11 (Gadfly) ou SA-20.
La circulation aérienne en Europe au lendemain de la destruction du vol MH 17.
Les consignes de l'AESA ont un impact immédiat. Source : Flightradar24.com
Détection par satellite ?
Les satellites d'observation à très haute résolution civils ou militaires peuvent identifier des installations de lancement de missiles fixes ou mobiles. Par contre, il est peu probable qu'un satellite d'observation en orbite basse ait pu détecter le départ ou la trajectoire du missile. Les satellites en orbites basses sont sur des orbites à défilement et, par définition, ils « défilent » : à environ 28000 km/h sur leur orbite circulaire, ils survolent un région du globe à une heure précise pendant une durée relativement courte. On peut augmenter un peu cette durée en jouant sur l'agilité du satellite pour le faire pivoter pour viser le plus longtemps possible la même zone mais cela ne dépasse pas quelques minutes.
En modifiant l'orbite d'un satellite (c'est très coûteux en ergols) ou en coordonnant les opérations de plusieurs satellites (comme on fait en cas de catastrophe naturelle), il est possible de tenter d'acquérir une image d'une région donnée à un moment précis ou le plus rapidement possible (toujours dans le cas d'une crise). Par contre, cela suppose d'avoir une idée de l'heure de l'évènement qu'on cherche à observer. Cela peut arriver, de manière fortuite (voir l'article sur la météorite de Tchebarkoul) ou quand cette information est connue par d'autres sources de renseignement, par exemple à l'occasion d'un essai de missile balistique programmé en Corée du Nord.
Dans le cas du MH 17, ce n'est certainement pas le cas.
SAM et l'oncle Sam
Si des satellites ont capté quelque chose, il s'agit plus vraisemblablement de satellites américains d'alerte avancée, en orbite plus haute ou en orbite très elliptique, dont la mission est de détecter, comme pour les départs de feux de forêts, la signature infrarouge de missiles balisitiques à longue portée et pas forcément de missiles sol-air du type ou encore de satellites d'écoute électronique (SIGINT pour Signal Intelligence) qui auraient pu localiser par triangulation le signal émis par loe radar au sol du système de missile ou par l'autodirecteur du missile. Une telle détection a pu également être effectuée à partir de moyens sol.
La France et l'Europe ne disposent pas actuellement de capacité opérationnelle de ce type. Il y a eu les démonstrateurs Spirale et Elisa (quatre satellites lancés avec le satellite Pleaides-1A). La loi de programmation militaire a confirmé le lancement du programme d'écoute CERES avec une mise en service vers 2020 : la DGA (Direction Générale de l'Armement) a notifié en 2013 le contrat de réalisation aux deux industriels français Airbus Defence and Space et Thales Alenia Space. Par contre, l'alerte avancée n'est pas très avancée...
Vue d'artiste de la constellation de quatre satellites Elisa en orbite. Crédit image : CNES - DGA
SAM sur Google Earth
Rien à voir avec l'oncle Sam. SAM est l'abbréviation de "Surface to Air Missile", ou missile Sol-Air.
S'il s'agit bien d'un missile Buk de type M1 ou M2 (SA-11 ou SA-17) qui a détruit le vol MH 17, il a été tiré d'une plateforme mobile : ce système conçu par les russes à partir des années 80 est monté sur un véhicule tracteur à chenilles et comprend un radar d'acquisition capable d'engager plusieurs cibles simultanément, un poste de commandement, une plate-forme de tir avec 4 rampes de lancement et un système de chargement.
J'ai quand même eu la curiosité de regarder sur Google Earth si on pouvait localiser des sites de lancement de missiles. Ce n'est pas exactement le type de recherche d'images que je fais habituellement mais je n'ai pas été déçu du voyage....
Sur Google Earth, un fichier KML qui liste les sites de lancement de missiles sol-air dans le monde.
Même si beaucoup de sites sont hors service,il n'y a pas que l'espace aérien ukrainien à contourner...
Crédit image : geimint.blogspot.fr
Les sites de de lancement de missiles sol-air, actifs ou désafffectés, recensés sous Google Earth.
Zoom sur l'Ukraine et la Crimée. Crédit image : geimint.blogspot.fr
La forme et la couleur des symboles varient sur le type d'instation et son état : en blanc, heureusement, les emplacements inoccupés ou désaffectés. Les carrés sont des garnisons ou de centres d'essai, les cercles sont des radars de contrôle de tir, les losanges des radars de surveillance et d'alerte. Les triangles correspondent au installations de tir de missiles. La couleur verte avec les nuances matérialise les SA-4, SA-6, SA-11, SA-15 ou SA-16. Des explications plus complètes sont données sur le site geimint.blogspot.fr.
Crowd-sourcing : la foule se foule
Cette collecte d'informations sur les sites de missiles SAM a été faite à partir des images disponibles sur Google Eartn par la communauté d'utilisateurs de Google Earth et du forum IMINT & Analysis(dont Sean O'Connor, Lex2, ChristianNL, Hpasp, RoAF, p_shadow, Stochelo, Planeman Tim Brewer, Pierre Troyes, Capablack, etc.)
C'est un exemple typique de travail communautaire, similaire à ce qui est fait dans un tout autre domaine par OpenStreetMap. On parle de "crowdsourcing" ou "externalisation ouverte" en français, à savoir l'utilisation des compétences et des ressources d'un grand nombre de personnes pour réaliser un travail de manière collective, en le divisant en tâches élémentaires réalisables par une seule personne.
Deux exemples de sites de lancement de missiles au nord de Donesk. En bas, site dit "EW" pour
Early Warning (détection des avions). Source : Google Earth.
Le site IHS Janes's 360 fournit des informations plus détaillées sur le missile Buk-M1 "Gadfly" : il peut atteindre un avion volant à 72200 pieds. Le vol MH 17 avait une altitude de croisière de 33000 pieds (10000 mètres). Le 14 juillet, un avion de transport Antonov An-26 de l'armée ukrainienne avait été abattu alors qu'il volait à une altitude de 21600 pieds (6500 mètres) dans la région de Luhansk, près de la frontière avec la Russie.
En savoir plus :
- Sur le site IHS Jane's 360, deux articles sur la destruction du vol MH 17, sur le type de missile utilisé et une page sur le système lance-missiles 9K37 Buk (SA-11 Gadfly).
- Sur le site geimint.blogspot.fr, une description des sites de missiles SAM et le fichier kmz à afficher sous Google Earth.
- Sur le blog rpdefense.over-blog, un article sur les satellites CERES et une video publiée sur Youtube à l'occasion du lancement des satellites Elisa et Pleiades-1A.
- Sur Dailymotion, une vidéo du CNES sur les satellites Elisa.
- Sur le site defense.gouv.fr, un article sur les satellite Elisa.
- Sur le site d'Airbus Defence and Space, la page sur les satellites Elisa.
- Sur le site du sénat, le rapport d'audition du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian du 3 septembre 2013 où il est question des capacités de renseignement et du programme CERES.
- Le site Flightradar24.com illustrant le traffic aérien mondial en temps réel.
- Un autre article du blog Un autre regard sur la Terre sur la crise en Ukraine et en Crimée.
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie "sécurité et défense".