Philae a réussi ! La première photographie de l'instrument CIVA prise depuis l'atterrissage du robot
Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. En fait, il s'agit d'un assemblage de deux
photographies, le début d'un panorama... Crédit image : ESA / Rosetta / Philae / CIVA
Jusqu'ici, tout va bien... Mais on s'est fait peur !
On a attendu toute la nuit les premières images de CIVA. Elles sont enfin là...
Cela se passe à 500 millions de kilomètres de la Terre, et il faut près de trente minutes pour que les données transmises par les instruments de Philae et Rosetta arrivent sur Terre. Normal pour une chute, jusqu’ici tout va bien... Pendant 7 heures, Philae a poursuivi sa longue chute libre vers le noyau de la comète. Une vraie chute libre car il semble que le système de propulsion destinée à éviter les rebonds à l'arrivée sur la comète ne pouvait pas être utilisé.
Chute sans gravité
Le signal de confirmation de l'atterrissage est bien à l'heure dite. Un peu d'inquiétude quand on a entendu que les harpons n'auraient pas été déclenchés : à cause de la faible gravité, ces harpons servent à éviter les rebonds... Les télémesures de "House-keeping" continuent à être transmises, indiquant que Philae "vit" toujours à l'heure où j'écris cet article.
Destination : Agilkia, le nom de baptême du site d’atterrissage
Voici la toute première image prise par la caméra CIVA quand Philae a quitté l’orbiter Rosetta et commencé sa longue chute vers la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko.
Première image prise la caméra CIVA à bord de Philae : la sonde rosetta vue par l'instrument CIVA-P
Philae juste après son éjection. Crédit : ESA / Rosetta / Philae / CIVA.
Les yeux dans les cieux
La première image a été prise par l’instrument CIVA-P. Malgré les conditions d’éclairage difficiles, on distingue un des deux grands panneaux et le corps de Rosetta. L’image a été prise le 12 novembre à 9h03 UTC (10h03 à l’heure de Toulouse) et enregistrée à bord. Elle n’a été transmise par Philae que lorsque la liaison radio, normalement coupée pendant la manoeuvre d’échappement (escape) de Rosetta, a été rétablie deux heures plus tard. L’image a été transmise ensuite vers la Terre par Rosetta qui joue le rôle de relais avec sa grande antenne.
30 minutes de délai pour la transmission à travers l'espace... Puis un peu de temps pour contrôler la qualité des données et des prouesses sous Photoshop avant de distribuer l’image aux medias et au grand public.
La seconde image a été prise par Rosetta quelques minutes après la séparation de Philae. Les trois pieds sont déployés et on reconnaît la forme de "boîte aux lettres" de Philae.
Un tout petit peu plus tard, Philae vu par Rosetta. Crédit image : ESA/Rosetta/MPS
for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA
Pas de propulsion, plus douce sera la chute...
L’image suivante a été prise par l’instrument ROLIS au cours de la descente le 12 novembre à 14h38m41s UTC. A ce moment, Philae est à environ 3 kilomètres de la surface du noyau de la comète. Les détails visibles correspondent environ à 3 mètres par pixel. En haut à droite, en bord de champ, on voit une partie d’un des pieds de Philae
Développé par l’Institut de Recherche Planétaire du DLR (l’Agence Spatiale Allemande), ROLIS est un instrument imageur multispectral fixé sur la partie inférieure de Philae : il prend des images pendant la descente mais est surtout destiné à étudier la structure de la surface avec des gros plans pris après l’atterrissage.
Une belle image de la comète 67P/C-G prise par l'instrument ROLIS de Philae, à une distance
d'environ 3km. Crédit image : ESA / Rosetta / Philae / ROLIS / DLR
Des pépins sur le noyau ?
Le "touch-down", l'atterrissage réussi de Philae est confirmé à 17h03 en heure locale. Emotion et applaudissements à la Cité de l'espace. Qui font place prgressement à l'inquiétude et au doute...
Confirmation du "touch-down", l'atterrissage réussi de Philae sur la comète, par les équipes du SONC
(Science Operations and Navigation Centre) opérant au CNES (Centre Spatial de Toulouse).
