22 mai 2012, 7h44 UTC : trois jours après l’annulation du tir à la dernière minute, c’est aujourd’hui (en pleine nuit en Floride, à 3h44 en heure locale) que la société privée SpaceX a finalement lancé la fusée Falcon 9 depuis la base aérienne de Cap Canaveral, près du Centre spatial Kennedy. La fusée emporte la capsule Dragon qui doit rejoindre la station spatiale internationale.
Dans la nuit de vendredi à samedi, c’est une panne sur une valve d’un des moteurs du premier étage qui avait entraîné l’interruption des opérations de lancement, une demi-seconde avant le décollage !
Des flammes pour le faucon, pas pour le dragon
Aujourd'hui, presqu'exactement deux mois après le lancement de l'ATV-3 depuis Kourou, le décollage a eu lieu exactement à l'heure prévue : comme la plupart des vols destinés à rejoindre l'ISS ou un autre satellite, il n'y a pas de créneau de lancement. En cas de report, il y avait un nouveau créneau vendredi mais avec une météo moins favorable. Sinon, il aurait fallu attendre la mi-juin.
Décollage de la fusée Falcon 9 emportant la capsule Dragon vers la Station Spatiale Internationale.
Crédit image : SpaceX
Les deux images suivantes sont extraites de la vidéotransmission du lancement : en haut, à H + 10m19s, la caméra de la capsule Dragon filme le panneau fermé. Notez la structure en nid d'abeilles visible sur la tranche). En bas, à H + 12m11s, la panneau est ouvert : les charnières et les cables sont bien visibles
L'ouverture des panneaux solaires de la capsule Dragon. Crédit image : Space X
13 minutes après le départ de Cap Canaveral, la capsule Dragon est en orbite.
Crédit image : SpaceX
Amarrage à l'ISS : pas de bouchon pour la capsule
Pas de bouchons... parce qu'il n'y a plus assez de capsules pour desservir l'ISS. Depuis la fin des vols de la navette en juillet 2011, seuls les russes ont actuellement la capacité de transporter l'équipage et le fret vers la station internationale. Les Européens, avec un total de 5 cargos ATV (3 ont déjà été lancés), et les japonais ont une capacité de fret.
Si tout se passe bien, Dragon sera le premier vaisseau d'une société privée à s'amarrer à l'ISS. Cette réussite marquera le début d'une nouvelle forme de transport spatial.
Le vaisseau partiellement réutilisable ne transporte aucun passager ; il va livrer à l'équipage de la station spatiale internationale 521 kilos de fret et devrait ensuite ramener 660 kilos de déchets sur terre. Dragon pèse six tonnes, mesure 5,9 mètres de haut pour un diamètre de 3,6 mètres.
Avant l’amarrage, une série de tests et de manoeuvres seront effectués à environ 2,5 km de l'ISS, à distance de la station puis à proximité. Pour l'amarrage, la méthode est très différente de celle utilisée pour l’ATV ou les vaisseaux russe Soyouz et Progress : la capsule Dragon sera « attrapée » par le bras robotisé de l’ISS télécommandé par les astronautes de l’équipage. Cette opération doit normalement avoir lieu le quatrième jour de la mission. L'écoutille sera ouverte le cinquième jour.
Après quinze jours, Dragon devrait quitter l'ISS pour retourner sur Terre, ou plus précisément en mer : la capsule, la partie récupérable du vaisseau doit amerrir dans le Pacifique au large de la Californie.
Une description complète de la mission est disponible (en anglais) dans un dossier de presse "Space X COTS 2 mission".
Vue d'artiste de la capsule SpaceX à l'approche de l'ISS. Crédit image : NASA
Animation vidéo résumant la mission du vaisseau Dragon et l'amarrage à L'ISS. Crédit : SpaceX
La capsule Dragon de SpaceX en orbite : une équipe qui a de la bouteille
La société privée SpaceX, pour Space Exploration Technologies Corporation) n’a été créée qu’en 2002. Elle a pourtant été sélectionnée par la NASA qui lui a confié un contrat de 1,6 milliards de dollars pour le « transport de fret » vers la station spatiale internationale dans le cadre du programme COTS (Commercial Orbital Transportation Services), un sigle identique à celui de « Commercial Off the Shelf » (en bon français, « produit sur étagère »). Cette nouvelle politique de la NASA est une des solutions choisies pour faire face au manque de véhicules de transports après l’arrêt des vols de la navette spatiale américaine, après la dernière mission de juillet 2011.
Le concept COTS de la NASA : Commercial Orbital Transportation Services. Crédit image : NASA
Merlin l'enchanteur : oxygène liquide, kérosène et liquide tout court...
Même si la compagnie SpaceX est très jeune (par comparaison à d'autres acteurs de l'industrie spatiale), son équipe n'a pas démarré dans un garage... Les capitaux ont été apportés par Elon Musk, le fondateur de Paypal et de Zip2. La présidente en charge de la commercialisation est Gwynne Shotwell, qui a passé 10 ans chez Aerospace Corporation. Avant de rejoindre Space X à la création de la société, Tim buzza était chef de projet des essais du lanceur delta IV de boeing. Le responsable de la production, Andy Lambert, vient de l'industrie automobile (BMW et la ligne de production MINI), avec une bonne expérience de la montée en cadence des chaines de prodcution. Le directeur commercial Barry Matsumori a travaillé pour Qualcomm, SpaceSystems Loral et General Dynamics.
Tom Mueller est l'expert en propulsion : il a passé 14 ans chez TRW où il supervisait toutes les activités sur les moteurs à propulsion liquide.
Parmi les autres dirigeants, on peut citer également Robert Reagan, qui a travaillé pour Certified Fabricator Inc sur des équipements de la station spatiale internationale et du réservoir externe du space shuttle, et Marv VanderWeg, ancien d'ULA (United Launch Alliance) et de Lockheed Martin où il travaillait sur le programme Atlas.
En bref, pas exactement des débutants ou des amateurs... La réussite du lancement d'aujourd'hui le confirme et crédibilise ce nouveau modèle économique pour l'industrie spatiale : si vous êtes passionnés d'espace, essayez de convaincre un milliardaire qui a fait fortune avec Internet dans la Silicon Valley...
3ème vol d’essai de la fusée Falcon 9 : une vraie réussite pour le Faucon 9
Le lancement d'aujourd'hui est le troisième vol d'essai réussi de cette fusée à deux étages de 47 mètres de haut. Elle a déjà été lancée avec succès en juin 2010 et en décembre 2010. Le second vol avait permis de vérifier la mise en orbite Dragon et sa récupération. C’était déjà une première pour un opérateur privé.
En savoir plus :
- Les autres articles dans la catégorie satellites et lancements.
- Sur le site de la société SpaceX, la fiche de présentation (en anglais) du vaisseau Dragon, les pages sur la fusée Falcon 9 et le "guide utilisateur" de la fusée Falcon 9.
- Le dossier de presse (en anglais) "Space X COTS 2 mission".
- Sur le site du journal Le Monde, une infographie décrivant la mission du vaisseau Dragon.
- Le site pour la retransmission du lancement en webcast.
- Sur youtube, une vidéo HD de la première minute de vol de la fusée Falcon 9 (note : le compte-à-rebours final commence à la position 2:35).