Le Djebel Amour au nord du Sahara algérien. Une des premières images du satellite SPOT 1.
Image multispectrale acquise le 23 février 1986 à 10h39 UTC.
Copyright CNES 1986. Distribution Airbus DS
Un bon point avec la première image...
La « première image » d'un satellite d'observation est un évènement important. Très vite après le lancement, il faut vérifier que le satellite fonctionne bien et montrer au monde entier ce qu’il sait faire. SPOT 1 transmet ses premières images en un temps record.
Le 23 février 1986, le lendemain du lancement de SPOT 1, en fin de matinée, les équipes du CNES et de Spot Image (aujourd’hui Airbus Defence and Space) voient s'afficher à l'écran les premières données transmises en temps réel. Le satellite défile du nord au sud, sur une orbite en visibilité de la station de réception d’Issus-Aussaguel. Le nord de l’Europe et la Scandinavie sont sous les nuages mais, au-dessus de Hambourg, le ciel est dégagé. Une première impression très positive...
Emotion et émerveillement : la résolution de 10 mètres met en évidence des détails remarquables. Impression confirmée au survol de la ville de Nice et de la plaine du Pô en Italie : les routes et les villes se distinguent parfaitement dans la campagne enneigée.
En Italie, la plaine du Pô sous la neige. Une des premières images acquises en mode panchromatique
par le satellite SPOT 1 quelques heures après son lancement.
Copyright CNES 1986. Distribution Airbus DS
Une image multispectrale, avec une résolution de 20 mètres, est acquise au nord du Sahara algérien, à la verticale du Djebel Amour : la composition colorée des bandes verte, rouge et proche infra-rouge donne une image très esthétique. Elle reste dans les mémoires comme « la première image » de SPOT 1.
Les tirages en grand format sont présentés au cours d’une conférence de presse à Paris. Par précaution, deux exemplaires sont partis de Toulouse à bord de deux avions différents (l'un des deux avions était peut-être un train...)
Révolution de la résolution
Les partenaires du programme SPOT et tous les spécialistes du spatial comprennent que le marché de l’imagerie satellite, dominé jusqu'à présent par les Etats-Unis avec Landsat, vit une révolution : SPOT 1 est le premier satellite civil à pouvoir livrer des images aussi détaillées. 2 mois plus tard, les images de l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl confirmeront ce grand changement.
Illustration montrant la trace au sol du satellite SPOT 1 le 23 février 1986 au moment de
l'acquisition des premières images. Les nostalgiques des années SPOT 1 se souviennent certainement des fameuses grilles de référence SPOT (GRS) et des paramètres KJ utilisés pour localiser une région.
Pour le Djebel Amour, c'est 50-282 qu'on retrouve en en-tête de la première image. Toutes les première
images correspondent à K =50. Crédit image : CNES
La "vraie" première image de SPOT 1...
Elle a été prise avant le lancement ! Une blague ? Pas du tout : les lecteurs du blog Un autre regard sur la Terre savent que c'est vrai. Il y a eu des images SPOT prises au sol pendant des essais. J'en avais fait un quiz en septembre 2011 avec une image prise par l'instrument de SPOT 4.
Il y a eu aussi une image de SPOT 1, faite à Toulouse pendant un essai réalisé chez Matra Espace (aujourd'hui Airbus Defence and Space). Si vous habitez à proximité, vous reconnaitrez peut-être les lieux. Ils ont un peu changé et les couleurs sont un peu spéciales...
La "vraie" première image de Spot 1, réalisée à l’occasion d’un essai au sol d’un modèle d’ingénierie
de l’instrument HRV. Extrait d’une photographie scannée aimablement fournie par Philippe Delclaux
Michel Courtois, à l’époque chef de projet du programme SPOT 1, se souvient parfaitement des détails de ce test. L'essai a été mené avec le modèle d'ingénierie de l'instrument de SPOT 1 pour ne pas avoir le problème de pollution à l'air qui aurait rendu impossible une telle expérience avec un modèle de vol.
L' instrument a été placé dans le radome de mesure de diagramme d' antenne d' Astrium, le radome avec une face ouverte, le HRV vertical pouvant pivoter en rotation horizontale avec le système prévu normalement pour le déplacement d' antennes. Les barrettes CCD étaient donc verticales et le balayage rotatif horizontal. Un enregistreur du CRIS (centre de rectification des images SPOT) a été couplé au dispositif pour enregistrer les images et les visualiser en "quick look" puis en format impression.
Le résultat est l'’image de la colline de Balma avec le château sur la colline (il s’agit ici d’une photographie papier scannée). Il s’agissait d’un essai « end-to-end » destiné à vérifier la totalité de la chaîne image : acquisition, traitement à bord, enregistrement, télémesure, décommutation et visualisation au sol… Des images ont été enregistrées en position fixe et visualisées chez SEP Image (aujourd’hui Airbus Defence and Space). Deux phénomènes bizarres ont été mis en évidence : le passage d'un train qui en "quick look" montrait des fluctuations de signal, et des réflexions dues à l'absence de masques internes au HRV qui ont été renforcés sur les modèles de vol.
