Les satellites mis en orbite en 2019 : un résumé en quatre nombres.
Infographie : Gédéon. Image de fond : pose longue prise au cours d’un passage
de satellites de la constellation Starlink, une des faits marquants de l’année 2019
Après la synthèse des lancements orbitaux publiés en tout début d’année, voici enfin la seconde partie de mon bilan de l’année spatiale 2019. Mieux vaut tard que jamais ! J’ai profité des dernières vacances pour rattraper un peu de retard sur ce blog.
Cette synthèse porte sur les satellites mis en orbite au cours de l’année 2019 : nombre de satellites, masse satellisée, pays propriétaires, missions principales, orbites… Un regard très complémentaire de celui sur les lancements.
2019 en orbite : quatre nombres pour résumer
En chiffres, j’ai compté 580 satellites mis en orbite avec succès en 2019. 441 ont été mis en orbite par une fusée (contre 413 en 2018 et 370 en 2017) et 139 lâchés (« released ») à partir de l’ISS, un cargo ou un autre satellite (31 en 2018 et 82 en 2017). Remarque importante : 104 satellites minuscules, les « Sprite », avec une masse de quelques grammes, ont été éjectés à partir d’un cubesat. Si on exclut ce cas très particulier, on retrouve des chiffres comparables à 2018 pour les satellites « lâchés » par un objet déjà en orbite.
J’estime que la masse totale satellisée en 2019 est de 395 tonnes, avec à nouveau une grande disparité de masses, de quelques grammes à plus de 16 tonnes. La masse moyenne continue à baisser : 681 kg (contre 812 kg en 2018). A nouveau, la moyenne est à considérer avec précaution, compte-tenu de la multitude de satellites minuscules.
Les télécommunications sont la mission principale avec 189 satellites lancés en 2019, avec une mention spéciale pour le déploiement de la constellation Starlink d’Elon Musk. Les deux autres missions opérationnelles principales sont l’observation de la Terre (75 satellites) et la navigation (16 satellites). Il y a eu aussi 216 petits satellites (dont les 104 Sprite) destinés à valider des technologies ou des concepts de futures missions. Cela inclut également des satellites à vocation éducative.
Les couleurs du drapeau
41 pays possèdent au moins un satellite mis en orbite en 2019 mais 16 pays dans le monde possèdent 93% des satellites lancés (plus de 98% en masse). Les Etats-Unis, la Chine et la Russie possèdent à eux seuls 82% de tous les satellites mis en orbite en 2019.
Satellites 2019 : un tour en orbite avec les masses, les orbites, les clients et les missions
Infographie Gédéon. Image de fond : quelques missions spatiales de l’année 2019.
Les images ne sont pas à l’échelle.
2019 en orbite : encore des chiffres
En nombre de satellites, il y a pratiquement parité entre les satellites commerciaux (48%) et les satellites institutionnels ou militaires (52%). C’est un peu moins équilibré si on regarde la masse totale satellisée, respectivement 32% (commercial) et 68% (institutionnel et militaire) de la masse totale.
72 satellites ont une masse supérieure à une tonne (81 en 2018) et correspondent à 85% de la masse totale satellisée…
Il y a aussi du très petit, avec 274 satellites de moins de 10 kg (215 en 2018), une augmentation à relativiser si on prend en compte les 104 minuscules satellites Sprite, une sorte de « constellation locale ».
Globalement, la masse de l’ensemble des satellites de moins de 10 kg mis en orbite en 2019 représenté moins de 0,2% de la masse totale satellisée.
C’est l’orbite basse (LEO pour Low Eath Orbit) qui est de loin la plus populaire en termes de satellites lancés avec 531 satellites (plus de 91% du total) et 58% de la masse totale satellisée.
En pratique, dans les graphiques présentés ici, je sépare volontairement orbite « LEO » et orbite « ISS », cette dernière correspondant aux vols habités vers l’ISS, aux missions de ravitaillement et à plein de petits satellites qui font de l’autostop pour embarquer à bord des 15 gros vaisseaux lancés vers la station spatiale internationale.
En 2019, il y a eu seulement 3 vols habités mais un total de 15 gros vaisseaux ou cargos pour une masse totale que j’estime à 132 tonnes (plus de 33% du total). C’est ici qu’on à les plus gros bébés avec une masse moyenne de 8245 kg. Cette masse moyenne chute à 805 kg si on prend en compte les petits satellites de moins de 10 kg.
