En février 2012, j’ai publié plusieurs images satellite montrant les étonnants contours des zones enneigées en France. Exactement un mois après le début du printemps, on mesure aujourd’hui les graves conséquences pour l’agriculture de la météo étonnante entre la fin 2011 et le début de l’année 2012 : douceur en janvier, période de froid intense en février, succession de périodes de gels et de dégels, avec des amplitudes thermiques journalières pouvant atteindre 25°C…
La couverture neigeuse en France le 3 février 2012. Image acquise par le capteur MERIS du satellite
européen Envisat à 10h43 UTC. Crédit image : Agence Spatiale Européenne (ESA)
Deux autres images du même satellite montrant l’évolution de la situation. A gauche, le 11 février 2012 à 10h49 UTC. A droite le 20 février 2012 à 10h18 UTC. Crédit image : Agence Spatiale Européenne (ESA)
Les céréales et les cultures de l'Est de la France, en Lorraine, Alsace, Champagne-Ardennes, Bourgogne et en Franche-Comté ont fait les frais de cette situation exceptionnelle, « du jamais vu depuis 1956 » pour les représentants des agriculteurs. C’est également le cas pour de nombreuses autres cultures (légumes, fleurs, fraises, etc.)
Végétation en avance et gel tardif, sans neige...
L’automne et le début de l’hiver cléments ont d’abord favorisé le développement de la végétation. L’épisode de gel de février qui a suivi à cause des pertes sur le blé et l’orge de l’ordre de 70%. Comme le montrait les images satellites pour le période du 6 au 15 février, l’absence de neige n’a pas permis de protéger les cultures du gel.
Selon la FNSEA, qui a demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, « Entre 40% et 100% des cultures de blé, d'orge d'hiver et de colza ont été anéanties. »
400.000 hectares de blé, 40.000 hectares de colza et 160.000 hectares d'orge d’hiver, détruits par la vague de froid du mois de février, ont dû être ressemés, selon des estimations de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB).
Les agriculteurs mentionnent également le surcoût entraîné par le réensemencement après la perte des cultures. Il faut enfin ajouter les cultures partiellement endommagées, avec des pertes probables de rendement de 50 à 60%.
Un mois de février exceptionnellement froid et sec
Dans son bulletin climatique pour févier 2012, Météo France indique que la température moyenne sur l’Hexagone a été inférieure de 3.9 °C à la normale. La vague de froid exceptionnelle du 1er au 13, malgré des températures plus proches des normales durant la seconde quinzaine, place février 2012 au quatrième rang des mois de février les plus froids depuis 1947.
Courbe de l’évolution de la température moyenne en France pendant l’hiver 2011-2012.
Crédit image : Météo France.
Du 1er au 10 février, le refroidissement amorcé fin janvier s'accentue. Les températures minimales sont très inférieures aux normales décadaires avec par exemple :
- -12.5°C à Wangenbourg-Engenthal (Bas-Rhin) le 2 février (normale : -2.3°C).
- -15.1°C à Doussay (Vienne) le 3 février (normale : 0.7 °C).
- -19.7°C à Reims (Marne) le 4 février (précédent record décadaire : -16.9°C le 02/02/1956).
- -20.2°C à Bâle-Mulhouse le 4 février (Haut-Rhin) (normale : -1.7°C).
- -19.4°C à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs (Isère) le 5 février (précédent record mensuel : -17.1°C le 18 février 1952).
- -17.1°C à Guéret (Creuse) le 6 février (précédent record mensuel : -14 °C le 15 février 1991, battu 2 fois dans la décade).
- -16.4°C à Orléans (Loiret) le 7 février (précédent record mensuel : -15.4 °C le 23/02/1963).
Le froid intense s'étend le 8 (voir l’article avec une image de Toulouse sous la neige) et le 9 février jusqu'aux Pyrénées et au Languedoc-Roussillon et les nuits sont glaciales du Sud-Ouest au centre du pays.
L’écart est vrai également pour les températures maximales : du 1er au 10 février, les températures restent négatives en journée sur une grande partie de l'Hexagone avec des valeurs jusqu'à 15 °C inférieures aux valeurs de saison. Le froid vif qui touche le Nord-Est le 1er, s'étend dès le 2 jusqu'au Limousin et à Rhône-Alpes :
- -4.2°C à Montbéliard (Doubs) le 1er février (normale : 5.8°C).
- -7.8°C à Guéret (Creuse) le 2 février (précédent record mensuel : -6.9°C le 7 février 1991, battu 2 fois dans la décade).
- -6.5°C à Fontannes (Haute-Loire) le 3 février (précédent record mensuel : -4.2°C le 11 février 2010, battu 7 fois dans le mois).
Avec seulement quelques épisodes neigeux durant la première quinzaine, le mois de février est également exceptionnel par sa faible pluviométrie : c’est le plus sec sur les 50 dernières années, devant les mois de février 1965, 1959 et 1993. Les cumuls de précipitations représentent globalement sur la France moins de 20% de la normale.
Carte des écarts de précipitations en France en février 2012 par rapport à la valeur normale. Extrait du bulletin climatique pour février 2012 publié par Météo France. Crédit image : Météo France.
Plus de liquide à cause du gel : ça ne gaze pas…
L’AFP (Agence France Presse) rapporte que les agriculteurs demandent également que le versement des aides de la PAC (Politique Agricole Commune) soit avancé : leur trésorerie a déjà été durement affectée l’année dernière par la sécheresse du printemps 2011. Les producteurs estiment déjà que la France souffrira d'un manque de paille cet été dans certaines régions. La France est le premier producteur européen de blé.
En savoir plus :
- Les autres articles dans la catégorie « agriculture ».
- Les articles sur le rôle des satellites en agriculture et le service d’agriculture de précision (Farmstar)
- Les articles sur la sécheresse du printemps 2011.
- Sur le site de Météo, le bulletin climatique pour l'hiver 2011-2012 et le bilan pour février 2012.