Une belle floraison de phytoplancton vue depuis l’espace

C’est bientôt la fin de l’été… Même aux latitudes les plus élevés, là où le soleil reste encore relativement bas sur l’horizon, l’eau a eu le temps de se réchauffer et on peut assister à de spectaculaires floraisons de phytoplancton.

A l’est du nord...

Voici un bel exemple au large de la côte de Norvège et de Russie, un peu à l’est du Cap Nord, vu par le satellite européen Sentinel-2. Ce n’est pas un phénomène exceptionnel mais son emprise géographique et la beauté des contours et des nuances de bleu méritent d’y jeter un œil.

Floraison de phytoplancton au large de la Norvège et de la Russie.
Extrait d’images acquises par le satellite Sentinel-2B le 22 août 2022. La largeur de l’image correspond
à environ 270 km.Crédit image : Agence Spatiale Européenne / Copernicus / Commission européenne.

Les satellites Sentinel : des plantons marins chers à Gotlib

Sur l’image précédente, on distingue des détails de l’ordre de 10 mètres. Vous voyez peut-être la silhouette d’une pieuvre ou d’un hippocampe ? En réalité, il s’agit uniquement de variation de la couleur de l’eau en surface causée par la concentration en algues microscopiques qui se déplacent au gré des courants. Ces algue sont la base de la chaîne alimentaire et de toute forme de vie dans les océans.

Le même jour, l’instrument OLCI (Ocean and Land Colour Instrument) à bord d’un autre satellite du programme Copernicus, le satellite Sentinel-3B a acquis une image d’un champ beaucoup plus large (1270 km au lieu de 290 km pour Sentinel-2) permettant de voir l’ensemble du phénomène avec une résolution plus réduite.

Floraison de phytoplancton au large de la Norvège et de la Russie.
Extrait d’images acquises par le satellite Sentinel-3A le 22 août 2022.
Crédit image : Agence Spatiale Européenne / Copernicus / Commission européenne.

On localise facilement la zone correspondant à la première image de cette article, celle acquise par le satellite Sentinel-2.

En observant attentivement ces images, vous verrez des bandes obliques délimitant des zones. Cela signifie que les illustrations présentées ici sont constituées de plusieurs images acquises par les deux satellites à l’occasion de plusieurs passages successifs au-dessus de la région. 

Le nord : des visites fréquentes avec les satellites héliosynchrones

Le mouvement des nuages et de l’océan crée une discontinuité au niveau des limites des images : il s’est écoulé environ 100 minutes entre deux images, le temps de faire le tour de la Terre au-dessus des deux pôles.

C’est une des caractéristiques ou un des avantages des satellites à orbite polaire ou quasi-polaire : ils passent plusieurs fois par jour au-dessus des latitudes les plus élevées au nord et au sud (environ 14 fois pour chacun des satellites Sentinel-2 et Sentinel-3), permettant ainsi de surveiller le trafic maritime ou le déplacement des icebergs et des glaces flottantes.

La vie en bleu

J’ai déjà publié plusieurs articles sur les efflorescences algales, ou algal bloom en anglais, en mer de Barents (par exemple en août et septembre 2011.

Aux latitudes élevées dans l'hémisphère nord, la fin de l’été a permis une accumulation de chaleur qui favorise une augmentation relativement rapide de la concentration d’une ou plusieurs espèces de phytoplancton dans l’eau et se manifestant par une coloration ou une fluorescence de l’eau, bien visibles dans le sillage des navires ou sur les images des satellites observant la surface de l’eau.

Plusieurs conditions doivent être réunies : 

• de la lumière,
• une température suffisante,
• des éléments nutritifs en quantité suffisante, en particulier à la sortie des estuaires des fleuves là où les eaux sont abondamment chargées en éléments amenés depuis les bassins versants ou, dans le cas présent, en provenance du fond de l'océan par les mécanismes de remontée d’eau froide des profondeurs (« upwelling » en anglais) déclenchés par les vents à la surface l’eau et le phénomène de pompage d’Ekman.

En fait, la floraison de phytoplancton visible sur ces images a démarré bien avant le 22 août. C’est un trou dans la couverture nuageuse (voir l’image du satellite Sentinel-3) qui permet de bien la voir aujourd’hui.

Un petit tour sur le site MODIS Worldview confirme que les premiers signes de bleu assez intense apparaissent vers mi-juillet sur les images des satellites Aqua et Terra. La couverture nuageuse n’a pas permis de trouver une belle image plus tôt.

 
Plancton marin : l’arbre qui cache la forêt…

C’est peu connu mais le phytoplancton est le véritable poumon de la planète, plus important que les forêts…

Les océans recouvrent les deux tiers de la surface de la Terre et contiennent de grandes quantités de plancton végétal. Grâce à la photosynthèse, le phytoplancton produit la moitié de l'oxygène que nous respirons : en présence de lumière, le gaz carbonique et l'eau produisent du glucide et de l'oxygène.

La lumière, nécessaire à cette réaction chimique, est absorbée par les pigments photorécepteurs du plancton, parmi lesquels se trouve la chlorophylle. La température et la salinité interviennent également.

Ne pas perdre le nord

Une dernière image et un petit jeu pour conclure : voici une composition d’images acquises également le 22 août 2022 par l’instrument MODIS du satellite Aqua et montrant également la floraison de phytoplancton.

Mosaïque circumpolaire d’une série d’images acquises par l’instrument MODIS 
du satellite américain Aqua le 22 août 2022. Les bandes obliques correspondent aux limites des
images individuelles assemblées dans cette composiiton. Crédit image : NASA / EOSDIS

Il s’agit ici d’une projection que j’utilise très rarement sur le blog Un autre regard sur la Terre : une mosaïque circumpolaire centrée sur le pôle nord.

Savez-vous localiser le pôle nord ? Même si j’ai un peu recadré l’image, vous devriez le localiser en zoomant dans l’image…

Inutile de prendre des moufles et une doudoune : selon Météo France, la température actuelle varie dans la journée entre 15°C et 22°C, soit un écart de +4°C à +6°C par rapport aux normales du mois d’août. 

Et le sud ?

Une fois au pôle nord, pour trouver un peu de fraîcheur avant la rentrée scolaire, je vous recommande le sud et l’hiver austral. Pour y aller, c’est facile : partez dans n’importe quelle direction…

En savoir plus :

• Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur les floraisons de phytoplancton.
• Les autres articles dans la catégorie océanographie.
• Les autres articles dans la catégorie pôles et glace.