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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

SPOT, Un Satellite pour Occuper Toulouse ? Mission accomplie !

Publié le 24 Février 2016 par Gédéon in Satellites-et-lancements, Rétroviseur-un-peu-d'histoire

 

30 ans de SPOT - Un Satellite Pour Occuper Toulouse - Pléiades - Ville rose - Capitale spatiale européenne - Très haute résolution - CNES - Airbus DS

Le coeur de la ville de Toulouse vu par le satellite Pléiades en 2014.
Copyright CNES 2014, distribution Airbus DS

 

SPOT : 4 lettres… Savez-vous ce qu’elles signifient ?

Le timide « Système Probatoire d’Observation de la Terre » a progressivement pris de l’assurance et est devenu « Satellite Pour l’Observation de la Terre ». Développé essentiellement dans la ville rose, SPOT s’est aussi transformé en boutade : un « Satellite Pour Occuper Toulouse ».

C’est ainsi que les mauvaises langues traduisaient le sigle SPOT. Il est vrai que le programme SPOT a été proposé en 1976, l’année de la grève au Centre Spatial Toulousain, à un moment où les salariés du CNES s’inquiétaient de l’avenir de « l’usine à satellites » : les budgets affectés au programme spatial français diminuaient au profit des engagements européens.

 

« Un Satellite pour Occuper Toulouse » : des boutades comme celles-ci, on en veut tous les jours !

En 2016, la boutade est devenue une très belle réussite économique : Le satellite SPOT 1 a fait des petits, avec une longue descendance. Les deux satellites Pléiades livrent des images à très haute résolution. SPOT 6 et SPOT 7 confirment que SPOT est une marque renommée. Toulouse, capitale européenne du spatial : en bonne partie grâce à SPOT.

Les retombées sont impressionnantes, avec une industrie spatiale, des sociétés de service en observation de la Terre et des équipes de recherche de classe mondiale. Elles créent des emplois avec de beaux succès sur le marché export dans un environnement très concurrentiel.

 

30 ans de SPOT - Industrie spatiale française - Compétitivité - Leader mondial de l'observation de la Terre - Export - Retombées économique

Les retombées de SPOT 1 avant la désorbitation : en 2016, la France et son industrie spatiale
leaders de l’observation de la Terre sur le marché mondial. Crédit image : Gédéon.

 

Le programme SPOT a ainsi largement contribué à faire de Toulouse la capitale européenne du spatial. Un impact économique difficile à voir directement sur l’image satellite de Toulouse prise par Pléiades, encore moins sur celle prise par le satellite SPOT 1 en mai 1986, quelques semaines après son lancement et les premières images acquises juste après la mise en orbite.

 

SPOT 1 - Toulouse - 1986 - 30 ans de SPOT - Ville rose - Un Satellite pour occuper Toulouse

La ville de Toulouse vue par le satellite SPOT 1 en mai 1986. Extrait d’une image multispectrale
à 20 mètres de résolution. Notez la représentation en couleurs naturelles, pas si évident
sans bande spectrale dans le bleu. Copyright CNES 1986, distribution Airbus DS

 

La ville évolue, les satellites aussi…

On note bien sûr l’évolution technologique entre SPOT 1 (l’image présentée ici a une résolution de 20 mètres) et Pléiades (les images sont échantillonnées à 50 cm). Cela ne facilite pas toujours la comparaison et on aimerait avoir des images prises en 1986 avec 50 cm de résolution.

Néanmoins, l’évolution de la ville rose est évidente : l’urbanisation est spectaculaire. Autour de la ville, les terres agricoles à proximité immédiate de la ville ont cédé la place à de nouvelles zones habitées. En 2011, à l’occasion des 25 ans de SPOT, j’avais déjà écrit sut le blog Un autre regard sur la Terre un article sur l’évolution de Toulouse. Je le remettrai bientôt à jour avec les dernières images : il y a eu quelques changements…

 

Mission accomplie !

SPOT, c’est maintenant un « Succès pour l’Observation de la Terre à Toulouse ». Bien sûr, la compétition mondiale rappelle chaque jour que Toulouse ne doit pas s’endormir sur ses lauriers… SPOT ou encore : préparer l’avenir… Rassurez-vous… Le CNES et les industriels préparent déjà la relève avec THR NG (Très Haute Résolution de Nouvelle Génération) pour les besoins institutionnels français et d’autres satellites d’observation pour les marchés commerciaux et l’export…

 

A Toulouse, la place du Capitole vue par le futur satellite THR NG. Simulation réalisée
à partir de photographies aériennes. Crédit image : CNES

 

Les métiers et les emplois du spatial à Toulouse et en région Midi-Pyrénées

Bien sûr, on pense d’abord au développement de la société Spot Image, désormais Airbus DS GEO. Plus largement, la filière d’observation de la Terre a permis la création de centaines d’emplois dans la distribution des images satellites et dans les services associés. Toulouse et la région Midi-Pyrénées sont devenus le centre d’excellence européen en observation de la Terre avec un tissu dense et dynamique de laboratoires de recherche et de sociétés de services spécialisées.

Dans le domaine des satellites, le programme SPOT a été une étape clé pour le développement des deux grandes sociétés Françaises, Airbus Defence and Space et Thalès Alenia Space et leur tissu de partenaires et sous-traitants : Envisat, Hélios, Pléiades, Metop et les satellites d’observation vendus à l’export. Il y a aussi le pôle de météorologie qui utilise abondamment les données spatiales pour ses prévisions et les études du climat.

Au total, selon des chiffres publiés par le GIFAS et Eurospace, le nombre d’emplois liés au spatial en région Midi-Pyrénées est estimé à 13000, environ la moitié des effectifs français et le quart du total européen.

