Après la synthèse des lancements en 2017 et alors que l’année 2018 démarre sur les chapeaux de roue, voici mon bilan des satellites mis en orbite pendant l’année écoulée.
Le bilan des satellites mis en orbite en 2017.
Un résumé en quelques chiffres. Infographie : Gédéon
L’année spatiale 2017 dans une coquille de noix (traduction aimablement offerte par Google)
Les chiffres présentés résument l’activité spatiale 2017 et mettent en évidence les évolutions et les tendances dans l’industrie des satellites :
- En 2017, j’ai compté 452 satellites mis en orbite avec succès (453 si on inclut le satellite chinois Asiasat-9, lancé sur une mauvaise orbite mais qui a pu rejoindre l’orbite géostationnaire en utilisant son système de propulsion).
- Par rapport au chiffre présenté dans mon bilan des lancements, il faut ajouter aux satellites mis en orbite directement par une fusée 82 nanosatellites (cubesats) « lâchés » depuis la Station Spatiale Internationale et un par le cargo chinois Tienzhou-1. Les anglo-saxons disent « released ».
- Au total, cela représente une masse satellisée de 381 tonnes. La masse moyenne de 840 kg par satellite cache de fortes disparités, avec des nanosatellites pesant environ 1 kg et un géant de près de 13 tonnes.
- Les 14 vols habités ou cargos ravitailleurs et les 39 satellites à destination de l’orbite géostationnaire représentent 285 tonnes mises en orbite.
- En orbite basse, l’explosion du nombre de tout petits satellites (282 satellites de moins de 10 kg) met en évidence deux tendances : d’une part, l’engouement pour les satellites à but éducatif ou technologique, et d’autre part la montée en puissance des constellations pour des missions opérationnelle (en particulier à l’initiative de sociétés commerciales comme Spire ou Planet).
- Les principales missions opérationnelles restent l’observation de la Terre et les télécommunications. Il n’y a pas eu de grande mission scientifique en 2017 sur des orbites lointaines et peu de satellites de navigation en orbite MEO (7 satellites).
- La suprématie américaine dans les lancements est confirmée par la nationalité des propriétaires (public ou privés) des satellites lancés : 76 satellites de plus de 10 kg représentant 158 tonnes mises en orbite sont américains. 279 si on inclut les satellites de moins de 10 kg…
Nombre de satellites mis en orbite et masse satellisée en 2017
Peu de sites proposent des statistiques sur la masse des satellites lancés. Comme je suis curieux et que j'aime me compliquer la vie, je me suis lancé dans cet exercice difficile depuis le bilan 2016. J’estime que ma marge d’erreur est de l’ordre de 1 à 2% (voir les explications à la fin de ce texte).
Le graphique suivant donne le nombre de satellites et la masse satellisée par gamme de masse. Mes catégories (moins de 10 kg, de 10 à 50 kg, … de 500 à 1000 kg…) ne sont pas totalement arbitraires : elles collent assez bien avec les possibilités offertes par les principales plateformes disponibles dans le monde.
Nombre de satellites et charge utile satellisée en 2017 par gamme de masse :
en tout, 453 satellites de moins d'un kilo à plus de 12 tonnes.
Infographie : Gédéon
Les 282 nanosatellites de moins de 10 kg lancés en 2017 écrasent les autres barres du graphique mais ils ne représentent en réalité que moins de 1200 kg de charge utile, soit environ 0,3% du total.
Ce sont les 128 satellites de plus de 500 kg qui représentent l’essentiel de la masse satellisée en 2017, avec un pic marqué pour les très gros satellites de plus de 5 tonnes.
L’analyse par type d’orbite visée est très intéressante. Le tableau suivant présente le nombre de satellite et la masse satellisée par gamme de masse et type d’orbite.
Nombre de satellites et charge utile satellisée en 2017 par gamme de masse et type d'orbite
(ISS, LEO, MEO, GEO/GTO). Infographie : Gédéon
Masse : un problème sans gravité
Le tableau met en évident le « poids », une expression inappropriée quand on parle de satellites en orbite, des vols habités et des missions de ravitaillement associées : treize missions vers l’ISS (dont 4 vols habités) et une vers la station orbitale chinoise. C’est le cargo ravitailleur chinois Tienzhou-1 qui détient le record de masse unitaire mise en orbite en 2017 avec 12 910 kg.
