Relevé de la position du voilier MACIF de François Gabart le 15 janvier 2013 à 15h00.
Données du site officiel du Vendée Globe mises au format Google Earth.
Bientôt la quille…
C’est François Gabart, sur MACIF qui le premier a traversé l’équateur, le 15 janvier. Du sud vers le nord, exactement 55 jours après avoir fait le chemin inverse depuis les Sables d’Olonne. L’édition 2012 du Vendée Globe entre dans sa dernière phase : les premiers skippers devraient franchir la ligne d’arrivée à partir du 26 ou du 27 janvier.
Après 68 jours de course, les écarts entre les skippers de la tête de course se sont creusés : le 17 janvier à 19h00 UTC, François Gabart sur MACIF est à 2691 milles nautiques de la ligne d’arrivée, soit un peu moins de 5000 kilomètres. Armel Le Cléac’h sur Banque Populaire suit à 94,5 milles nautiques derrière. Le troisième, Jean-Pierre Dick sur Vibrac Paprec 3 est à 378 milles nautiques du second. Leurs vitesses actuelles sont comprises entre 8 et 11 nœuds.
Le nœud du problème, je vous le donne en mille : oublier le système métrique
Pour les amoureux du système métrique, je rappelle qu’un mille marin ou mille nautique correspond à 1852 mètres, l’équivalent d’une minute d’arc le long d’un méridien terrestre. Même pour Jean-Pierre Dick, le nœud (abréviation kt pour knot en anglais) est une unité de vitesse qui correspond à un mille marin par heure soit 1,852 km/h.
Alors que les plus rapides avaient maintenant dépassé l’équateur ou bien entamé la remontée de l’Atlantique Sud, d’autres concurrents terminaient de négocier le passage du Cap Horn au sud de l’Amérique du Sud : le dernier au classement l’a franchi le 17 janvier à 19h30 UTC mais, à ce moment, il avait encore près de 13000 kilomètres à parcourir.
Ils ne sont plus que 12 en course. Sur un effectif total de 20 de voiliers de la classe IMOCA (les monocoques de 60 pieds) au départ de la course le 10 novembre 2012, 7 ont été contraints à l’abandon et un skipper, Bernard Stamm, a été disqualifié.
Les quatre illustrations suivantes, toutes obtenues à partir des relevés officiels des positions des navires, montrent quatre copies d’écran correspondant à différentes étapes de la course : les jours suivant le départ, le tour de l’antarctique et la situation au passage du Cap Horn le 14 janvier.
Ces données proviennent directement des relevés officiels publiés sur le site du Vendée Globe. Passionné de course à la voile et d’informatique un peu pointue, c’est Bruno Rémy, ingénieur chez Agenium, qui m’a communiqué ces informations et m’a aimablement autorisé à les présenter sur le blog Un autre regard sur la Terre.
4 copies d’écran des routes suivies par les concurrents du Vendée Globe obtenues avec Google Earth.
En haut à gauche, après le départ. A droite, autour de l’antarctique. En bas, à gauche, au sud du
Cap Horn le 14 janvier. A droite, la tête de course le même jour, , avec la direction des vents.
Mise en forme : Bruno Rémy (Agenium) à partir des données officielles du site Vendée Globe.
Voyants au vert au large des îles du Cap vert
Le suivi des positions respectives des navires est très instructif sur la course elle-même et sur la stratégie adoptée par les différents skippers. C’est également une excellente occasion de revenir sur le rôle de satellites dans les grandes courses comme le Vendée Globe, la Route du rhum ou, plus connue des anglo-saxons, la Volvo Global Race.
Comment les positions sont-elles connues ? Comment sont-elles communiquées au PC Course ? Comment les vidéos filmées à bord (on y accède en cliquant sur les pictogrammes de caméra sur la page « cartographie » du site du Vendée Globe) sont–elles mises en ligne pendant la course ? Quels moyens sont mis en œuvre pour les vacations radio, etc.
Une seule réponse : les satellites. En mer, loin des côtes, il n’y a pas d’autre solution…
Moins seuls dans une course en solitaire : le rôle des satellites
Dans un article consacré à l’édition 2012 de la Novela sur le thème « espace et océans », j’avais déjà abordé cette curiosité : « Un bon moyen de voir les satellites en action : aller à la mer ». Avec une illustration montrant un thonier industriel dans l’océan indien, j’expliquais que l’équipage de ce navire de pêche, à l’image du M. Jourdain de Molière qui disait de la prose sans le savoir, utilisait quotidiennement plusieurs dizaines de satellites pour mener à bien sa campagne de pêche : météorologie et prévision de l’état de la mer, localisation, balises de détresse, télécommunications (voix et données) et même observation de la Terre pour certains services très spécialisés.
Comme la prose du bourgeois gentilhomme, une caractéristique des satellites, c’est qu’on les utilise quotidiennement parfois sans le savoir, au point d’oublier leur existence et parfois le besoin de les renouveler.
Le rôle des satellites dans une grande course en solitaire. Illustration créée par Gédéon à partir
d’une photographie de l’IMOCA de François Gabart. Crédit image : Jean-Marie Liot (DPP)
Les moyens satellites utilisés par les skippers du Vendée Globe
Un rapide inventaire ?