Crédit image : Gédéon
Les images prises par les caméras CIVA de Philae après l'atterisssage n'ont pas étéreçues sur Terre aussi rapidement que prévu : après la durée normale d'attente, il s'est avèré que qu'il y avait quelques problèmes : des informations commencent à circuler sur le non-déclenchement des harpons.
Un peu plus tard, le directeur du CNES à Toulouse, Marc Picher, annonçait qu'il faudrait attendre encore pour voir les premières images prises du sol.
Selon les dernières informations communiquées par l'ESA, les deux harpons ne s'étaient sont pas fixés et la sonde Philae aurait pu rebondir ! Un rebond de deux heures puis un autre un peu plus tard (à cause de la très faible gravité), ce qui serait cohérent avec les signaux de télémesures reçus...
Le suspense continue avec des rebondissements...
Selon les dernières messages du centre d'opérations de l'ESA que j'ai pu voir sur Twitter, il semble que les instruments ROMAP et MUPUS aient enregistré des mesures qui indiqueraient en fait un atterrissage (à 15h33 UTC, celui qui a été confirmé à 17h03 en heure locale et en tenant compte du temps de transmission des données) et deux rebonds (à 17h26 et 127h33 UTC).
ROMAP et MUPUS : détection de sauts de puce
ROMAP (Rosetta Lander Magnetometer and Plasma Monitor) est un magnétomètre qui mesure le champ magnétique local de la comète. Il sert aussi à étudier les interactions avec le vent solaire. Le PI (Principal investigator) de ROMAP est Hans-Ulrich Auster (Technische Universität, Braunschweig, Allemagne.
MUPUS (Multi-Purpose Sensors for Surface and Subsurface Science) utilise des capteurs situés sur les pieds et les harpons pour mesurer les propriété de la surface de la comète (densité, caractéristiques thermiques et mécaniques). Le PI est Tilman Spohn (Institut für Planetenforschung, DLR, Berlin, Allemagne).
Cinq sens pour savoir dans quel sens est Philae...
Une partie des dix instruments de Philae confirme donc un atterrissage réussi avec des rebonds mais indique aussi que le robot Philae va bien : il prenait des mesures, les transmettait, visiblement dans la bonne direction puisque Rosetta les relayait vers la Terre.
Mais les équipes projet devaient vite comprendre la situation exacter à 500 millions de kilomètres : la première batterie de Philae, chargée avant l'atterrissage, a une autonomie limitée et la seconde batterie ne peut se recharger que si les panneaux solaires sont correctement orientés.
Les instruments de Rosetta et de Philae. 21 instruments dont plusieurs caméras qui vont, d'abord,
si tout va bien, immortaliser l'atterrisage de Philae sur le noyau de la comète. Infographie réalisée par
Gédéon à partir d'images publiées par l'ESA et d'autres illustration. L'image de la Terre provient
d'Eumetsat : elle n'est pas à l'échelle mais montre qu'un des défis est de transmettre les données
à 500 millions de kilomètres. La pierre de Rosette rappelle qu'un des objectifs de la mission est
de décrypter le rôle des comètes. Le canard jaune fait référence à la forme du noyau.
Mercredi dans la soirée, Philae émettait toujours. C'était bon signe et incitait à rester optimiste !
Jeudi matin, l'ESA publiait enfin la première photo prise par Philae posé sur le sol de la comète. C'est la première image de cet article et cela met de très bonne humeur après la tension de la soirée du 12 novembre.
Un debriefing plus complet à l'ESA
Au cours d’une conférence de presse organisée le 13 novembre après-midi, l’ESA a fait un bilan complet sur la phase d’atterrissage de Philae et les fameux rebondissements.
Les scientifiques de l’ESA ont d’abord communiqué leur analyse de cette séquence d’atterrissage mouvementée, en s’appuyant sur des images de la caméra OSIRIS de Rosetta prise au début du mois de septembre. La croix rouge indique l’endroit supposé du premier rebond.
Position du premier contact de Philae avec la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko
matérialisée sur une image prise par la caméra OSIRIS de Rosetta en septembre 2014.
A gauche, plan large. A droite, zoom sur le point du « touch-down ».
