La fusée Ariane 5 sur son aire de lancement à Kourou, avec le cargo ATV-2 dans sa coiffe
Crédit image : ESA - CNES - ARIANESPACE/Photo Optique Vidéo CSG, 2011
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Après le premier ATV Jules Verne en mars 2008, la fusée Ariane 5 devait lancer mardi 15 au soir le cargo ATV-2 « Johannes Kepler » construit par Astrium. Un doute sur une mesure de remplissage du réservoir d'oxygène liquide de la fusée Ariane a entraîné un report de lancement de 24 heures. Un lancement très symbolique puisque ce sera le 200ème départ d’une fusée Ariane depuis le centre spatial Guyanais, avec le 56ème vol d’une fusée Ariane 5 et une série record de 41 succès d’affilée.
Rendez-vous pour le lancement le mercredi 16 février à 22h50 (soit 21H50 UTC), puis nouveau rendez-vous pour le rendez-vous avec l'ISS dans quelques jours.
Un cargo sans créneau
L’ATV Johannes Kepler, c’est un véhicule autonome de vingt tonnes, la charge utile la plus importante jamais emportée par Ariane, avec 7,1 tonnes de fret dont 4,6 tonnes de carburant. Dans quelques jours, après le rendez-vous automatique avec la station spatiale internationale (ISS), ce carburant servira à « pousser » la station pour la remonter de 360 kilomètres à 400 kilomètres d’altitude.
Le rendez-vous avec l'ISS implique de faire coïncider les deux orbites, y compris leurs plans orbitaux, c'est ce qui explique qu'il n'y pas de marge de manoeuvre pour l'heure de lancement : si la phase automatique du compte-à-rebours est interrompue, une nouvelle tentative de lancement ne peut pas se faire immédiatement : il n'y a pas de créneau de lancement... Cela part à l'heure ou cela ne part pas !
Mouvement des satellites et des planètes : un jeu de lois
Il y avait longtemps que je cherchais un prétexte pour aborder les lois de Kepler. La mise sur orbite de Johannes Kepler, une sorte de retour aux sources, est une excellente occasion. Cela ne peut « Kepler » aux lecteurs du blog Un autre regard sur la Terre. Une fois en orbite, les satellites se déplacent seuls, sans moteur, sans consommer d'autre énergie que celle qui est nécessaire au bon fonctionnement des instruments de bord ainsi que pour les corrections de trajectoire et d'altitude.Un satellite en orbite, c’est un objet en chute libre, uniquement soumis à l’attraction terrestre. |
Pour cette raison, le mouvement des satellites autour de la Terre et des planètes autour du soleil suit les lois de Kepler. La détermination par Kepler de l'orbite des planètes autour du Soleil est une des plus grandes découvertes expérimentales dans l’histoire des sciences. Kepler énonça les trois lois essentielles qui portent son nom.
Première loi de Kepler : la loi des orbites
Un satellite décrit une orbite en forme d'ellipse autour de la Terre qui occupe un foyer de cette ellipse. Les planètes décrivent une trajectoire elliptique dont le Soleil occupe un foyer. Pour un satellite, le périgée est le point où il est le plus proche de la Terre. L’apogée celui où le satellite est le plus éloigné de la Terre. Lorsque les deux foyers se rapprochent, l’ellipse s’arrondit jusqu’à devenir un cercle.
En observation de la Terre, on aime bien les orbites circulaires : chaque image est prise à la même distance de la Terre.
Illustration de la première loi de Kepler - Crédit image : Gédéon
Certaines missions utilisent des orbites elliptiques : les satellites de télécommunications russes Molnya ont un périgée entre 400 et 600 km et un apogée à 40000 km dans l'hémisphère nord pour rester le plus longtemps possible au-dessus de la Russie. L'orbite du satellite astronomique XMM est encore plus excentrique, avec un apogée à 120000 km.
Deuxième loi de Kepler : la loi des aires
Une ligne tracée du Soleil (respectivement de la Terre) vers la planète (vers le satellite balaye des aires égales en des temps égaux. L'ellipse n'est pas parcourue à une vitesse linéaire constante par le satellite. Dans un temps donné, c'est la surface balayée par le rayon vecteur joignant le satellite à la Terre qui est constante. En pratique, la vitesse du satellite est plus grande quand il est proche de son périgée que lorsqu'il est à son apogée.
Plus un satellite est proche de la Terre, plus il va vite. Plus il est éloigné, plus il va lentement. Cette vitesse est indépendante de la masse du satellite. Sur une orbite donnée, sans aucune intervention sur le satellite, vitesse et distance à la Terre varient en sens inverse.
Illustration de la seconde loi de Kepler - Crédit image : Gédéon
Troisième loi de Kepler : la loi des révolutions
Il existe une relation mathématique entre la période de révolution (T) d’un satellite et la distance du satellite au centre de l’ellipse (a). Cette relation ne dépend pas de la masse du satellite.
Le carré de la période de révolution d’une planète autour du Soleil ou d’un satellite autour de la Terre est proportionnel au cube du demi-axe principal de l’ellipse : en clair, le rapport T2/a3 est une constante.
Par exemple, à 900 km d’altitude, un satellite en orbite circulaire effectue une révolution en 102 minutes. Sur une orbite équatoriale circulaire à 35786 km d’altitude, le période est de 24 heures : le satellite paraît immobile à un observateur sur Terre.
Les manoeuvres en orbite
Contrairement à ce que les films d'action ou de science-fiction laissent parfois penser, un satellite, sur son orbite, ne peut ni faire demi-tour, ni s’immobiliser, ni encore changer facilement de plan orbital.
Pour manœuvrer en orbite et modifier la trajectoire imposée par la force de gravitation, on utilise un propulseur pour fournir une poussée dont la direction et l’intensité sont soigneusement dosées :
- Si on accélère le satellite sur son orbite circulaire, la trajectoire s’allonge, l’altitude augmente et la vitesse décroît sur la nouvelle orbite. Un moteur, accélérant un satellite à son apogée, permet de l’amener sur une orbite géostationnaire à 35786 km d’altitude, alors que la fusée l’avait amené sur une orbite provisoire très elliptique avec un périgée à 200 km d’altitude.
- Si on freine le satellite avec une rétro-fusée, le satellite se rapproche de la Terre et sa vitesse augmente. C’est ainsi que les vaisseaux spatiaux quittent leur orbite pour retrouver la terre ferme.
Rendez-vous spatial, à toute vitesse !
C’est également à l’aide d’une série de manœuvres avec des impulsions précisément calculées que la navette spatiale, les vaisseaux Soyouz, Progress ou l'ATV peuvent rejoindre la station spatiale internationale. Les deux vaisseaux se retrouvent sur la même orbite à 400 km d’altitude, chacun ayant une vitesse d’environ 28.000 km/h, mais se rapprochant l’un de l’autre à quelques centimètres par seconde.
En 2008, un superbe rendez-vous avec Jules Verne, le premier ATV. Crédit image : ESA
En savoir plus :
- Pour voir le lancement de l'ATV à la TV, aller sur le site dailymotion mis en place par le CNES ou celui de l'ESA.
- Un site pour suivre les trajectoires de l'ISS et de l'ATV en temps réel.
- Sur le site du CNES, le blog du centre de contrôle de l'ATV (ATV-CC).
Suggestions d'utilisations pédagogiques en classe :
- Bien sûr, toutes les applications des lois de Kepler : vitesse d'un satellite en fonction de l'altitude, les manoeuvre pour les changements d'orbites, les orbites de transfert géostationnaire, les rendez-vous...