20 ans après les attentats, le mémorial du 11 septembre (9/11 Memorial) et la tour de la Liberté
(One World Trade Center). Extrait d’une image du satellite Pléiades Neo 3 acquise le 6 mai 2021 au cours
des premières opérations en orbite. Cliquer sur l'image pour la voir en grand format.
Version en champ plus large ici. Crédit image : Airbus Defence and Space (Airbus DS)
11 septembre, au cœur du chaos…
En guise d'hommage à toutes les victimes des attentats du 11 septembre et de leurs conséquences partout dans le monde, voici une image du 9/11 Memorial et de la tour de la Liberté vus par le satellite Pléiades Neo 3. La résolution est saisissante : à côté des chênes du Mémorial, on s'attend presque à pouvoir lire le nom des victimes gravés sur les parois des deux bassins. Mention particulière pour les pompiers du FDNY et à tous les "first responders" qui ont donné leur vie en tentant d'en sauver d'autres.
Cette nouvelle image de Pléiades Neo complète celles déjà publiées sur ce blog. Des images qui nous ont tous marqués, de manière indélébile. 20 ans après, je suis encore resté captivé par les images des attentats du World Trade Center à l’occasion d’un reportage sur les attentats du 11 septembre.
Inutile de préciser l’année. Inutile de rappeler que ces attentats nous ont marqués profondément.
Chaque adulte se souvient précisément de ce qu’il faisait précisément au moment où la nouvelle des attaques terroristes contre les Etats-Unis a commencé à se répandre.
J’étais dans un aéroport entre deux avions… Après une réunion à l’ESA à Frascati en Italie, je venais d’atterrir à Lyon en provenance de Rome et j’attendais ma correspondance pour rentrer à Toulouse. C’est dans la file d’attente pour embarquer en constatant la nervosité des agents de sécurité puis en voyant les premières images des tours jumelles en feu que j’ai pris conscience de ce qui se passait…
En arrivant à la maison, immobile devant le petit écran à voir des images passer en boucle pendant des heures en essayant de comprendre l’incompréhensible. Le choc, l’effroi, la sidération…
Coïncidence de date, ce vingtième anniversaire du 11 septembre prend aussi une tonalité très particulière avec le retrait américain d’Afghanistan moins de deux semaines plus tôt et, le 8 septembre 2021 à Paris, l’ouverture du procès des attentats du 13 novembre 2015.
Une histoire d’avions
Le 11 septembre, c’est peut-être d’abord une histoire d’avions…
Les deux avions précipités sur les tours du World Trade Center (vols American Airlines 11 et United Airlines 175), celui qui frappe le pentagone à Arlington (American Airlines 77) et le quatrième qui s’écrase en Pennsylvanie (United Airlines 93) après la réaction de l’équipage et des passagers pour empêcher les terroristes de parvenir à leur fin. Les avions de chasse qui décollent en urgence, dont les deux F-16 de la base d’Andrews, avec des armes inertes, dont les pilotes, le lieutenant Heather “Lucky” Penney et le lieutenant-colonel Marc Sasseville, sont prêts à sacrifier leur vie en éperonnant un avion aux mains des terroristes.
La fermeture complète de l’espace aérien américain juste après les attentats puis la crise du transport aérien pendant plusieurs mois, qu’il faut désormais relativiser après la pandémie de Coronavirus. Et les conséquences durables sur le temps passé à l’embarquement avec les contrôles de sécurité des passagers et de leurs bagages : le 11 septembre a changé notre façon de prendre l’avion.
Impact des grands chocs sur le transport aérien et durée de retour à la normale :
11 septembre, épidémie de SARS (2003), crise financière de 2008, pandémie de COVID-19.
L'unité RPK correspond aux kilomètres parcourus pour l'ensemble des passagers payants. Source : IATA
Enduring Freedom : une liberté pas si immuable
Ce sont également les avions bombardiers américains B-1, B-2 et B-52 engagés en Afghanistan à partir d’octobre 2001 (opération Enduring Freedom) puis en Irak, pour la seconde fois, à partir de mars 2003 (opération Iraki Freedom).
Les avions qui tuent et ceux qui sauvent des vies
Plus récemment, ces sont également des avions qui ont permis de sauver des vies : malgré un calendrier précipité et une situation chaotique, 123000 personnes ont pu quitter l’aéroport de Kaboul à bord d’avions civils et militaires. Le dernier C-17 américain a décollé le 30 août 2021.