Commençons par les télécommunications entre la Terre et les skippers : elles sont assurées par les satellites d’Inmarsat ou d’Iridium. Pour tous les types d’échanges : vacations en phonie, internet et email, transfert de vidéos et de photos ou pour recevoir les fichiers météo envoyés par l’organisation de course (l’assistance météorologique personnalisée et le routage ne sont pas autorisés).
Ensuite la localisation de navires. Le premier besoin, c’est pour établir le classement et vérifier le respect du règlement avec le contrôle des points de passages obligatoires (les « portes »). Des récepteurs GPS (le Global Positioning System Américain) assurent cette fonction. Ils sont couplés à un équipement de communication iridium doublé par une liaison sat C d’inmarsat. Un second type de localisation est utilisé moins fréquemment : il s’agit des balises de détresse du système Cospas-Sarsat. Chaque voilier en embarque deux fonctionnant en 406 MHz.
La météorologie est également importante pour la sécurité des skippers et la stratégie de course (avec la connaissance des vents). Les satellites jouent un rôle de plus en plus incontournable dans les modèles de prévision. La veille météorologique mondiale est assurée avec deux types de satellites :
- Les satellites géostationnaires comme la famille Meteosat, GOES ou MTSAT répartis autour de l’équateur à environ 36000 kilomètres d'altitude.
- Les satellites en orbite polaire, sur une orbite plus basse, à environ 800 kilomètres d’altitude. Dans cette catégorie, il y a les satellites de la famille NOAA ou les deux satellites Metop-A et Metop-B opérés par l’organisation européenne Eumetsat.
Une autre source d'information est moins connue : la prévision des courants de surface établie à partir de mesures d’altimétrie spatiale fournies par exemple par les satellites Jason. Chaque semaine, les équipes de Mercator-Océan produisent une série de bulletin donnant, par zone géographique et de manière globale, différents paramètres de l’état de la mer (courants, température, salinité) en surface et en profondeur. Chaque bulletin donne la situation analysée (les observations) et des prévisions (modélisation) à deux échéances (une semaine et deux semaines).
Un exemple de bulletin d’état de la mer publié par Mercator-Océan le 16 janvier 2013 pour la zone
atlantique. Crédit image : Mercator-Océan.
Moins connue également, l’utilisation d’images de satellites Radar pour détecter les icebergs les plus massifs. Depuis le mois de mai 2012, les experts en océanographie spatiale de la société CLS ont aidé la direction de course du Vendée-Globe à définir le parcours et le placement des « portes » autour de l’Antarctique. Depuis l’arrivée des premiers skippers dans les zones à risques de mers du sud, plus d’une centaine d’images radar de 500 kilomètres de côté ont été acquises par le satellite Radarsat.
Alors, combien de satellites au total ?
Pour la constellation GPS, l’US Air Force assure une disponibilité d’au moins 24 satellites 95% du temps. En pratique, depuis juin 2011, l’USAF a mis en place une configuration dite « expandable 24 » avec 27 positions orbitales à 20350 kilomètres d’altitude (6 plans orbitaux).
La constellation européenne Galileo n’est pas encore opérationnelle. Depuis le lancement de deux premiers satellites en octobre 2011, elle est en cours de déploiement. 2 autres satellites ont été lancés un an plus tard en octobre 2012. 14 autres satellites seront mis en orbite d’ici fin 2014.
Pour les télécommunications, Iridium est également une constellation, en orbite plus basse, à environ 780 kilomètres, sur 6 plans orbitaux de 11 satellites. Les 66 satellites opérationnels, plus un certain nombre de « spares » prêts à prendre le relais en cas de panne, communiquent entre eux et forme ainsi le premier standard téléphonique spatial.
Du côté de l’orbite géostationnaire, pour le Vendée Globe c’est la flotte d’Inmarsat avec les 3 satellites Inmarsat-4, spécialisés en télécommunications avec les mobiles. Avec son réflecteur géant de 9 mètres de diamètre et son réseau de 120 antennes spirales, chaque satellite fournit 19 faisceaux larges et 228 faisceaux étroits. Il permet des liaisons jusqu’à 432 kbits/s avec le service FleetBroadband (BGAN). Les trois satellites ont été construits par Astrium.
Pour la météorologie, plusieurs satellites géostationnaires couvrent l’ensemble du globe depuis une orbite à la verticale de l’équateur :
- Les 3 satellites d’Eumetsat (4 avec Meteosat 10 qui va être mis en service le 21 janvier 2013). Eumetsat opère Meteosat 9 (positionné au-dessus du méridien de Greenwich), Meteosat 7 dit « IODC » (au-dessus de l’océan indien presque à la verticale des Seychelles). Meteosat 8, le premier satellite de seconde génération, est à 9,5°E de longitude. Depuis le 15 janvier, Eumetsat fait évoluer ces positions pour préparer la mise en service de Meteosat 10, déjà en orbite, qui entrera en service opérationnel le 21 janvier.
