La centrale photovoltaïque de Dunhuang en Chine. Image acquise le 13 octobre 2012 par le
capteur ALI du satellite américain EO-1. Crédit image : NASA
Comme à Gujarat en Inde, cette image de la région de Dunhuang en Chine montre l’installation progressive d’une centrale solaire entre 2006 et 2012.
Le contraste entre le sol nu du désert et les panneaux solaires rend facilement visibles les milliers de mètres carrés de cellules solaires installés dans le désert de Gobi sur ces images satellites acquises par le satellite américain EO-1.
Nous sommes ici dans la partie occidentale de la Chine, dans la province de Gansu. Entre le désert de Takla Makan, le plus grand désert de Chine, et le désert de Gobi, Dunhuang est historiquement une ancienne oasis et un poste de contrôle sur la route de la soie. La ville est également connue pour les grottes de Mogao, à 25 kms au sud-est, un ensemble de 492 temples bouddhistes classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Avec ALI, on reste baba
Deux autres images acquises en 2011 et en 2006 permettent de mesurer l’extension de la surface des panneaux solaires : en 2006, c’est encore totalement désert, en dehors des exploitations agricoles sur la droite de l’image. La société CGN Solar Energy Development Co démarre la construction en août 2009. La production commence mi 2010. En 2011, la surface de cellules solaires est déjà bien visible. En 2012, elle a plus que quadruplée par rapport à 2011.
L’évolution de la surface de panneaux photovoltaïques sur le site de Dunhuang en Chine.
A gauche, image prise le 6 octobre 2011 par le capteur ALI du satellite américain EO-1.
A droite, image prise le 17 octobre 2006. Crédit image : NASA
La puissance totale installée est de 10 Mégawatts. La production annuelle est de 18000 MWh. L’objectif à terme et de porter la capacité à 1 Gigawatts, soit un million de Kilowatts, en 2020 : Avec 3500 km2 de sols inoccupés à proximité, pas de problème de place dans cette région désertique où l’ensoleillement annuel est exceptionnel (3250 heures par an).
La difficulté principale est l’élimination du sable et de la poussière qui s’accumulent à la surface des panneaux et dégradent le rendement des cellules solaires. Pas évident de les passer au jet dans une région où l’eau manque…
L’empire du milieu passe devant…
La Chine était déjà le premier producteur mondial de panneaux solaires photovoltaïques. Elle devient elle-même un débouché important pour les équipements qu’elle fabrique, devant l’Europe : au dernier trimestre 2012, un tiers des panneaux solaires vendus dans le monde ont été installés en Chine. Les deux années précédentes, la proportion ne dépassait pas 10 % du marché mondial.
En 2011, la capacité installée représente au total 3,3 GW, quatre fois plus que la puissance disponible en 2010. En décembre 2012, Meng Xiangan, vice-président de la Société des Energies renouvelables de Chine (SERC) a annoncé que la Chine pourrait doubler sa capacité installée en termes d'énergie solaire à 40 gigawatts (GW) d'ici 2015 contre l'objectif initial de 21 GW.
Des chiffres impressionnants mais à relativiser quand on les compare à la production totale d’énergie dans le monde et la part de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. Les figures suivantes montrent des chiffres provenant du rapport pulié par l’Agence Internationale de l’énergie en 2012. Ils donnent :
- La part de l’électricité dans la consommation totale d’énergie dans le monde en 1973 et en 2010.
- Le type d’énergie primaire utilisée pour produire cette électricité. C’est en forte augmentation mais la catégorie « other » (qui inclut le solaire) ne représente encore que 3,7% du total des 21431 TWh produits en 2010.
- La répartition géographique de la consommation d'électricité. La progression de la Chine, qui passe de 2,8% en 1973 à près de 20% en 2010, est impressionnante.
Part de l'électricité et des nouvelles énergies dans la consommation mondiale d'énergie,
en 1973 et en 2012. Source : EIA (Agence Internationale de l'Energie)
et distribution géographique. Source : EIA (Agence Internationale de l'Energie)
Enquête antidumping : la Chine mise à pied ?
La Chine représente environ 65% de la production mondiale des panneaux solaires. L'Union Européenne est de loin son premier marché avec, selon la Commission Européenne, 80% des exportations chinoises. En 2011, la Chine a exporté vers l'UE pour 21 milliards d'euros de panneaux solaires et de composants. La forte présence chinoise sur le marché a déclenché une bataille commerciale avec l’Europe : en novembre 2012, la Commission Européenne ouvrant une enquête antisubventions (antidumping) visant les importations de cellules photovoltaïques, à la suite d'une plainte du groupement d'entreprises européennes EU Pro Sun.
