Au Nigéria, images de Baga prises le 2 et le 7 janvier 2015 par les satellites GeoEye-1
et Worlview-2 avant et après l’attaque de Boko Haram. L’image dans le canal proche infra-rouge
met en évidence les dégâts des incendies. La haute résolution permet d’identifier
les habitations détruites. Crédit image : Digital Globe
Entre le 7 et le 10 janvier 2015, les français assistaient presqu’en direct à l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo et aux deux prises d’otages. La couverture de ces évènements montrait une fois de plus l’efficacité des chaînes d’information en continu mais aussi leurs excès.
Au nord du Nigeria, au bord du lac Tchad, pratiquement la même semaine, un autre massacre s’est déroulé loin des caméras et des journalistes : l’attaque de Baga par le groupe islamiste Boko Haram. Dans cette région isolée, à 160 kilomètres de Maiduguri, la capitale de l‘état de Borno, aucun journaliste de BFMTV n’était présent pour téléphoner aux terroristes…
Avant l’arrivée des envoyés spéciaux sur place, ce sont des images provenant de satellites d’observation qui ont d’abord donné une idée de l’ampleur du massacre, un des plus meurtriers à ce jour. La tuerie a commencé le 3 janvier. Une nouvelle série d’attaques, à partir de pick-up, de petits camions et de motos, était lancée entre le 7 et le 8 janvier. Certains véhicules sont visibles sur les images.
Au Nigéria, images de Doro Baga (Doro Gowon) prises le 2 et le 7 janvier 2015 par les satellites
GeoEye-1 et Worlview-2 avant et après l’attaque de Boko Haram. Crédit image : Digital Globe
« L’acte le plus meurtrier d’une série d’attaques de plus en plus atroces menées par le groupe Boko Haram » (Amnesty International)
L’ONG Amnesty International a rapidement publié sur son site des images fournies par la société Digital Globe. C’est à partir de ces images qu’Amnesty International a évalué les conséquences de l’attaque.
Difficile de savoir précisément combien de personnes ont été tuées à Baga, à Doron Baga et dans les villages de pêcheurs des environs. L'ONG évoque le chiffre de 2 000 morts.
Plus de 3 700 habitations ont été partiellement ou complètement détruites (620 à Baga et 3 100 à Doron Baga), 16 villages incendiés. Des milliers de personnes ont tenté de prendre la fuite sur la lac Tchad à bord de bateaux et de pirogues.
A Baga, la base de la MNJTF (Multinational Joint Task Force, force multinationale conjointe), occupée uniquement par des soldats nigérians, n’a pas pu résister aux assaillants, qui défient ainsi les pays voisins du Nigéria.
J’ai déjà publié à plusieurs reprises des images utilisant le canal proche infra-rouge qui est un très bon indicateur de l’activité chlorophyllienne. Elles sont souvent utilisées pour estimer le stress hydrique de la végétation ou cartographies les zones parcourues par les feux de forêts. Dans ce type de présentation des images, la couleur rouge représente la végétation en bonne santé. L’image du 7 janvier montre que pratiquement tout a été brûlé…
Les deux images de Doro Baga (Doro Gowon) prises le 2 et le 7 janvier 2015.
Crédit image : Digital Globe
C’est la première fois sur le blog Un autre regard sur la Terre que l’état de la végétation témoigne de la violence volontaire exercée contre des populations civiles. Dans l’image photo-interprétée suivante, les points jaunes représentent les habitations détruites ou endommagées.
Au Nigéria, cartographie des habitations et bâtiments détruits ou endommagés à Baga, après
l’attaque de Boko Haram. Analyse réalisée sur l’image prise le 7 janvier 2015.
En bas vue d’ensemble des destructions à Baga et Doro Baga. Crédit image : Digital Globe
Les images qui illustrent cet article ont été prises le 2 et le 7 janvier 2015, avant et après l’attaque de Boko Haram. Les images du 2 janvier proviennent du satellite GeoEye-1. Celles du 7 janvier ont été prises par WorldView-2.
Des nombreuses petites embarcations, visibles sur la rive du lac Tchad sur l’image du 2 janvier, n’apparaissent plus sur l’image du 7 janvier : cela confirme la tentative de fuite des habitants.
La rive du lac Tchad vu le 2 et le 7 janvier 2015. Les embarcations visibles le 2 janvier
ont disparu le 7 janvier. Crédit image : Digital Globe
Depuis la publication de ces images, des témoignages effrayants, recueillis sur place, confirment malheureusement ce que les images satellites laissaient entrevoir.
Le rôle des satellites d’observation
Comme dans le cas de catastrophes naturelles majeures, de conflits internes à un pays ou de crises humanitaires, cet exemple confirme une fois de plus le rôle que peuvent jouer les satellites d’observation pour évaluer rapidement la réalité d’une situation, quand il n’est pas possible ou trop dangereux de se rendre sur place. Les satellites contribuent aussi à remettre parfois en cause les bilans officiels : au Nigéria, les autorités ont affirmé que les attaques de Boko Haram n’avaient pas fait plus de 150 victimes (sic)…
En savoir plus :
- Un article sur le site du Monde diplomatique.
- Sur le site d’Amnesty International, la page sur l’attaque de Baga avec les images satellites.
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie sécurité et défense.
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie espace et catastrophes majeures.