En dehors des missions vers l’ISS, la masse moyenne en orbite basse est de 261 kg (395 kg si on exclut les satellites de moins de 10 kg).
Avec 24 lancements et seulement 31 satellites mis en orbite, les orbites géostationnaires ou géosynchrones continuent à « faire le poids » : plus de 141 tonnes paraissent immobiles autour de la Terre, soit près de 36% de la masse satellisée en 2019. La masse moyenne est de 4559 kg.
En quelques chiffres, le bilan des satellites mis en orbite en 2019 : nombre, masse, orbites,
missions, couleur de la carrosserie (euh non, pas cette année), etc. Infographie : Gédéon
Pour être complet, il faut ajouter 13 satellites en orbite moyenne (MEO) correspondant au déploiement des constellations de navigation (6 Beidou, 2 GLONASS et 1 satellite GPS) et de communication (4 satellites de la constellation O3b), avec une masse moyenne de 1186 kg.
Enfin, dans les orbites plus exotiques, il y a trois missions scientifiques dont deux vers la lune, Beresheet (Israël) et Chandrayaan-2 (Inde) et Spektr-RG, une mission d’astronomie dans le domaine des rayons X (Russie). Il y a eu également deux satellites russes sur des orbites très elliptiques (Meridian-M No. 18L et Kosmos-2541) : ces orbites dites Molnyia permettent aux satellites de survoler plus longtemps les régions septentrionales, moins bien couvertes par l’orbite géostationnaire. Pratique pour les communications ou l’alerte avancée (détection de départs de missiles balistiques).
Satellites mis en orbite en 2019 : types de clients et orbites visées (en % du nombre total).
Infographie : Gédéon
Des kilos pour faire le poids en impesanteur…
Les figures suivantes donnent quelques détails sur la répartition des satellites lancés en 2019 par catégorie de masse. Parmi les chiffres clés, on peut retenir également :
- 52 satellites (9% du total) ont une masse comprise entre 10 kg et 100 kg pour un total d’environ 3 tonnes en orbite (0,8% du total).
- 177 satellites (31,4% du total) ont une masse comprise en 100 kg et 1000 kg pour un total de 56,28 tonnes (14,25% de la masse totale satellisée). La masse moyenne chute à 318 kg. C’est l’impact direct du démarrage du déploiement des satellites Starlink de SpaceX.
Bilan des satellites 2019. Nombre de satellites mis en orbite et masse
satellisée par gamme de masse. Infographie : Gédéon
Le graphique suivant détaille l’orbite basse. Je sépare volontairement l’orbite ISS (vols habités et missions de ravitaillement) et je ne fais pas apparaître les satellites de moins de 10 kilogrammes pour améliorer la lisibilité.
Bilan des satellites 2019. Nombre de satellites mis en orbite basse et masse
satellisée par gamme de masse. Les satellites de moins de 10 kg n’apparaissent pas.
Infographie : Gédéon
En zoomant sur la gamme de 10 à 500 kg, on note la nette progression de la gamme de 200 à 300 kg, qui correspond notamment à la catégorie Starlink. On peut certainement prédire l'émergence du nouveau "Sweet Spot" dans cette catégorie de masse. En dessous (entre 50 et 100 kg et entre 100 et 200 kg), il faudra attendre un peu pour vérifier si un autre pic apparaît...
Bilan des satellites 2019. Nombre de satellites mis en orbite basse et masse
satellisée par gamme de masse. Détails pour les catégories de 10 à 500 kg..
Infographie : Gédéon
A l’exception des quinze missions vers l’ISS (avec, comme en 2018, une masse record de 16,5 tonnes pour le cargo japonais HTV Kounotori 8 suivi de la première mission Starliner, une démonstration moyennement réussie, avec 13 tonnes), les plus gros satellites lancés en orbite basse sont surtout des missions institutionnelles ou militaires pour la météorologie et le climat (Meteor-M N° 2-2, Yunhai-1 02 xing) l’observation de la Terre (Gaofen 7, Gaofen 12, Radarsat Constellation Mission, Cosmo-Skymed seconde génération) ou la reconnaissance (le très gros bébé NROL 71 – USA 290).