Le 5 février 2013, une nouvelle plainte anti-dumping a été déposée auprès de la Commission européenne, visant les verres solaires exportés par la Chine, par l’EU ProSun Glass, qui regroupe les industriels du secteur. Le verre solaire est l'une des matières premières utilisées pour la fabrication de panneaux solaires. "Pratiquement 90% du verre solaire importé en Europe provient déjà de la Chine et touche durement les emplois et les usines en Europe en raison du dumping destructeur pratiqué", affirme EU ProSun dans un communiqué.
De l’énergie pour une grande puissance
Quand on regarde les chiffres, il est important de bien faire la différence entre puissance et énergie. Il est fréquent que la confusion soit faite dans les médias, y compris par des journalistes scientifiques.
- L’énergie : en physique, l'énergie est la capacité à modifier un état, à produire un travail entraînant un mouvement, un rayonnement électromagnétique ou de la chaleur.
- La puissance d’une machine est l’énergie qu’elle fournit pendant une unité de temps. Pour les installations électriques décrites ci-dessus, cela correspond à la capacité installée.
Les unités de puissance et d’énergie : le watt, c’est coton…
Dans le système international, on mesure l’énergie ou le travail en joules (J) : le joule est défini comme étant le travail d’une force d’un Newton dont le point d’application se déplace d’un mètre dans la direction de la force. Un watt, unité du système international, est la puissance d’une machine qui fournit un joule toutes les secondes. A l’inverse un Wh est l’énergie fournie en une heure par une machine ayant une puissance de 1 watt.
Dans la vie courante, le joule représente une petite quantité d’énergie. On utilise les multiples en milliers : kilo joule (1 kJ soit 103 J), méga joule (1 MJ = 106 J), giga joule (1 GJ = 109 J).
En pratique, d’autres unités sont fréquemment employées selon les types d’utilisation :
- En thermique, la calorie (cal) : la quantité de chaleur nécessaire pour élever d’un degré Celsius la température d’un gramme d’eau. La définition complète précise qu’il s’agit de la quantité de chaleur nécessaire pour élever un gramme d’eau dégazée de 14,5°C à 15,5°C sous un bar de pression atmosphérique. 1 cal = 4,1855 J.
- En électricité, le Kilowatt-heure (kW.h ou kWh) : est l’énergie consommée par un appareil de 1000 watts pendant une durée d’une heure. On parle également de mégawatt-heure (MWh) et le gigawatt-heure (GWh). 1 kWh = 3,6.106 J.
- La tonne de TNT : c’est l’énergie libérée lors de l’explosion d’une tonne d’un explosif appelé TNT. Remarque : même si la valeur varie avec les conditions d’environnement de l’explosion, son usage reste très répandu dans le monde militaire. 1 tonne de TNT = 4,184.109 J.
- Pour les économistes, la tonne d’équivalent pétrole (tep ou toe en anglais) : l’énergie d’une tonne de pétrole « moyen avec ces multiples : ktep (103 tep), Mtep (106 tep). 1 tep = 4,186.1010 J ou l’équivalent de 7,33 barils de pétrole. Les chiffres des camemberts publiés plus haut sont exprimées en Mtoe, de millions de « tonnes of oil equivalent ».
- La tonne d’équivalent charbon (tec) utilisées pour les autres produits énergétiques : essence, fuel lourd, coque de pétrole, gaz, lignite… 1 tec = 2,930.1010 J.
- A l’autre extrémité, pour les petites énergies, les scientifiques utilisent l'électron volt (eV) : c’est énergie cinétique gagnée par un électron accéléré par une différence de potentiel d’un volt. 1 eV = 1,602.10-19 J.
Rendement et efficacité : ne pas tomber dans le panneau
Une dernière notion importante : le rendement ou l’efficacité d’une cellule solaire. Le C’est le rapport entre l’énergie électrique produite par cette cellule ou module et l’énergie lumineuse reçue sur la surface correspondante. L’énergie solaire reçue dépend de la région et varie au cours de la journée et au fil des saisons.
Par exemple, les cellules utilisées actuellement par les voitures solaires qui participent aux défis solaires organisés à Toulouse sont en majorité des cellules Everbright de 80 mm sur 150 mm. Chaque cellule peut délivrer une puissance maximale de 1,75 W (soit une tension de 0,5 V et un courant de 3,5 A). 1 panneau d’un mètre carré fournit donc une puissance maximale d’un peu moins de 150W.