On peut dire que c'est la VRAIE première image de SPOT 1 (ou au moins une copie), un exercice qui aurait réjoui les adeptes de la photographie argentique : reproduction couleur faite par superposition de clichés noir et blanc à travers des filtres colorés et autres petites prouesses informatiques… Le JPEG n'avait pas encore été inventé !
La famille SPOT s'agrandit : d'autres photos de famille...
Au moment où SPOT 1 est lancé, on fabrique déjà à Toulouse SPOT 2. SPOT 3, SPOT 4 et SPOT 5 suivront entre 1990 et 2002. Avant les deux satellites à très haute résolution Pléiades-1A et Pléiades-1B puis la nouvelle génération de satellites SPOT avec SPOT 6 et SPOT 7.
A chaque fois, les premières images seront l’occasion d’illustrer les nouvelles caractéristiques techniques et les performances de chaque satellite. Vous pouvez voir ces premières images sur la page « Quand les satellites ouvrent l’œil pour la première fois » mais la famille SPOT mérite à article à part entière. A suivre…
La dernière image de SPOT 1 : retour à ses premières amours
Ou plutôt son premier Djebel Amour...
SPOT 1 a eu une durée de vie exceptionnelle. Conçu par une durée de vie nominale de 3 ans, il a fonctionné jusqu’à la fin de l’année 2003 et fourni plus de 2,7 millions d’images. Il est possible que la défaillance rapide des enregistreurs de bord, en limitant la décharge des batteries, ait contribué à cette longévité record mais je n’ai pas pu me faire confirmer cette hypothèse.
La première défaillance importante survient en 2001 : une dégradation brutale du panneau solaire avec une perte de capacité supérieure à 10%, probablement une rupture d’une des connexions entre les différents sous-ensembles de cellules photovoltaïques. L'état du panneau solaire pouvant évoluer de façon imprévisible, il y a un risque de perdre définitivement le contrôle du satellite.
Comme pour les adieux de SPOT 5 à la fin de l’année 2015, le CNES décide alors de procéder à la désorbitation de SPOT 1, en le plaçant sur une orbite plus basse. Les opérations ont lieu du 18 au 28 novembre 2003.
A priori, les recommandations de l’IADC (Inter Agency Space Debris Coordination Committee), qui demandent de prévoir pour tout satellite en orbite basse un retour dans l’atmosphère en moins de 25 ans, ne s’applique pas à SPOT 1 : sa conception est bien antérieure. La plateforme de SPOT ayant été conçue pour servir aussi au futur satellite militaire Hélios, il restait suffisamment d’ergols (hydrazine) dans les réservoirs du satellite pour effectuer cette série de manœuvres : des freinages successifs abaisseront le périgée de l’orbite à 574 km d’altitude.
Souvenirs, souvenirs…
Avant de procéder à cette ultime opération dans la vie de SPOT 1, les équipes de Spot Image (aujourd'hui Airbus DS GEO) ont eu l’idée d’acquérir une dernière image « souvenir ». Devinez-où ? Au-dessus du Djebel Amour bien sûr…
La dernière image date du 18 septembre 2003 à 10h37 UTC. Voici une copie du quick-look de la première et de la dernière images prises par SPOT 1 qui m’ont aimablement été communiquées par Philippe Delclaux.
De 1986 à 2003 : une longévité exceptionnelle pour SPOT 1 et 17 années entre la première
et la dernère image du Djebel Amour acquises par le satellite SPOT 1. Version scannée
de deux quicklooks. Crédit image : CNES - Distribution Airbus DS.
En savoir plus :
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre :
- Une page sur la famille de satellites SPOT.
- 25 bougies pour un Spot : un article sur l'anniversaire du lancement du satellite SPOT 1 en 2011.
- Un article sur les images SPOT prises au sol pendant les essais.
- Une page sur les premières images des satellites d'observation.
- D'autres articles avec des images des satellites SPOT.
- Les autres articles dans la catégorie satellites et lancements.
- Sur le site du CNES :
- L'article sur la première image de SPOT 1.
- Les pages sur les missions SPOT.
- Un articlessur les 30 ans de SPOT.
- La page pour télécharger les panneaux de l'exposition "1986-2016 : l'observation de la Terre, 30 ans d'innovations".
- Sur le site d'Airbus Defence and Space :
- La galerie d'images des satellites SPOT et Pléiades.
- Une page sur les satellites SPOT 1 à 5.
- La relève avec les satellites SPOT 6 et SPOT 7.