L’île de Pâques vue par le satellite européen Sentinel-2 le 17 mars 2023. Couleurs naturelles.
Cliquer ici pour voir l’image en proche infrarouge mettant en évidence la végétation.
Crédit image : Copernicus / ESA / Commission européenne
* J’ai hésité à écrire « L’île de Pâques dans les œufs du satellite ».
Un endroit un peu à l’écart…
Si vous aimez être un peu à l’écart du monde, voici une destination toute trouvée pour le week-end pascal ou les vacances de Pâques : l’île de Pâques, alias Easter Island, Isla de Pascua ou Rapa Nui.
Si c’est juste pour un week-end prolongé et une chasse aux oeufs, je déconseille l’avion et je recommande plutôt un voyage et un survol à bord d’un satellite d’observation pour limiter vos émissions de CO2. Choisissez bien la date pour bénéficier d’un ciel dégagé : je suis remonté un mois en arrière pour trouver une belle image, pratiquement sans nuages, acquise par un des deux satellites Sentinel-2.
L’île de Pâques est un des endroits les plus isolés du monde : l’île habitée la plus proche, Pitcairn, est à plus de 2000 km, Tahiti est à près de 4200 km et les côtés du Chili, dont fait partie l’île de Pâques à 3500 km.
A vol d’oiseau (s’il est en forme olympique), Paris est à 13800 km environ, pas vraiment aux antipodes mais un petit tiers de tour de la Terre tout de même. En avion, depuis Paris, compter de 43 à 55 heures de voyage avec des escales à Madrid et Santiago du Chili. Vraiment, pour le CO2, ce n’est pas top…
Un aéroport pour la navette
Il y a bien un aéroport au sud de l’île : c’est Mataveri International Airport, avec une piste bien visible sur l’extrait de l’image Sentinel-2 montrant la partie sud de l’île. La piste n’est pas aussi longue que celles de l’aéroport de Shigatsé en Chine ou celui d'Ulyanovsk Vostochny en Russie (5000 m) mais elle mesure quand même 3318 mètre de longueur et 45 mètre de largeur, ce qui est respectable pour une île qui fait 23 km dans sa plus grande dimension pour une superficie totale de 164 km2.
Le sud de l’île de Pâques. Extrait de l’image acquise par le satellite européen Sentinel-2
le 17 mars 2023. Couleurs naturelles. Crédit image : Copernicus / ESA / Commission européenne
Depuis l’avion, on voit la mer en approchant de la piste et on voit la mer de l’autre côté au moment où l’avion s’arrête. Pour la petite histoire, Mataveri était un des aéroports de secours pour la navette spatiale américaine, dans le cas de lancements depuis Vandenberg en Californie. Les californiens n’ont jamais vu décoller un space shuttle de la côte ouest des Etats-Unis et aucun habitant de l’île de Pâques n’en a vu atterrir….
Il n’y a pâques des œufs…
En 2010, j’avais publié un quiz avec une image de l’île de Pâques vue par le satellite radar TerraSAR-X en mars 2010.
L’île de Pâques vue par le satellite radar allemand TerraSAR-X le 28 mars 2010.
Crédit Image : DLR / Distribution Airbus DS
Ascension à Pâques
L’image radar met bien en évidence l’origine volcanique île de Pâques, avec trois volcans principaux dont les coulées de lave ont créé la forme triangulaire de l’île : Le Maunga Terevaka, point culminant de l'île, à 507 mètres d'altitude, au centre, Rano Kau dans la pointe sud et Rano Raraku au nord-est.
L’île de pâques est connue pour ses Moaï, les statues monumentales construites par les Rapa Nui. Il y en a environ 900. Depuis 1995, l’île de Pâques est inscrite au Patrimoine mondial de l'Humanité par l'UNESCO.
Même en zoomant, vous ne verrez pas les Moaï sur l’image Sentinel-2 : la résolution (10 mètres) ne le permet pas. Il faudrait des images provenant des satellites Pléiades ou Pléiades Neo pour distinguer l’emprise des statues géantes. Je n'en ai pas sous la main.
Par contre, en cherchant un peu, vous pourrez peut-être localiser quelques « Ahu », les grandes plateformes de pierre volcanique sur lesquelles sont alignées les statues, par exemple l’Ahu Tongariki dans la partie est de l’île, un des plus impressionnants, au bord de la baie d'Hotuiti, à à proximité du volcan Rano Raraku dont les flancs abritent la carrière de Moaï.
La pointe occidentale de l’île de Pâques. Extrait de l’image acquise par le satellite européen Sentinel-2
le 17 mars 2023. Couleurs naturelles. Crédit image : Copernicus / ESA / Commission européenne
Quand la théorie de l’effondrement s’effondre…
Dans l’article de 2010, je citais le livre de l’historien, géographe et biologiste américain Jared Diamond : « Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie » (Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed) qui défend la théorie de l’écocide pour expliquer le déclin environnemental et la disparition de la civilisation pascuane. « Le meilleur exemple d’une société qui se détruit par la surexploitation de ses propres ressources », écrit Jared Diamond.
Une étude plus récente (2015) remet en question la théorie de l’effondrement : la déforestation et la croissance démographique incontrôlée ne sont pas les seules responsables de la disparition de la population de l’île de Pâques à la fin du 17ème siècle.
Selon les auteurs de l’article paru dans la revue américaine PNAS, un certain déclin touchait certes déjà les habitants de Rapa Nui au moment de l’arrivée des Européens au 18ème siècle, mais les autochtones n’en seraient pas directement responsables. Des contraintes environnementales ont également lourdement pesé.
Que s’est-il passé chez œufs ?
En analysant des outils d’obsidienne recueillis dans différentes régions de l’île, ils constatent une baisse de la productivité dans certains sites montagneux ou littoraux entre 1250 et 1650 (avant l’arrivée des Européens).
Mais cette productivité augmente ou diminue dans les mêmes proportions dans plusieurs autres régions après la rencontre avec les européens : « Les difficultés causées par la raréfaction des précipitations et la pauvreté des sols n’étaient pas caractéristiques de l'ensemble de l'île et donc que la population n’a pas connu de stress économique dans toutes les régions. Les populations de l’Île de Pâques ont plutôt lutté avec succès contre les obstacles environnementaux naturels, qu’elles n’ont dégradé leur environnement ».
Plutôt que d’un « écocide », les Rapanuis auraient été victimes du choc de la colonisation, comme d’autres peuples du Pacifique et des Amériques : massacres par les colons, esclavage et déportation (notamment au Pérou) ou encore épidémies auxquelles les autochtones n’avaient jamais été confrontés.
En savoir plus :
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre, l’article sur l’île de Pâques publié en 2010.
- « Les derniers secrets de l’île de Pâques », un article paru dans la revue Geo en mai 2017.
- « L'effondrement de l'Île de Pâques est remis en question », un article de la revue Sciences et Avenir paru en janvier 2015.
- “Variation in Rapa Nui (Easter Island) land use indicates production and population peaks prior to European contact”, l’article de Christopher M. Stevenson, Cedric O. Puleston, Peter M. Vitousek, Oliver A. Chadwick, Sonia Haoa et Thegn N. Ladefoged paru en 2015 dans la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).