Les deux graphiques qui suivent donnent les détails pour l’orbite basse et pour l’orbite géostationnaire. J’ai volontairement enlevé les satellites de moins de 10 kg pour faciliter la lecture.
En orbite basse, petits ou gros, les satellites se bousculent au portillon
En orbite basse (LEO pour LowEarthOrbit), hors missions vers la station spatiale internationale, la majorité des satellites sont dans la gamme de 500 à 1000 kg.
Nombre de satellites et masse mis en orbite basse en 2017 :
Directement mis en orbite par une fusée ou "lâchés" depuis la Station Spatiale Internationale,
Malgré le spectaculaire développement des cubesats et des petits satellites, l'essentiel des charges utiles
correspond à des satellites de 500 à 1000 kg. Pour les vols habités et les cargos ravitailleurs de l'ISS
et de la station spatiale chinoise, on joue dans un autre catégorie, de plus de 6 tonnes
à près de 12 tonnes. Infographie : Gédéon
Alors qu’on pense spontanément aux missions d’observation de la Terre, en 2017, ce sont les satellites de télécommunication qui occupent la première place du podium avec 40 satellites (sur les 55 lancés) de 860 kg destinés à la constellation Iridium Next.
Six des dix plus gros satellites, d’une masse supérieure à 1200 kg, sont des satellites militaires américains (4 satellites), russes (1 satellite) ou japonais (1 satellites).
Orbite géostationnaire : en GEO, c'est du lourd !
Mais c’est bien l’orbite géostationnaire qui reste la destination préférée pour les plus gros satellites, assurant notamment des missions de télécommunication ou de météorologie.
Nombre de satellites et masse mis en orbite géostationnaire en 2017 :
satellites de moins de 5000 kg et satellite de plus de 5000 kg.
Infographie : Gédéon
En orbite géostationnaire (GEO), il y a pratiquement autant de satellites de moins de 5 tonnes (21 satellites) que de plus de cinq tonnes (18 satellites). Evidemment la masse totale satellisée n’est pas la même (73 tonnes contre 105 tonnes).
Ces satellites sont d’abord destinés aux missions de télécommunication (33 satellites civils et militaires). Il y a aussi trois satellites japonais Michibiki et 3 satellites militaires d’écoute et d’alerte.
Malgré l’impressionnant résultat de SpaceX en 2017 (18 lancements), Arianespace reste l’opérateur de référence pour l’orbite géostationnaire.
Le développement de la propulsion électrique pour la mise à poste pourrait influencer la masse des satellites de télécommunication mais il n’est pas encore possible de voir une tendance et de savoir si les opérateurs préfèrent réduite la masse de leur satellite ou augmenter la charge utile. A suivre…
A qui appartiennent les satellites lancés en 2017 ?
On retient assez facilement le classement des pays capables de lancer un satellite par leurs propres moyens. En 2017, il y a eu six pays « lanceurs », six grandes puissances spatiales : les USA, la Russie, la Chine, l’Europe (un méta-pays ?), le Japon et l’Inde.
Une autre analyse est rarement proposée : la liste des pays propriétaires des satellites lancés dans l’année. En 2017, elle compte 48 pays, certains n’ayant mis en orbite qu’une masse d’un ou deux kilogrammes...
Je me suis amusé à faire le classement de 15 premiers pays selon le critère de la masse satellisée. Le classement diffère un peu si on compte le nombre de satellites de plus de 10 kg).
Le résultat est assez étonnant :
A qui appartiennent les satellites lancés en 2017 ?
Nombre de satellites et masse satellisée (en tonnes) par pays propriétaire.
Infographie : Gédéon
Ce graphique confirme la suprématie américaine en termes de lancements : selon le critère de propriété des satellites, petits ou gros, plus de 41% de la charge utile mise en orbite en 2017 appartient aux américains. Les cinq premiers pays en possèdent 81,5%.
