L’ouragan Irma à l’approche des Antilles françaises. Image acquise par l’instrument VIIRS
du satellite Suomi NPP. Crédit image : NASA
Et parmi ces filles-là, y'a mon Irma, Ma môme...
Elle est loin mais je crois qu'elle pense toujours à moi
Et qu'elle trouve le temps long au bout du Pont, Ma môme.
Irma La douce (Colette Renard)
Irma la douce ?
Après Harvey, voilà Irma, pas vraiment la douce… Au moins, pour les tempêtes tropicales, les cyclones et les ouragans, il n’y a pas de problème de parité : les prénoms féminins et masculins se succèdent une fois sur deux.
Et, côté muscles, l’ouragan Irma n’a rien à envier à Harvey : le cyclone, passé en catégorie 5 (le niveau maximum de l’échelle de Saffir-Simpson, s’est renforcée dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 août avec des rafales atteignant les 360 km/h, selon un bulletin publié par Météo France.
Changement de climat
La température de l'océan, particulièrement élevée, explique en partie ce renforcement inhabituel. La carte suivante, produite par Mercator-Océan pour Copernicus, illustre cette situation.
Les plus sceptiques expliqueront certainement que cela n'a rien à voir avec le réchauffement climatique. Mais on peut quand même légitimement se dire que cette longue série d'année chaudes n'est pas le fruit du hasard. Voici probablement un exemple typique des conséquences du changement climatique : l'intensification des phénomènes climatiques extrêmes. On verra ici plus souvent des tempêtes tropicales en catégorie 3, 4 voire 6 que des catégories 1 ou 2. Les spécialistes du climat ont peu de doutes sur ce scénario.
Cela fait quand même beaucoup de tempêtes du siècle sur une période de moins de quinze ans !
Prévision de température de surface de l'océan pour le 6 septembre 2017.
Carte produite par Mercator-Océan pour le service marine du programme européen Copernicus.
Irma a traversé la partie nord des petites Antilles à une vitesse d’environ 25 km/h (la vitesse de déplacement de l’œil, pas celle des vents).
Irma est plus forte que Luis (1995) ou Hugo (1989). Il n’y a pas eu de cyclone d’intensité comparable depuis 1988 avec Gilbert. Les anémomètres, comme beaucoup d'autres choses, sont bons pour la casse…
Ouragan IRMA. Prévision de trajectoire et d'arrivée des vents violents.
Crédit image: National Hurricane Center (NHC)
Alerte violette
Vous connaissiez l’alerte rouge, voici l’alerte violette…
Elle concerne les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, que l’œil du cyclone devrait traverser mercredi dans la matinée (en heure locale). La Guadeloupe est en vigilance rouge.
L’alerte violette est le plus haut niveau de vigilance, avec obligation (et non recommandation) de rester confiné chez soi.
Irma a d'abord frappé l’île de Barbuda puis Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Les premiers témoignages ont fait état de dégâts très importants : inondations, tôles arrachées, vitres éclatées, bateaux et habitations détruits… Il faudra attendre un peu pour un bilan précis : les communications sont difficiles, même si de nombreuses images et témoignages commencent à nous parvenir par les réseaux sociaux.
A Saint-Barth, l’électricité a été coupée. Les sapeurs-pompiers ont dû se réfugier à l’étage de leur caserne, inondée sous un mètre d’eau. Les engins de secours sont hors service. Le toit de la préfecture de Saint-Martin (dans la partie française) s’est envolé. Plus d'électricité, plus de station d'épuration en état de marche : ça va être compliqué...
L'île française de Saint-Martin est "détruite à 95%", a indiqué le président du conseil territorial. "C'est une catastrophe énorme. 95% de l'île est détruite. Je suis sous le choc. C'est affolant".
Selon le préfet de Guadeloupe Eric Maire, au moins quatre personnes sont décédées sur l'île française de Saint-Martin. "Le bilan n'est pas définitif. Nous risquons malheureusement de faire d'autres découvertes".
Irma devrait ensuite toucher les îles Vierges britanniques, Porto Rico, la République Dominicaine, Haïti puis les Bahamas et la Floride. Après Houston, la NASA reste aux premières loges au Kennedy Space Centre: SpaceX s'est dépêché de lancer la fusée Falcon 9 emportant la mission OTV et l'avion spatial X-37B...