En juin 2012, une calculatrice solaire comme celle proposée sur le site de l’académie de Nantes donne un flux solaire d’environ 900W/m2 à 14h00 au moment du départ de la course. Le rendement des cellules poly-cristallines étant proche de 16%, on obtient une puissance maximale d’environ 145 W/m2 proche du maximum théorique (si un des participants à la course a effectué des mesures de flux solaire sur sa voiture et de puissance électrique fournie par les cellules solaires, merci de poster un commentaire à la fin de cet article).
Les défis solaires en juin 2012 : les voitures solaires et les concurrents juste avant le départ
de la course d’endurance. Crédit image : Gédéon
Le rendement des cellules photovoltaïques dépend de leur technologie. Pour les cellules utilisées dans les installations domestiques (cellule monocristalline, poly-cristallines ou amorphe), les rendements peuvent varier entre 8 à 20%.
Rien à voir avec les rendements obtenus en laboratoire par les nombreuses équipes de recherche qui cherchent à améliorer l’efficacité des cellules photovoltaïques. On flirte avec les 44%. Le tableau ci-dessous, publiée par le National Renewable Energy Laboratory (NREL) montre les tendances par famille de technologies, des plus anciennes aux solutions émergentes.
Attention : ce qu’on obtient en laboratoire ne débouche pas nécessairement sur une application pratique. Il faut encore maîtriser le processus de fabrication en série, à un coût acceptable. Pas toujours évident…
Tableau montrant l’évolution de l’efficacité des cellules photovoltaïques par type de technologies.
Crédit image : NREL.
Dans l’espace aussi…
Aujourd’hui, l’énergie solaire est également la principale source d’énergie pour les satellites en orbite autour de la Terre.
Au sommet de l’atmosphère, le flux solaire moyen est de 1368 W/m2 (on le calcule avec la loi de Stefan-Boltzmann). C’est ce qu’on appelle la constante solaire, caractéristique de chaque planète. Elle est environ deux fois plus grande sur Vénus, plus proche du soleil, et deux fois plus petite sur Mars. A proximité de Jupiter et Saturne, elle n’est respectivement que de 50W/m2 et 10 W/m2.
A cette distance du soleil, même avec l’efficacité très élevée des cellules à triple-jonction utilisées dans le spatial, cela devient compliqué de s’alimenter avec des panneaux solaires. C’est la raison pour laquelle plusieurs sondes emportent plutôt un générateur thermoélectrique à radio-isotopes (RTG en anglais, pour Radioisotope Thermoelectric Generator ) .
Sur Mars, le rover Curiosity de la mission MSL, fonctionne grâce à un RTG. Il doit en effet faire face aux mêmes problèmes que la centrale solaire de Dunhuang : le vent et l’accumulation de poussière sur les panneaux qui réduisent considérablement leur efficacité.
Pour les missions proches du soleil, comme la sonde Bepi Colombo de l’ESA, les problèmes sont différents : c’est d’abord l’environnement thermique qui est contraignant, pour l’efficacité des cellules ou simplement leur résistance mécanique.
Pour revenir aux satellites d’observation, le blog Un autre regard sur la Terre proposera prochainement un article détaillé sur le fonctionnement du système électrique du satellite Pléiades. Il complètera la série commencée avec le système de contrôle d'attitude de Pléiades. On comparera également les solutions utilisées en orbite héliosynchrone et en orbite géostationnaire.
En savoir plus :
- « Key world Energy Statistics 2012 » : les statistiques de production et de consommation d’énergie de l’Agence Internationale de l’Energie (IEA).
- Un article sur les « défis solaires » organisés par Planète Sciences Midi-Pyrénées, le lycée Déodat de Séverac et la cité de l’espace.
- Un article avec des images de la centrale solaire de Gujarat en Inde.
- Sur le site de Planète Sciences, les pages sur les défis solaires et les blogs des équipes participantes.
- Sur le site de l'académie de Nantes, une calculatrice solaire pour estimer les flux solaires selon la région.
Suggestion d’utilisations pédagogiques en classe :
- Travail sur les notions de puissance et d'énergie avec des manips expérimentales en physique, thermodynamique et électricité. Un défi par exemple : mesure la constante solaire en faisant chauffer de l'eau.
- Participer à l'édition 2013 des défis solaires.