A défaut de températures polaires en décembre 2011, il y a quand même des orbites polaires… Alors que nous fêtions la nouvelle année 2012 et échangions 1,13 milliard de textos (SMS) selon les bilans communiqués par les trois grands opérateurs mobiles français, Orange, SFR et Bouygues Télécom (Free n'avait pas encore annoncé le tarif de ses nouveau fofaits), les satellites d’observation de la Terre continuaient à tourner sur leur orbite et à acquérir des images.
Des images juste avant minuit… Etonnant ?
Cela se comprend assez bien pour les satellites Radar dont le capteur actif n’a pas besoin de la lumière solaire : ils « illuminent » la région survolée avec le signal qu’ils émettent. Néanmoins, même si leurs capteurs n’ont pas besoin de lumière solaire, ils utilisent souvent une orbite dite « crépusculaire » (« dawn-dusk » en anglais) afin que leur panneaux solaires soient toujours éclairés par le soleil. Par exemple, les orbites de Radarsat, TerraSAR-X ou Cosmo-Skymed traversent la verticale de l’équateur du nord vers le sud (on appelle cette position le nœud descendant) à 6h00 heure solaire locale et du sud vers le nord (nœud ascendant) à 18h00 heure solaire locale.
A la même date, le choix dans l’heure pour le nœud descendant…
Acquérir des images à minuit, c’est vrai aussi pour les satellites optiques, mais en heure UTC : sur une orbite héliosynchrone, l'altitude et l'inclinaison sont choisie de manière à ce qu’une même zone soit observée avec le même éclairage du soleil (l'angle entre le plan d'orbite et la direction du soleil demeure presque constant).
Un satellite d’observation en orbite héliosynchrone repasse au-dessus d'un point donné à la même heure solaire locale. L’orbite de la grande majorité des satellites d’observation traversent l’équateur du nord au sud (nœud descendant) entre 10h00 et 10h30 du matin.
Pour Envisat, c’est 10h00 du matin comme pour Quickbird, Landsat 6 et 7 et les futurs satelites Spot 6 et Spot 7. Pour Spot 5, c’est 10h30, comme pour les satellites Ikonos, GeoEye-1 et WorldView-1 et 2. 10h30 pour Pléiades, le nouveau satellite à très haute résolution lancé en décembre 2011.
L’orientation de la ligne de visée (avec un miroir orientable comme sur Spot) ou l’agilité du satellite permettent d’acquérir des images un peu avant ou un peu après l’heure de passage à la verticale de lieux mais il s’agit alors de prises de vues plus ou moins obliques.
En général, sur le blog Un autre regard sur la Terre, toutes les heures sont exprimées ien temps UTC (Temps Universel Coordonné). Parfois, j’utilise l’heure locale légale : en fin d’année (lorsque l’heure d’hiver s’applique), quand il est par exemple minuit en temps UTC, il est une heure du matin à Paris en heure légale. Les heures de passage au nœud descendant citées ici sont exprimées en heure solaire locale.
Pourquoi privilégier ce choix de 10h00 à 10h30 : pour les satellites optiques, c’est surtout pour optimiser les conditions d’éclairement (éviter les réflexions spéculaire, choisir un angle maximum entre le zénith et le soleil) et pour tenir compte des conditions météorologiques, par exemple la couverture nuageuse en fin de matinée sur les régions où on souhaite acquérir des images en priorité.
Pour les satellites multi-missions, embarquant à la fois des charges utiles d’observation optique et radar, c’est bien entendu les contraintes du capteur optique qui déterminent l’heure du nœud descendant : 10h00 pour le satellite Envisat, 10h30 pour le satellite japonais ALOS (en panne depuis avril 2011). Pour la famille des satellites météorologiques MetOp, c’est 9h30.
Les images suivantes, notre quatre « bons plans » pour le réveillon ou le nouvel an, sont quatre extraits d’images, optiques ou radar, trois acquises par le satellite européen Envisat et une par le satellite Terra entre les dernières heures ou dernières minutes de l’année 2011 et les premières minutes de l’année 2012, pour une personne qui passait le nouvel an à Londres ou Greenwich (sur le célèbre méridien de Gavarnie dans les Hautes-Pyrénées).
Une fin de l’année et une dernière orbite avec le satellite européen Envisat qui fêtera ses dix ans de service en orbite en mars 2012…
Premier bon plan : le mont Cleveland dans les îles Aléoutiennes
La première image Envisat est une image du Radar ASAR acquise le 31 décembre à 21h33 UTC. Il s’agit d’une image en mode IMM (Medium Resolution Image Mode) des îles des Quatre Montagnes dans les îles Aléoutiennes (sud-ouest de l’Alaska). L’image montre en particulier le mont Cleveland, un volcan de l’île Chuginadak, qui culmine à 1730 mètres d’altitude.
Extrait d’une Image acquise par le radar ASAR du satellite ENVISAT le 31 décembre 2011 UTC :
le mont Cleveland dans les îles Aléoutiennes. Données images acquises entre 21h32m51s et
21h33m26s. Crédit image : Agence Spatiale Européenne (ESA)
Deuxième bon plan : faire la Java à l’est de Java et prendre l’apéro avec La Pérouse
En fait, la deuxième image publiée ici est acquise à l’est de la Nouvelle-Guinée. Java est plus à l’ouest.
