Pour sa dernière mission STS-133, la navette Discovery s'est amarrée samedi à 19h14 UTC à la Station spatiale internationale (ISS). Après quelques photos prises à partir de l’ISS pour vérifier l’état du bouclier thermique de Discovery, le commandant de bord, Steve W. Lindsey, a piloté l’approche finale et l’arrimage de la navette, à une vitesse de trois centimètres par seconde alors que les deux satellites tournent autour de la Terre à plus de 28000 kilomètres par heure.
Sur son site Internet, la NASA confirme que le sas de communication entre l’ISS et Discovery a été ouvert à 21h16 UTC après vérification de l’étanchéité.
Discovery et son équipage livrent le module Leonardo qui complétera l’ISS avec un espace pressurisé supplémentaire. Plus étonnant, le shuttle amène également Robonaut 2 ou R2, un robot humanoïde de 150 kg et 1 mètre de haute, chargé d'aider les occupants de l’ISS.
C’est la première fois, et peut-être la dernière, qu’il y a autant de vaisseaux spatiaux amarrés à l’ISS en même temps : Discovery, l’ATV-2 Johannes Kepler, le cargo japonais HTV-2, un Progress russe et la capsule Soyouz.
Retour en quelques images spectaculaires sur une semaine chargée…
Jeudi 24 février 2011 à 15h59 UTC : amarrage du cargo automatique ATV2 « Johannes Kepler » à la Station Spatiale Internationale
Le véhicule de transfert automaique européen ATV-2 Johannes Kepler quelques secondes avant
l'amarrage (docking) au module Zvezda de la station spatiale internationale (ISS). Les quatres
panneaux solaires sont déployés. En arrière plan à droite, la Lune...
Photographie prise depuis l'ISS. Crédit image : ESA / NASA
L'amarrage totalement automatique, mais surveillé attentivement par les équipes du centre de contrôle ATV-CC au CNES à Toulouse et par les astronautes de l'ISS, a parfaitement réussi : les crochets de l'ATV-2 Johannes Kepler se sont fermés à 17h11 (heure de Paris). Un fois le sas ouvert, l'ATV-2 est devenu un module temporaire de l’ISS.
Jeudi 24 février 2011 : lancement de la navette spatiale Discovery à partir du pas de tir 39A du centre spatial Kennedy (KSC), en Floride
A 21h53 UTC (soit 16h53 en heure locale), la navelle Discovery (mission STS-133) décolle pour sa dernière mission. Elle attendait son tour et la confirmation de l'arrimage de l'ATV-2. Ce 39ème vol de la navette Discovery était initialement prévu en novembre mais une fuite d'hydrogène dans le système de remplissage du réservoir externe à quelques heures de la mise à feu des moteurs puis la présence de fissures dans des arceaux en aluminium du réservoir avaient entraîné des report successifs. Deux derniers lancements de navette, Endeavour (STS-134) en avril et Atlantis (STS-135) fin juin, mettront un terme à une aventure spatiale démarrée le 12 avril 1981.
Décollage du space shuttle Discovery à partir de l'aire de lancement 39A au Kennedy Space Center
en Floride. La photographie en champ large permet de voir l'environnement et les marais qui
entourent le KSC. Crédit image : NASA
Décollage du space shuttle Discovery à partir de l'aire de lancement 39A au Kennedy Space Center
en Floride. A bord, l'équipage est constitué de Steve Lindsey (commandant), Eric Boe (pilote),
Steve Bowen, Alvin Drew, Michael Barratt and Nicole Stott (spécialistes mission). Ils emmènent
le robot R2 et le module Leonardo.Crédit image : NASA
Avant ce 39ème vol, Discovery, lancée pour pour la première fois en août 1984, avait déjà plusieurs records à son actif : 352 jours en orbite, 246 astronautes transportés, première femme pilote, l'astronaute le plus âgé, John Glenn, le premier américain mis en orbite en février 1962 à bord de la capsule Mercury "Friendship 7", etc.
Samedi 26 février 2011 à 19h14 UTC : amarrage de la navette spatiale Discovery
Discovery s'est amarrée à la Station spatiale internationale (ISS) après deux jours de vol. L'amarrage a eu lieu à environ 350 kilomètres au-dessus de l'Australie.
La navette Discovery amarrée à la station spatiale internationale. La soute est ouverte et permet
de voir le module Leonardo . Crédit image : NASA
Leonardo est un module polyvalent construit par Thalès Alenia Space pour l'Agence Spatiale Italienne(Multi-Purpose Logistics Module également connu sur l'acronyme MPLM). Destinés initialement à transporter du fret vers l'ISS. Trois modules ont été construits : Leonardo, Raphaël et Donatello. Leonardo a déjà fait l'aller-retour entre la Terre et l'ISS. Avec l'arrêt des vols du space shuttle, il a été décidé d'en faire un élément à part entière de l'ISS.
L'Europe enverra un troisième ATV vers l'ISS dans les 12 mois à venir. Il est déjà baptisé du nom du physicien italien Edoardo Amaldi (1908-1989). Deux autres exemplaires suivront d'ici 2014.
Entre souvenirs de la guerre froide et pragmatisme technologique : les vaisseaux spatiaux ont-ils un sexe ?