Madame Irma : une bonne prévision météo
Dans le cas des tempêtes tropicales, des cyclones et des ouragans, ce sont d'abord les satellites météorologiques qui jouent un rôle déterminant pour prévoir la trajectoire et l'évolution des vents. Les données satellites sont souvent complétées par des mesures "in situ" effectuées par des avions spécialisés, par exemple pour mesurer finement la vitesse des vents.
Courageux les pilotes qui volent à proximité d'un ouragan !
Extraits d'images acquises par le satellite européen Meteosat.
Crédit image: Eumetsat
Cartographie rapide : savoir anticiper... Avec les bonnes informations...
Après la prévision, l'analyse des dégâts. En parallèles des informations recueillies sur place ou communiquées par la population (les réseaux sociaux ont du bon quand les moyens de communication sont en état de marche), c'est au tour des satellites d'observation de la Terre d'entrer en action... Ici on cherche un peu la quadrature du cercle : la haute résolution et des images très rapidement disponibles.
La charte internationale espace et catastrophes majeures et le service de cartographie d’urgence de Copernicus (Emergency Mapping Service) ont été activés dès le 5 septembre par anticipation.
En pratique, il y a plusieurs activations en cours selon les zones d'intérêts et les autorités en charge de la gestion de crise (les fameux "utilisateurs autorisés").
Le service Copernicus EMS a été activé deux fois :
- L'activation EMSR232 pour les Antilles françaises, déclenchée par le Centre Opérationnel de Gestion Interministériel de Crises (COGIC).
- L'activation EMSR233 pour Haïti et la République Dominicaine (la zone d'intérêt est la côte nord de l'île Hispaniola), à la demande des services de la Commission européenne (DG ECHO en charge de l'aide humanitaire).
La charte internationale espace et catastrophes majeures a été activée trois fois :
- L'activation 627 à la demande de l'Unitar/UNOSAT pour le compte des Nations Unies sur la zone des Caraïbes (Poro Rico et îles vierges britanniques).
- L'activation 628 à la demande de la Comisión Nacional de Emergencias (République Dominicaine).
- L'activation 629 pour la zone des Bahamas, demandées par l'USGS (US Geological Survey) pour le compte de l'agence fédérale de gestion des urgences (FEMA).
L'avantage de ces activations anticipées est de pouvoir disposer très rapidement de cartes de référence et d'une cartographie des dégâts : dans le cas d'IRMA, des images radar (Cosmo-Skymed et Sentinel-1A)ont été acquises dès le 6 septembre, le jour même du passage de l'ouragan.
Les premières cartes produites (delineation maps) montrent les limites de l'approche : si l'imagerie radar est bien adaptée à la détection des zones inondées, il ne permet pas de déterminer les dommages subis par le bâti. Les premières cartes produites ne les recensent pas.
Il faudra attendre les premières images optiques à haute résolution, sans nuages, pour en savoir plus.
Cela ne va pas être simple : en temps normal, il n'est pas évident d'avoir une image sans couverture nuageuse (jetez par exemple un coup d'oeil aux cartes de références produites par Copernicus).
Après le passage d'Irma et avant l'arrivée de Jose (qui ne va pas simplifier les opérations de secours), la couverture nuageuse reste dense. Les tentatives d'acquisitions d'images du 6 et du 7 septembre le confirment : les images consultables dans le catalogue Geostore sont en partie couvertes par des nuages. Des extraits peuvent quand même servir aux équipes de cartographie rapide.
La couverture nuageuse complique les tentatives d'acquisition d'images à haute résolution par les
satellites Pleiades et SPOT pour les journées du 6 et du 7 septembre.
Extrait du catalogue Geostore d'Airbus Defence and Space
En savoir plus :
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre, des articles sur des ouragans et des cyclones significatifs :
- La série d'articles sur l'ouragan Harvey.
- Les articles sur Katrina.
- Les articles sur le typhon Haiyan.
- Le cyclone Yasi.
- Les cyclones Igor, Julia et Karl.
- Les autres articles dans la catégorie satellites et catastrophes naturelles.
- La liste des activations du service Copernicus de cartographie d'urgence (Copernicus Emergency Mapping Service)
- La liste des activations de la charte internationale espace et catastrophes majeurs.