Il s’agit d’un extrait d’une image acquise par le capteur MERIS satellite Envisat le 31 décembre 2011 entre 23h29 UTC et 23h31 UTC. Elle montre l’archipel des Louisiades, entre la mer des Salomon au nord et la mer de Corail au sud, en Papouasie Nouvelle Guinée. Ici, à 23h29 UTC, c’est la fin de la matinée : le capteur MERIS peut voir les splendides couleurs des barrières de corail, grâce à un trou dans la couverture nuageuse.
D’est en ouest, on « peut » reconnaître, avec l’aide d’un atlas ou de Google Earth, l’île de Rossel et l’île Vanatinai (Sudest Island).
Extrait d’une Image acquise par le capteur MERIS du satellite ENVISAT le 31 décembre 2011 :
l’archipel des Louisiades et l’île de Rossel. Données images acquises entre 23h28m39s et 23h31m52s.
Crédit image : Agence Spatiale Européenne (ESA)
A la recherche de La Pérouse : même pas peur de la fin du monde
Pour la petite histoire, l’île de Rossel a hérité du nom du français Élisabeth-Paul-Édouard de Rossel (1725-1829), plus connu sous le nom de chevalier de Rossel. Marin à 15 ans, astronome, il participe aux campagnes navales dans les Antilles en 1781 et 1782 puis à deux expéditions d'exploration aux Indes Orientales, dont une, sur les frégates La Recherche et L'Espérance, commanditée pour retrouver l’expédition de La Pérouse. Ayant pratiquement fait le tour de la Terre, il n’était pourtant pas favorable à la Révolution et rentre en… Angleterre. De retour en France, en 1811, il est nommé membre du Bureau des longitudes et de l'Académie des Sciences.
Troisième bon plan : en antarctique, sur la terre de la Reine Maud, la côte de la princesse Astrid, la station de recherche russe Novolazarevskaya et la barrière de glace de Lazarev
La troisième image est également une image radar fournie par ASAR, le radar d’Envisat. L’extrait publié ici montre une fraction de la côte antarctique et sert à cartographier l’étendue de la glace de mer en ce début d’été (dans l’hémisphère sud).
En haut, deux extraits d’une Image de la côte antarctique acquise par le radar ASAR du satellite
ENVISAT le 31 décembre 2011. Données images acquises entre 23h54m52s UTC et 23h59m45s UTC.
Presque minuit ! En bas, le type de carte produite par le service Polar View.
Crédit image : Agence Spatiale Européenne (ESA)
A partir de différents types de données satellite, le service Polar View produit des informations sur la glace de mer et les icebergs en support à la navigation dans les mers du sud. Pour l’Antarctique, le service est géré par le British Antarctic Survey. Polar View fonctionne aussi pour l’hémisphère nord.
L’illustration suivante, extraite du site Polar montre l’intérêt des satellites à orbite polaire pour effectuer une cartographie systématique et répétitive des zones polaires.
Carte montrant l’emprise des images Envisat acquises pour les besoins du service Polar View
pendant la dernière semaine de décembre 2011. Crédit image : Polar View
Pour ceux qui préfèrent les images optiques, voici une image MERIS acquise le 31 décembre à partir de 23h59 UTC. Nous sommes cette-fois-ci largement au sud de l’Australie, toujours sur la côte de l’Antarctique, à l’est de la Terre Adélie.
Extrait d’une Image acquise par le capteur MERIS du satellite ENVISAT le 31 décembre 2011 : la côte antarctique au sud de l’Australie à proximité de la Terre Adélie. Données images acquises entre
23h12m11s UTC et 23h55m46s UTC. Crédit image : Agence Spatiale Européenne (ESA)
Quatrième bon plan : le sud de la Péninsule du Kamtchatka et le nord des îles Kouriles, première image de l'année 2012...
Notre dernière image, provenant cette fois du capteur optique MODIS du satellite Terra, a été prise pendant le passage au nouvel an à Greenwich : à l’extrême est de la Russie, elle montre la péninsule du Kamtchatka, à mi-journée, sous la neige marquant la silhouette des cratères de volcans. Le lac sud est le lac Kourile, lac de cratère et réserve naturelle sur la liste des volcans du Kamtchatka inscrits au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO.
L’île au sud est Shumushu ou Choumchou, au nord des îles Kouriles, entre la mer d'Okhotsk et l’océan Pacifique.
Extrait d’une Image acquise par le capteur MODIS du satellite américain Terra le 31 décembre 2011:
le sud de la péninsule du Kamtchatka. Données images acquises entre 23h55m00s UTC
et 00h00m00s UTC. Crédit image : NASA/GSFC, Rapid Response
En savoir plus :
- D’autres articles du blog Un autre regard sur la Terre où il est question d'acquisition des images, de temps universel et d’heure locale.
- Le site Internet du service Polar View.
- Le site MIRAVI de l'ESA pour accéder en ligne aux dernières images du satellite européen ENVISAT (ASAR et MERIS) et le site Satellite Rapid Response System (SRRS) de Chelys.
- Le site MODIS Rapid Response pour accéder en ligne aux dernières images des satellites AQUA et TERRA.