Il peut sembler étonnant de voir dans les quinze premiers des pays comme le Luxembourg (cinquième place), l’Espagne (septième place) ou le Royaume-Uni (neuvième place). C’est là où sont installés les sièges de grands opérateurs comme SES, Hispasat ou Inmarsat.
La France occupe la seizième place avec le satellite Eutelsat-172B lancé par Eutelsat, pratiquement à égalité, à quelques kilogrammes près avec l’Indonésie.
L’Europe avec ses missions propres (Copernicus, Galileo, Météorologie opérationnelle) pour la Commission européenne, l’ESA ou Eumetsat occupe la treizième place avec 4,8 tonnes en orbite.
Si on regroupe tous les pays européens sous une même bannière, on atteint plus de 46 tonnes en orbite et 42 satellites de plus de dix kilogrammes : l’Europe passe alors à la quatrième place derrière la Chine.
L'explosion des nanosats et le développement des constellations opérationnelles
Un évènement notable en 2017 est la confirmation de la montée en puissance des constellations. J'ai déjà mentionné le cas de l’opérateur Iridium, avec 40 nouveaux satellites Iridium Next (chaque satellite a une masse de 860 kg).
C’est également vrai pour de nouveaux opérateurs, « les startups du NewSpace », qui misent sur des constellations opérationnelles à base de nanosatellites : en 2017, Spire a lancé avec succès 41 satellites Lemur (masse totale inférieure à 200 kg) pour des missions de surveillance maritime et de radio-occultation pour la météorologie. De son côté, Planet (anciennement Planet Labs) devient l’opérateur qui a mis le plus de satellites en orbite : Planet a mis en orbite 140 petits satellites Dove destinés à l’observation de la Terre à haute revisite (moins de 700 kg au total).
Après le rachat récent de Terrabella (anciennement Skybox Imaging), Planet a aussi lancé 6 satellites Skysat (moins de 700 kg au total).
Dans une moindre mesure, d’autres opérateurs commerciaux (Astro Digital, Sky and Space Global) ont aussi lancés quelques satellites préfigurant leurs produits opérationnels.
Le reste des cubesats lancés en 2017 correspond surtout à des satellites éducatifs ou des démonstrateurs technologiques. La fin du programme européen QB50 fait peut-être de 2017 une année exceptionnelle.
être à la masse : les différences avec d’autres statistiques
Si vous comparez mes chiffres avec d’autres sites de référence, vous trouverez des différences mineures concernant le nombre de satellites et la masse totale mise en orbite. Il y a deux explications liées aux critères utilisés :
- Je comptabilise comme satellite lancé ou lâché tout objet en orbite de manière autonome. Le comptage est assez simple pour les satellites directement mis en orbite par une fusée. C’est plus compliqué quand il s’agit de ceux temporairement stocké à bord de l’ISS ou d’un véhicule cargo comme le Cygnus. Avec cette notion de « stock dans l'espace », l’immatriculation au catalogue des Nations-Unie ne donne pas toujours la date de la mise en orbite autonome. Après vérification avec Jonathan McDowell, c’est ce qui explique la différence entre mon total (453 satellites) et celui qu’il publie sur l’excellent site Jonathan’s Space Report (440 satellites). Il y a 13 cubesats fantômes…
- Il n’est pas évident de faire un bilan précis des masses satellisées. Le nombre de cubesats rend l’exercice un peu fastidieux mais l’information est disponible et le nombre total de petits satellites représente seulement 1150 kg. Ce sont les gros satellites militaires qui compliquent tout : les caractéristiques ne sont évidemment publier et j’ai fait des estimations en croisant la capacité des lanceurs, des satellites civils similaires et les différentes spéculations publiées par les passionnés. Il est également parfois difficile de connaître exactement la masse totale des cargos envoyés vers l’ISS (ici aussi, j’ai quelques différences avec Jonathan). Globalement, j’estime donc que la marge erreur sur mon estimation de la masse satellisée est de l’ordre de 1 à 2%.
En savoir plus :
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre, le bilan des lancements 2017 et celui de l'année 2016.
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