L’image suivante a été acquise dans la journée du 24 août par le satellite Pléiades-1B. On voit le nombre impressionnant d’avions de transport militaires, notamment les gros C-17 américains. L’image en champ large montre aussi les voitures et la foule aux portes de l’aéroport.
L’aéroport de Kaboul vu depuis l’espace. Extrait d’une image prise par le satellite Pléiades-1B le 24 août 2021
pendant l’évacuation de l’Afghanistan. Cliquer sur l’image pour voir une vue en champ plus large.
Une version en plus haute définition est disponible ici. Copyright CNES – Distribution Airbus DS.
Près d’une des portes, Abbey Gate, un attentat-suicide a tué au moins 182 personnes (dont 13 soldats américains) le 26 août 2021. Si les vieilles images du 11 septembre continuent à fasciner, les nouvelles laissent un goût amer…
Evacuation de civils afghans dans un des avions C-17 américains en août 2021.
Une photographie probablement destinée à devenir iconique. Crédit image : US Air Force
Des hélicos qui font la queue, un autre qui la perd
Il y a aussi de nombreux hélicoptères visibles sur cette image du satellite Pléiades-1B.
Dans l’histoire des attentats du 11 septembre, il y a ceux de la police de New York (NYPD) qui ont tourné autour du World Trade Center après l’impact du premier avion, au point que certains témoins ont cru qu’un hélicoptère était impliqué dans l’attentat. Des images très impressionnantes de l’effondrement des deux tours ont été prises par ces hélicoptères.
Les hélicoptères les plus emblématiques sont néanmoins les deux hélicoptères Blackhawk modifiés qui ont transporté les commandos américains qui ont tué Oussama Ben Laden dans sa résidence à Abbottabad au Pakistan en mai 2011.
Parmi les images désormais iconiques de cette période, une a été prise à la Maison Blanche alors que le président Obama, le vice-président Joe Biden et Hillary Clinton suivaient l’attaque au Pakistan. Eux-aussi sont fascinés par ce qu’ils voient à l’écran.
The situation room : Barack Obama, Joe Biden, Hillary Clintonet l'équipe de sécurité nationale dans la salle
de crise de la Maison-Blanche à Washington pendant l’attaque contre Oussama Ben Laden à Abbottabad.
Photographie de Pete Souza (Maison Blanche)
20 années d’images prises par les satellites d’observation
Après les avions et les hélicoptères, un petit retour sur les images prises par les satellites d’observation : depuis vingt ans, en orbite autour de la Terre, ils nous racontent également à leur manière l'histoire des attentats qui ont changé le monde.
Le blog Un autre regard sur la Terre n’existait pas encore en septembre 2001. A partir de 2010, la deuxième année de fonctionnement du blog, j’ai écrit plusieurs articles au sujet de ces attentats, de ses conséquences et de la reconstruction du site, le premier à l'occasion de la commémoration des 10 ans des attentats.
Une façon pour moi d’exprimer le choc et l’émotion ressentis en septembre 2001…
Je reviens sur les images les plus marquantes. Accessoirement, elles permettent de suivre l’évolution des satellites d’observation de la Terre depuis 20 ans.
Reflecting Absence
Celle qui ouvre cet article est la plus récente. C’est un extrait d’une image acquise par le satellite Pléiades Neo en mai 2021. Elle montre la tour de la Liberté et les deux bassins du 9/11 Memorial avec un niveau de détail impressionnant.
Le 11 septembre : le satellite SPOT 4 aux premières loges
En 1986, quelques mois après son lancement, SPOT 1 est le premier satellite commercial à fournir des images du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl. C’est moins connu mais c’est le satellite français SPOT 4 qui a été le premier satellite d’observation à fournir des images de New York, d de Manhattan et du World Trade Centre le 11 septembre 2001. La première image a été acquise à 11h55 EDT (l’heure locale à New York), trois heures après le crash du premier avion. L’image publiée ici correspond à une composition colorée utilisant les canaux infra-rouge de Spot 4.
Image de New York et du World Trade Centre acquise juste après les attentats du 11 septembre 2001.
Image acquise par le satellite français SPOT 4 le 11 septembre 2011 à 15h56 UTC.
Cliquer sur l'image pour voir une version en champ plus large.