Crédit image : ESA / Rosetta / MPS for OSIRIS Team
MPS / UPD / LAM / IAA /SSO / INTA /UPM / DASP / IDA
De nouvelles images de Philae
D’abord une image prise par l’instrument ROLIS alors que Philae n’est plus qu’à 40 mètres d’altitude avant le premier « touch-down ».
Le site d’atterrissage (celui du premier rebond) vu par l’instrument ROLIS de Philae depuis
une altitude de 40 mètres. Crédit image : ESA / Rosetta / Philae / ROLIS / DLR
Les yeux dans l'essieu
Il y a aussi le premier panorama plus complet (360°) réalisé à partir d’images provenant des caméras CIVA-P, plus complet que le couple d’images précédent : il montre l’orientation du robot Philae dans son environnement immédiat. Le dessin de Philae est incrusté dans l’image, dans la position qu’ont déterminée les scientifiques à partir des mesures transmises par la sonde.
Le premier panorama à partir d’images prises au sol par Philae. En surimpression, un schéma
montrant la position et l’orientation de Philae. Crédit image : ESA / Rosetta / Philae / CIVA
CIVA ? Ça va...
CIVA (ou ÇIVA) est un instrument constitué de six caméras (il serait plus exact de dire en français appareil photographique) miniatures qui prennent des images panoramiques de la surface. Un spectromètre analyse la composition, la texture et l’albedo (réflectivité) de la surface. Le PI de l'instrument CIVA est français : il s’agit de Jean-Pierre Bibring, de l’Institut d'Astrophysique Spatiale (Université Paris Sud, Orsay).
A suivre...
L'incrustation du schéma de Philae sur l'image panoramique prise par CIVA est intéressante. Est-ce que l'ESA décidera aussi, si l'orbite de Rosetta le permet, d'utiliser la caméra OSIRIS de Rosetta pour immortaliser l'exploit réalisé par l'Europe spatiale avec Philae et prendre une photographie de Philae ? La résolution ne sera pas très bonne mais ce serait assez emblématique de ce succès.
Un grand bravo à toutes les équipes qui y ont cru jusqu'au bout !
C'est vraiment un exploit incroyable pour l'Europe Spatiale qui n'a rien à envier aux autres grandes nations qui participent à la conquête spatiale.
Mercredi soir, joie et émotion des équipes scientifiques à la Cité de l'espace, ensuite le doute
avec les incertitudes sur l'état de Philae. Jeudi matin, bonnes nouvelles et perspective de faire
de la "bonne science" avec les données collectées par les instruments de Philae. Crédit image : Gédéon
Combien cela coûte ? A peu près 2 euros par citoyen européen. En ce qui me concerne, je suis près à remettre quelques pièces si on peut revivre de tels exploits et si cela permet de faire de la science de classe mondiale...
Poser avec précaution ? Juste deux rebonds et un peu de d'inquiétude pendant la nuit...
Mais c'est fait ! Crédit image : Gédéon
En savoir plus :
- La mission Rosetta sur le site de l'Agence Spatiale Européenne (ESA).
- Sur le site de l'ESA, le blog Rosetta.
- Sur le site du CNES, la page sur la mission Rosetta avec un lien vers des infographies très claires sur la phase d'atterrissage et les chiffres-clés de la mission.
- Un série d'images sur flickr montrant les coulisses des opérations au centre de contrôle de l'ESA à Darmstadt.
- Sur le site de l'ESA, une version très détaillée de la chronologie de l'atterrissage de Philae sur la comète.
- Sur le site du CNES, la conférence de presse du 13 novembre, avec Marc Pircher (directeur du CST) et Philippe Gaudon (chef de projet Rosetta).
- Sur le site de l'ESA, la conférence de presse du 13 novembre, en anglais, avec des explications détaillées sur l'atterrissage et la situation de Philae.
- Sur Google+, un lien pour suivre le nouveau briefing de l'ESA prévu le 14 novembre à 14h00.
- Sur Google+, quelques photographies pour revivre l'ambiance pendant l'atterrissage de Philae. Beaucoup de monde et beaucoup d'émotion...