Bilan des satellites 2019. Nombre de satellites mis en orbite en orbites géostationnaire et
géosynchrone et masse satellisée par gamme de masse. Infographie : Gédéon
En 2019, les satellites mis en orbite géostationnaires restent aussi de beaux bébés, à deux exceptions près (moins de 100 kg), avec les deux missions de surveillance de l’espace (Space Situational Awareness) S5 et TDO pour l’US Air Force.
Mais pour l'essentiel, l’application reine en orbite géostationnaire reste les télécommunications (23 satellites dont 14 commerciaux) avec une masse moyenne d’environ 5185 kg (en hausse de près de 12% par rapport à 2018). C’est la part importante de gros satellites militaires (WGS 10 alias USA-291, AEHF 5 alias USA-292 et TIBA-1 pour l’Egypte et de gros satellites commerciaux (Intelsat IS-39, Arabsat 6A, ATT T-16, AMOS 17 ou KCSat 18 / Kaficic 1, Hellas-Sat Saudi Arabia) qui explique cette hausse.
Toujours en en orbite géostationnaire ou géosynchrone, il n’y a eu en 2019 qu’un seul satellite de météorologie (Elekro-L N°3 pour la Russie)), quatre satellites de navigation (tous chinois) et, une première, la mission d’extension de vie MEV-1 fabriquée par Northrop Grumman.
Small is beautiful, very small is very beautiful: des satellites plus petits que des debris…
J’inaugure cette année un nouveau tableau pour illustrer la diversité des formats des tout petits satellites, ceux d’une masse inférieure à 10 kg, qui remplissent trois grandes catégories de missions : les satellites éducatifs, les démonstrateurs technologiques ou des précurseurs et, en constellation, des missions opérationnelles, par exemple observation de la Terre pour la société Planet (32 satellites lancés en 2019) ou mesure AIS et radio-occultation pour Spire (16 satellites mis en orbite).
On retrouve évidemment le jeu de cubes des cubesats avec surtout les formats 1U (28 satellites), 3U (88 satellites) et 6U (20 satellites).
Mais, comme pour les prises pour recharger un smartphone, un standard unique, c’est un peu banal… On a donc vu arriver en 2019 le standard Thinsat (avec 3 types) et le format PocketQube (en gros un huitième de 1U). L’apéricube ne perd rien pour attendre…
Une petite curiosité : les 104 satellites Sprite, au format mini-carte de visite mais fonctionnels, « éjectés du satellite 3U Kicksat-2 pour tester des systèmes miniatures de collecte de données ou d’envoi de messages. Evidemment, avec près de 40% du nombre total de satellites de moins de 10 kg, cela biaise un peu les statistiques.
Small is beautiful: les satellites de moins de 10 kilogrammes mis en orbite en 2019.
Infographie : Gédéon
Les pays propriétaires des satellites lancés en 2019
Comme l’an dernier, en complément du classement des pays lanceurs (nombres de satellites et masse totale satellisée), je fais l’inventaire des pays propriétaires de satellites lancés en 2019.
J’ai compté 41 pays qui possèdent au moins un satellite lancé en 2019 (à comparer à 44 en 2018 et 48 en 2017), en incluant tout pays qui possède au moins un cubesat en orbite. La liste raccourcit beaucoup si on prend comme critère les pays possédant plus de 1000 kilogrammes mis en orbite en 2018 : seulement 17 pays (19 en 2018).
Je me suis amusé à faire le classement de premiers pays selon le critère du nombre de satellites en orbite et selon la masse satellisée.
Une précision : je fais apparaître à la fois l’Europe et ses états membres car l’Europe possède ses propres satellites (par exemple les satellites Sentinel du programme Copernicus, les satellites Galileo ou les satellites de l’Agence Spatiale Européenne).
Bilan des satellites lancés en 2019. Nombre de satellite et masse satellisée par pays propriétaire
(toutes masses de satellites). Infographie : Gédéon.
Le classement diffère un peu si on prend en compte uniquement le nombre de satellites de plus de 10 kg.
Bilan des satellites lancés en 2019. Nombre de satellite et masse satellisée par pays propriétaire
pour les satellites de plus de 10 kilogrammes. Infographie : Gédéon.