Copyright CNES 2001 – Distribution Airbus DS
Big brother et surveillance massive : un mot sur les satellites d'observation
Pour rassurer ceux qui s’inquiètent de la surveillance massive des citoyens mise en place après le 11 septembre, il faut préciser que cette image est, on pourrait dire, un exemple de sérendipité (même si ce terme n’est pas très approprié pour un événement aussi dramatique) : le satellite SPOT 4 tourne autour de la Terre et avait probablement été programmé la veille pour acquérir une image de New York pour un client qui l’attendait. C’est « par chance » qu’il a saisi la fumée des tours du World Trade Center.
Le plus souvent en orbite basse héliosynchrone, les satellites d'observation, en particulier ceux à très haute résolution ne voit pas tout, à tout moment, dans les moindres détails : quand ils fonctionnent en "petite constellation" (comme les nouveaux Pléiades Neo) leur agilité permet de viser une région précise du globe au moins une fois par jour voir plus. Mais leur plan d'acquisition d'images est défini à l'avance par les opérateurs du système. Même si les nouveaux satellites fonctionnent avec un préavis très court, par exemple pour contribuer au service européen de cartographie d'urgence de Copernicus, le satellite ne voit que ce qu'on lui demande de voir.
La France ne possédait pas de satellite d’observation à très haute résolution au moment des attentats : SPOT 5 est lancé en mai 2002 les deux premiers satellites à très haute résolution Pléiades-1A et Pléiades-1B rejoignent l’orbite de la Terre en 2011 et 2012.
A l’époque, la première image à très haute résolution est prise le 15 septembre 2001 par le satellite Ikonos-2 lancé deux ans plus tôt : au début des années 2000, les sociétés Space Imaging puis GeoEye et Digital Globe (aujourd’hui Maxar) ont une longueur d’avance dans l’observation optique à très haute résolution. Avec les deux satellites Pléiades Neo désormais en orbite, Airbus Defence and Space a marqué des points.
En haut, image de Manhattan et du site du World Trade Center. En bas, Washington, Arlington et le Pentagone.
Images acquises le 15 septembre 2001 par le satellite Ikonos-2. Cliquer sur les images pour voir les versions
en haute définition. Crédit image : Maxar
A côté des images prises immédiatement après les attentats, celles qui ont été prises un peu plus tard et qui montrent le trou béant laissé par les deux tours jumelles sont à mon avis les plus émouvantes.
Vous trouverez toute une série d’images dans un article publié en 2011 à l’occasion des commémorations des dix ans des attentats.
En 2013, j’ai publié un autre article avec plusieurs images des satellites SPOT-6 et Pléiades et des photographies prises sur place à l’occasion d’un voyage très émouvant fait à New York en mai 2013.
L'ombre d'une absence...
La toute dernière image de cet article date du 12 septembre 2021 et a été acquise par le satellite européen Sentinel-2. Avec 10 mètres de résolution, ces images sont habituellement plus difficile à interpréter en zone urbaine que celles des satellite à très haute résolution (cet exemple montre quand même qu'on peut en tirer une cartographie de premier niveau).
Celle a pourtant retenu mon attention : dans la représentation utilisant le canal proche infrarouge, deux gros pixels noirs, deux grands carrés sautent aux yeux : oui, c'est le Mémorial du 11 septembre à New York avec ses deux bassins.
Tout autour, les ombres des gratte-ciels mettent en évidence leur hauteur.
Reflecting absence... Cette absence est aussi matérialisée par l'absence d'ombre des deux tours jumelles. Je trouve cela assez émouvant.
Reflecting absence ou shadow absence... Manhattan et le site du Memorial 9/11 vus par
le satellite Sentinel-2 le 12 septembre 2021. En haut, zoom sur le site du Mémorial.
En bas, vue en champ plus large. Composition colorée utilisant le canal proche infrarouge.
Crédit image : ESA / Copernicus / Commission européenne
En savoir plus :
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre :
- Les autres images des satellites Pléiades Neo.
- D'autres articles sur les attentats du 11 septembre et leurs conséquences.
- Les autres articles sur le thème "espace, sécurité et défense".
- Les autres articles sur les satellites et la gestion de crises.
- Le site du Mémorial du 11 septembre.
- Les rapports de l'International Air Transport Association (IATA) sur l'impact des crises globales sur le trafic aérien :
- "COVID-19, an almost full recovery of air travel in prospect", une présentation de Brian Pierce, chef économiste (Mai 2021).
- "COVID-19, Airline industry financial outlook update", une présentation de Brian Pierce, chef économiste (Avril 2021).
- "Global Air Passenger Markets: Riding Out Periods of Turbulence", par David Oxley et Chaitan Jain (The Travel and Tourism Competitiveness Report, 2015).