A Palmyre, le temple romain de Baalshamin avant sa destruction. Extrait d’une image prise
par le satellite Pléiades le 22 mai 2015. Copyright CNES – Distribution Airbus Defence and Space
La destruction du temple romain de Baalshamin, le petit parallélépipède en bas de l’image au centre, a été confirmée par des images satellites analysées par l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) et publiées le 29 août.
C’est le satellite Pléiades qui a acquis les images à très haute résolution utilisées par les photo-interprètes de l’UNITAR, particulièrement sensibles au sort de la ville antique classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité de l’UNESCO (inscrite en 1980 et ajoutée en 2013 à la liste du patrimoine en danger).
A Palmyre, le temple de Baalshamin avant sa destruction.
Crédit image : Bernard Gagnon
Oasis de paix ? Oasis de guerre ?
Latitude : 34°33′15″N, longitude : 38°16′00″E. Un peu au sud du centre de la Syrie, à 210 km au nord-est de Damas, Palmyre est un des sites archéologiques les plus importants du Proche-Orient. Au premier siècle après Jésus Christ, sous le règne de Tibère, l’oasis de Palmyre était au cœur des échanges entre la Chine, l’Inde, la Perse et Rome. Son dynamisme et sa réussite commerciale ont permis la construction de la cité antique qui attirait de nombreux visiteurs avant le début de la guerre en Syrie.
Le temple de Baalshamin, un des plus beaux de Palmyre, est situé au nord d’un grand temple dédié au dieu du soleil, le temple de Baal (ou temple de Bel), également la cible de l'EI depuis la fin du mois d'août.
C'est en mai 2015 que l’Etat Islamique (EI), également désigné par le signe anglais ISIS ou Daech, a pris possession du site de Palmyre. L'annonce de l'entrée de Daech dans la ville a inquiété tous les archéologues et passionnés d'antiquité. L'annonce des premières destructions a montré que ses craintes étaient bien fondées.
Comparée à une image datant du mois de mai, juste avant la prise de Palmyre par les hommes de l’Etat Islamique, une image prise le 25 août prouve malheureusement la destruction du temple romain de Baalshamin. L’image a été prise quelques jours après la destruction du temple, le 23 août.
Une autre image du site de Palmyre, prise le 25 août 2015, confirme la destruction du temple
romain de Baalshamin. Extrait d’une image prise par le satellite Pléiades en mai 2015.
Copyright CNES – Distribution Airbus Defence and Space
Les deux images, prises sous des angles de vue différents et depuis deux positions différentes du satellite Pléiades sur son orbite ne sont pas directement superposables : les spécialistes de l’UNITAR les ont traitées pour faciliter la comparaison.
Comparaison des deux images du satellite Pléiades prise avant et après la destruction du temple
de Baalshamin. Déplacez le curseur pour afficher la première ou la deuxième image.
Crédit image : UNITAR
Ces images confirment que la partie interne du temple, la cella, a bien été détruite. Une partie des colonnes se sont effondrées.
Cela ne faisait aucun doute depuis les témoignages d’archéologues syriens, les revendications de l’Etat Islamique (EI) et les photos montrant la mise en place des explsifis. La « preuve vue du ciel » marque toujours les esprits :les images du satellite Pléiades ont été reprises immédiatement par des nombreux journaux. L’UNESCO a qualifié cet acte de « crime de guerre » : peu de temps auparavant, l’EI avait décapité Khaled Al-Assaad l’ancien chef des antiquités du site,
Les images complètes en pleine résolution sont visibles sur le site d’Airbus Defence and Space. En voici deux versions en résolution réduite qui donnent une petite idée de l’importance du site archéologique de Palmyre. L'image du mois d'août est nuageuse mais permet néanmoins de voir les dommages infligés au temple.
Le deux images de Palmyre prises par le satellite Pleiades avant et après la destruction du temple de Baalshamin, le 22 mai et le 25 août 2015. La résolution est très réduite par rapport aux images originales. Copyright CNES – Distribution Airbus Defence and Space
L’utilisation de l’imagerie satellite à Palmyre est une mise en pratique d’un accord signé en juillet 2015 entre L’UNESCO et L’UNITAR. L’objectif de cet accord est de protéger les sites du patrimoine culturel et naturel grâce à la géo-information. Il est mis en œuvre par le Programme opérationnel pour les applications satellites (UNOSAT) d’UNITAR, qui participe également très fréquemment aux opérations de cartographie rapide en cas de crise humanitaire ou de catastrophe naturelle majeure.
L’imagerie par satellite est parfois la seule source d’information objective accessible dans les régions touchées par les conflits ou les désastres naturels (voir les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur l'utilisation des satellites en période de crise ou de catastrophe naturelle). Elle permet à la communauté internationale de comprendre la situation sur le terrain et de planifier des mesures d’urgence.
Table rase
Après le musée de Mossoul (en février), les villes d’Hatra (mars) puis de Nimrod (avril), l’EI semble vouloir détruire systématiquement le patrimoine historique sur les régions qu’il contrôle.
Dimanche 30 août, l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) annonçait qu’une partie du temple de Bel (temple de Baal) avait également été détruit à l’explosif. Cette nouvelle destruction a également été confirmée par l'UNITAR avec une nouvelle image satellite acquise le 31 août par Urthecast.
A Palmyre en Syrie, le temple de Bel détruit par Daech. En haut, extrait de l'image prise par le satellite
Pleiades le 27 août 2015. Copyright CNES - Distribution Airbus Defence and Space.
En bas, une image acquise le 31 août par Urthecast.
ISS voit ISIS
La résolution de la caméra d'Urthecast (1 mètre pour la caméra HRC, 5 mètres pour THEIA), installée sur la Station Spatiale Internationale (ISS) est moins bonne que celle de Pleiades mais la destruction du temple ne fait aucun doute.
Le pillage des sites comme Palmyre ou Dura Europos (qui a fait l'objet d'un quiz du blog Un autre regard sur la Terre en novembre 2014), avec le trafic des antiquités, constitue aussi une source de financement non négligeable de l’EI.
La destruction de ces monuments ne doit pas faire oublier les milliers de victimes civiles tuées depuis le début de la guerre en Syrie : dans un bilan publié le 6 août 2015, l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme estime que plus de 330000 syriens (dont près de 112000 civils et 12000 enfants) ont été tués depuis mars 2011, date du début du conflit syrien.
En savoir plus :
- Sur le site d’Airbus defence and Space, un article sur les images de Palmyre prises par le satellite Pléiades avant et après la destruction du temple. Les images du satellite Pleiades sont consultables dans la galerie d’images.
- Le site de l’UNITAR.
- Sur le site de l’UNOSAT, un dossier sur les destructions à Palmyre et l'ensemble des cartes réalisées en Syrie (situation, dégâts, réfugiés, etc.).
- Un autre article du blog Un autre regard sur la Terre sur le drame syrien et la ville de Homs.
- Sur le site de l'UNESCO, la page "Sauvegarder le patrimoine culturel syrien" .
- Le site de l'Observatoire du Patrimoine Culturel Syrien et un bilan des victimes depuis le début de la guerre en Syrie (bilan publié le 6 août 2015).
- Sur Wikipedia, un article sur l’Etat Islamique.