Ces deux graphiques illustrent la large suprématie américaine selon les critères de propriété des satellites (nombre et masse mise en orbite) : petits ou gros satellites, plus de 38% de la charge utile mise en orbite en 2019 (45% en 2019) appartient aux américains. Il s’agit de satellites gouvernementaux ou appartenant à des opérateurs établis (comme Iridium). C’est aussi aux USA que les startups du spatial restent les plus dynamiques (avec les plus « vieilles » comme Planet ou Spire mais aussi de nouveaux opérateurs qui se lancent (avec des « gabarits » très variables, d’Astro Digital à Starlink).
Les trois premiers pays du classement (USA, Russie et Chine) possèdent plus de 81% des satellites mis en orbite et plus des trois quarts (76,1% de la masse totale satellisée (63,4% en 2018).
Je ne crois pas que l’incertitude de masse concernant les missions militaires affecte le classement des masses satellisées. La question peut se poser à la fois pour la Russie et la Chine qui sont dans un mouchoir de poche en termes de masse totale satellisée (respectivement 76,6 tonnes et 72,9 tonnes soit 5% d’écart). Avec mes estimations de masse, alors que la Chine occupe la première place du podium en nombre de satellites, elle occupe la troisième place derrière la Russie. Par prudence, disons que la Chine et la Russie sont à égalité loin derrière les Etats-Unis.
L’Europe avec ses missions propres (Copernicus, Galileo) pour la Commission européenne, l’ESA ou Eumetsat) occupe la quatorzième place du classement 2019 avec seulement 3 satellites et 3,5 tonnes mis en orbite. Une petite année par rapport à 2018 (9 satellites et 13,7 tonnes en orbite).
Si on regroupe tous les pays européens sous une même bannière, on atteint plus de 27,5 tonnes en orbite (47 tonnes en 2018) et 53 satellites : l’Europe passe alors de la septième à la quatrième place du classement devant le Japon et l’Inde. Envie de plus d'Europe spatiale ?
Quelques précisions sur la méthode de calcul et les marges d’erreur
Comme pour les lancements orbitaux, je m’appuie sur les sources ouvertes et les sites de référence (voir la liste à la fin de cet article) et les contributions d’amateurs éclairés blogueurs ou twittos avec qui j’échange.
La comptabilité des satellites est plus complexe que celle des lanceurs : les lancements sont rarement tenus secrets et on connaît à peu près les caractéristiques des fusées utilisées. Deux éléments rendent l’exercice plus difficile et fastidieux pour l’inventaire des satellites lancés.
D’abord, il y en a beaucoup…. Ensuite, des informations précises sur la masse et la mission ne sont pas toujours publiées. Pour les cubesats, on peut facilement extrapoler si on connaît le format 1U, 3U ou 6U. Pour les satellites militaires, quel que soit le pays, la masse est rarement connue : il faut l’estimer en connaissant la mission, les performances du lanceur ou en analysant des photographies…
L’incertitude sur la masse des missions militaires à mon avis la principale source d’erreur : si j’avais oublié la totalité des cubesats de moins de 10 kilos lancés en 2019, l’impact serait de moins d’une tonne sur le résultat final.
Pour les satellites militaires, il me reste quelques doutes. Je serais heureux de partager et discuter mes estimations avec quelques fans du spatial éclairés. Globalement, j’estime donc que la marge erreur sur mon estimation de la masse satellisée est de l’ordre de 1 à 2% au maximum.
Je précise également que je comptabilise uniquement le « flux montant » d’objets mis effectivement en orbite de manière autonome. Par exemple, je ne compte pas les échecs de mise en orbite, les satellites « stockés » temporairement à bord de la station spatiale internationale (ISS) ou le flux descendant (je ne prends pas en compte les désorbitations ou les rentrées atmosphériques. Cela explique les différences que vous pourrez trouver sur d’autres sites de référence.
En savoir plus…
- Le bilan des lancements orbitaux de l'année 2019.
- Le bilan des lancements orbitaux de l'année 2018 et les statistiques 2018 sur les satellites mis en orbite.
- Le bilan de l'année spatiale 2017 et les statistiques 2017 sur les satellites mis en orbite.
- Le bilan de l'année spatiale 2016.
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie satellites et lancements.