- Les 3 satellites de la NOAA (GOES-12, GOES-13 et GOES-15 opérés simultanément et GOES614 en stand-by).
- Le satellite russe Elektro-L N1 de RosHydroMet.
- Les satellites indiens INSAT-3A et Kalpana-I.
- Les deux satellites chinois FY-2D et FY-2E (FY-2F est en attente).
- Le satellite coréen COMS-1.
- Le satellite japonais MTSAT-2 (Himawari-7).
Côté orbite basse, il y a les cinq satellites opérationnels de la constellation POES de la NOAA (NOAA-15 à NOAA 19), NPP SUOMI et les deux MetOp (Metop-A et Metop-B) en Service, sans parler de la constellation de satellites militaires DMSP.
Au total, cela fait au moins 21 satellites pour la météo. Ajoutons le satellite Jason-1 pour l’altimétrie spatiale et le satellite Radarsat-2 pour la détection des icebergs. Pour le sauvetage en mer, les 12 satellites embarquant les charges utiles du système Cospas-Sarsat sont déjà comptabilisés avec les satellites météo. Idem pour les charges utiles du système de collecte de données Argos.
Au total, si je n’ai rien oublié, cela nous donne donc au moins 116 satellites qui jouent d’une manière ou d’une autre et à un moment donné le rôle d’anges gardiens des skippers du Vendée Globe. Pas si solitaires…
Des Sables-d'Olonne à Toulouse sur mer
Un dernier point remarquable, déjà mentionné à l’occasion de la Novela en 2012 : le rôle central joué par une série d’équipes basées à Toulouse en support à toutes les activités en mer :
- Météo France pour la prévision Météo.
- Cospar-Sarsat pour le sauvetage en mer au Centre Spatial Toulousain du CNES.
- La socité CLS pour la collecte des positions des balises Argos et la détection des icebergs à partir d’images satellite radar.
- Mercator-Océan pour les bulletins de prévision des courants et de l’état de la mer.
- Astrium Services et de Vizzada (avec un de ses teleports à Aussaguel) pour la fourniture des services de télécommunication par les satellites d’Inmarsat et d’Iridium.
- Les équipes de recherche du LEGOS, de l'observatoire Midi-Pyrénées.
Une photographie du teleport de Vizzada à Aussaguel, à 20 kilomètres au sud de Toulouse.
Crédit image : Astrium Services / Vizzada
Vendée Globe : un grand tour autour du Globe. Voyons si t’es caps…
L’objectif de la course est simple : réaliser le tour du monde à la voile, d’Ouest en Est, par les trois grands caps de Bonne Espérance, Leeuwin et Horn. A partir des Sables d’Olonne en Vendée, les skippers effectuent successivement une longue descente de l’océan Atlantique, la traversée périlleuse des mers du sud avec d’abord l’Océan Indien puis l’océan Pacifique, le plus grand océan du monde. Enfin la remontée de l’Atlantique et le retour vers le point de départ.
Tous les ingrédients sont réunis pour soumettre les skippers et leurs navires à rude épreuve : tempêtes du Cap Finisterre, approche des alizés, traversée du Pot au Noir (avec ses vents erratiques, ses orages violents, des pluies parfois diluviennes), le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène, les vents violents et l’atmosphère humide des mers très au sud, presqu’à la limite des glaces avec le risque de croiser un iceberg ou, pire parce que plus difficile à détecter, des growlers, ces petits blocs de glace à la dérive.
Suit alors le début de la remontée dans l’atlantique sud puis le retour vers l’hémisphère nord et le froid. Jusqu’au bout, malgré la fatigue accumulée, la vigilance reste de mise pour éviter toute collision.
Le Vendée Globe est parfois surnommé l’Everest des mers…
En savoir plus :
- Le site officiel du Vendée Globe, le classement et la cartographie de la course.
- Le site destiné aux jeunes, avec les supports pédagogiques.
- Pour se prendre pour un vrai skipper, la course virtuelle, avec quand même 465351 sikippers !
- Le site de la société Agenium et des liens sur les fichiers de positions illustrant cet article (fichiers kml à utiliser avec Google Earth) : le ficher complet, celui décrivant la course, les vents et la position des skippers. Agenium développe des technologies et fournit des produits de visualisation et des globes virtuels pour les industriels du Spatial et de la Défense. Bruno Rémy est un spécialiste de la simulation et un passionné des technologies informatiques.
- Le site gps.gov et un poster pédagogique (en anglais)
- Sur le site de la Commission européenne, les pages sur le programme Galileo.
- La présentation de la constellation Iridium.
- Sur le site d’Inmarsat, la présentation des satellites Inmarsat 4.
- Le site de Vizzada (Astrium Services) et les solutions Inmarsat C / Mini C, FleetBroadband et OpenPort.
- Le site d’Eumetsat et la présentation des satellites météorologiques européens.
- Le site français de Cospas-Sarsat, le système international de satellites pour les recherches et le sauvetage.
- Le site de la société CLS.
- Un autre article du blog Un autre regard sur la Terre sur la Route du Rhum.
- Un article sur l’altimétrie spatiale et ses applications.
- Les articles dans la catégorie « satellites et océans ».