 

Rue des cosmonautes : peu de cosmonautes, beaucoup de satellites…

Sur l’image suivante, acquise par le satellite Pléiades en 2012, j’ai indiqué l’implantation de quelques industriels, organismes de recherche, PME et sociétés de services. On ne se refait pas : j’ai mis aussi la Cité de l’espace et l’association Planète Sciences Midi-Pyrénées. Ils travaillent dans le domaine de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) mais l’espace en fait partie. 

 

Travailler dans l’espace…

 

30 ans de SPOT - Un Satellite Pour Occuper Toulouse - Pléiades - Ville rose - Capitale spatiale européenne - Les métiers du spatial - Emploi spatial - sites industriels - Airbus Defence and Space - Thales Alenia Space - Parc technologique du canal - Spot Image - Terranis - CLS - Magellium

Un peu de géographie de l’espace à Toulouse. Infographie : Gédéon. Image de fond acquise
par le satellite Pléiades. Copyright CNES 2012 – Distribution Airbus DS

 

La liste est loin d’être exhaustive et ne mentionne pas les entreprises ou laboratoires à l’extérieur de Toulouse, comme M3Systems (à Lavernose-Lacasse) ou Mersen Boostec (à Bazet dans les Hautes-Pyrénées). Il y a des dizaines de PME spécialisées qui travaillent dans le spatial Toutes mes excuses à ceux que je n’ai pas pu mentionner sur cette carte. Envoyez-moi un petit message si vous voulez que j’ajoute quelque chose pour la prochaine mise à jour.

 

Des métiers à tisser…

Concernant les métiers du spatial, qui ont quelques caractéristiques originales, liées à la spécificité des satellites, je vous renvoie aux articles écrits sur le blog Un autre regard sur la Terre à l’occasion de la Novela et de « l’espace des métiers » organisé par Planète Sciences Midi-Pyrénées à la Cité de l’espace.

 

Eté 1976, une année de canicule qui jette un froid

Souvenirs, souvenirs… A cette époque, le CNES est installé depuis moins de dix ans à Toulouse. Les images de l’époque montrent que le site s’est considérablement développé mais, après Symphonie et le premier satellite Meteosat, la fin des années 70 est une période difficile.

 

 

Le site du CNES au début de l’aventure spatiale à Toulouse. Ce n’est pas une image SPOT
mais une photographie prise d’avion en 1965. Si, si, c’est bien là où est installé le CST en 2016.
Pas de sol martien mais la circulation est plus fluide…

 

Philippe Delclaux a bien connu la période du Satellite Pour Occuper Toulouse : « il y a un fond de vrai quand on se rapporte aux évènements de 1976 : le CNES traverse alors une grande crise budgétaire, la majorité de ses financements partant vers l'ESA pour alimenter le programme Ariane qui était dans sa phase la plus coûteuse. La direction du CNES décide alors une campagne de licenciements, en frappant tout azimut, au hasard : des directeurs, des chefs de département, des ingénieurs, etc.

Résultat (manifestement téléguidé) : une grève générale qui dura plus d'un mois, avec des manifestations spectaculaires comme le blocage du départ des avions à Blagnac (à l'époque, il était plus simple de pénétrer sur les pistes). Ce mois de grève aura donné naissance à une effervescence d'initiatives, avec un côté soixante-huitard (Lip n'était pas très loin), des membres de la hiérarchie organisant la réflexion pour proposer des solutions alternatives. Est-ce que SPOT est sorti de là ? Je ne saurais le dire avec certitude, mais il est certain que beaucoup de ceux qui ont organisé et participé à ces réflexions se sont retrouvés dans les équipes projet SPOT deux ans plus tard ».

Aline Chabreuil se rappelle aussi très bien de la grève au CNES, vue de Paris : « C’était un mouvement dur : pendant que nos collègues de Toulouse envahissaient les pistes de Blagnac, une équipe du siège du CNES, alors rue de l'université, est allée rencontrer les députés à l'assemblée nationale pour leur transmettre un document résumant les positions du personnel sur les projets parfaitement faisables ».

Résultats : le plan de licenciement est abandonné. Démission du Directeur Général (Michel Bignier), démission du Président (Maurice Lévy qui avait été en première ligne pour le plan de licenciement).

 

L'émergence d'un programme national d'Observation de la Terre

« Mission est donnée à Yves Sillard, le nouveau directeur, et à Hubert Curien, le nouveau président, de faire immédiatement un dossier de programmes ambitieux mais.... réalistes.  Celui de SPOT était « presque prêt ». Jugé trop cher, nous avons dû revoir notre copie et débarquer l’instrument MRVIR jugé trop compliqué. En échange, deux instruments HRV au lieu d'un... »

 

Jean-Claude Cazaux, qui a participé à l’aventure SPOT depuis le début se souvient : «  Chaude cette période… J’avais passé ma thèse à la fac en 1974. Pas de poste de prof à Toulouse. Pourquoi pas une année au CNES. Fin 1975, la fac me demande de revenir ou alors je perds mon parachute : je choisis de rester au CNES… Mauvais plan : 6 mois après, annonce d’un plan de licenciement ! Les derniers entrés, premiers sortis ? Il faisait chaud au propre comme au figuré ». Jean-Claude continue : « nous étions peu nombreux à travailler sur le dossier : Morel, Jean-Claude Husson, Michel Cazenave, Yves Trempat. Hiver 1978, il fait froid : tous les samedis matin, séance de remontage de bretelle dans le bureau d’Husson, sans chauffage ! Et la tournée de Michel Cazenave en Europe pour chercher des partenaires, l’ESA ne croyant pas beaucoup à notre projet. »

 

En savoir plus :

 

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