Depuis mars 1966 et le premier rendez-vous entre la capsule Gemini 8, pilotée par Neil Armstrong et Dave Scott, et une fusée Agena qui servait de cible, l’arrimage entre deux vaisseaux spatiaux a toujours été un facteur clé du succès des missions spatiales complexes.
A ce sujet, jacques Villain rapporte une anecdote dans son livre « Dans les coulisses de la conquête spatiale » (éditions Cépaduès). Hugo Boris en donne également une version romancée dans « Je n’ai pas dansé depuis longtemps » où le héros Yvan est inspiré de l’histoire de Sergueï Krikalev, l'unique cosmonaute ayant changé de nationalité en cours de vol au moment de la dissolution de l’URSS.
En 1975, l’arrimage entre un vaisseau Apollo et un Soyouz (connu sous le nom ASTP pour « Apollo Soyouz Test Project ») devait symboliser le nouvel esprit de coopération entre américains et soviétiques. La préparation de ce rendez-vous en orbite supposait de régler de nombreux problèmes techniques. Néanmoins, la question qui demanda le plus d’efforts et mobilisa mêmes des juristes et diplomates portaient sur les pièces d’arrimage de chacun des vaisseaux. Qui aurait la pièce mâle ? Qui aurait la partie femelle ? Question d’amour propre pour l’URSS qui avait mis Spoutnik en orbite et envoyé le premier homme dans l’espace et pour les Etats-Unis dont les astronautes avaient marché sur la Lune.
Cette question de sexe dans l’espace fut finalement réglée en concevant un dispositif de jonction bisexué, avec une forme symétrique ou androgyne, évitant que l’un ou l’autre pays ne se trouve en position de dominant.
Préparatifs du projet ASTP : des ingénieurs américains et sovétiques examinent le module de docking
pendant un test de compatibilité effectué au Johnson Space Center. Crédit image : NASA.
Le système de docking utilisé pour le projet de rendez-vous Apollo - Soyouz. Extrait de l'accord entre
l'URSS et les USA signé à Moscou le 24 mai 1972. Crédit image : NASA.
On retrouve le descendant de ce système de jonction pour l’amarrage de la navette spatiale à l’ISS alors que les vaisseaux russes Soyouz ou Progress utilisent le système « mâle – femelle » conçu par les soviétiques. La technologie russe, connue sous le nom « Probe and drogue » (sonde et crochet) est également utilisée pour le cargo européen ATV.
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A gauche, à l’intérieur de l’ISS, le cosmonaute russe Serguei Krikalev tient l’adaptateur d’amarrage du
Soyouz : après l’amarrage, le sas est ouvert et le dispositif de « docking » est rangé jusqu’à ce qu’il serve
à nouveau. A droite, en juin 2010, le vaisseau Soyouz TMA-19 qui change de position sur la station
spatiale internationale. Crédit image : NASA.
Sur l’ISS, il y a cinq ports de « docking » actifs, quatre « mâle – femelle » pour les vaisseaux Soyouz et Progress dont un est compatible avec le cargo européen ATV et un cinquième, androgyne ou bisexué, pour le space shuttle. La navette américaine doit donc toujours s’amarrer au même endroit. Plusieurs autres ports de plus grande taille sont prévus pour l’accostage des modules HTV, MPLM (comme Leonardo) et les autres modules permanents de l’ISS. En russe, « soyouz » signifie « union »…
Gros plan sur le système d’accouplement de la navette spatiale juste avant l’arrimage avec la
station spatiale internationale. Crédit image : NASA
Sur cette image de la navette Atlantis (mission STS-71) prise en juin 1995 avec les portes de la soute ouvertes, on distingue le module Spacelab de l’ESA et le port de « docking ». La mission STS-71 a effectué le premier arrimage avec la station spatiale russe MIR. Crédit image : NASA
En savoir plus :
- Sur le site Capcomespace, un dossier complet sur les systèmes de docking de l’ISS.
- Sur le site Russianspaceweb, un dossier technique sur les vaisseaux Soyouz.
- Sur le site Airspacemag, un article sur la procédure de docking entre les vaisseaux Soyouz et l'ISS.
- Sur le site de la NASA, les pages sur l'histoire du projet ASTP (Apollo - Soyuz Test Project) et la galerie de photographies.
- « Dans les coulisses de la conquête spatiale », Jacques Villain, éditions Cépaduès.
- « Je n’ai pas dansé depuis longtemps », Hugo Boris.
- Sur le blog, un autre regard sur la Terre, un article sur la station MIR.
- Concernant l'histoire spatiale en France et en particulier les premières années du CNES, je recommande le site "Nos Premières années dans l'espace", animé par Michel Taillade, très riche avec de nombreux témoignages et documents
Suggestions d'utilisations pédagogiques en classe :
2011 est une année particulièrement adaptée à un travail sur l'histoire de l'aventure spatiale avec au moins trois opportunités :
- En avril, les 50 ans du premier homme dans l'espace, Youri Gagarine, qui a effectué une orbite autour de la Terre (12 avril 1961),
- En décembre, les 50 ans du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) créé par la loi n°61-1382 du 19 décembre 1961),
- et, dans le domaine de l'observation de la Terre, les 25 ans du lancement du premier satellite Spot (lancement le 22 février 1986). Nous aurons l'occasion d'en reparler : ce sera un des thèmes de la Novela 2011 à Toulouse.