Le jour se lève : c’est l’automne. La terre vue par le satellite européen Météosat 10
le 23 septembre 2014 à2h29 UTC. Crédit image Eumetsat.
Equinoxe
J’ai failli rater l’équinoxe d’automne ! Vous aussi, vous n’avez pas vu passer l’été ? C’est dommage, il s’est terminé avant-hier et il est vrai que la météo a été plutôt capricieuse en France.
Le 23 septembre 2014, très exactement à 2h29 UTC, c’était donc l’équinoxe d’automne, un des deux moments de l’année ou la durée du jour et celle de la nuit sont égales.
Si vous vous intéressez aux saisons, je vous renvoie aux articles déjà publiés sur ce sujet sur le blog Un autre regard sur la Terre. Vous verrez en particulier comment les satellites météorologiques mettent en évidence l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre, au moment des deux solstices d’hiver et d’été, et aident à comprendre le phénomène des saisons.
Les quatre saisons : Ici Vivaldi n’y est pour rien... Ce sont des images de Meteosat 10 acquises
dans le spectre visible qui mettent en évidence l’alternance des saisons au cours de l’année.
Pour 2014, équinoxe de printemps le mars, solstice d’été le juin, équinoxe d’automne le 23 septembre
et solstice d’hiver le 21 décembre. Crédit image : Eumetsat.
Plusieurs fois par jour ou deux fois par an : les satellites s’éclipsent
Aujourd’hui, on ne va pas parler de satellites d’observation de la Terre. A relativement basse altitude, entre 400 km (pour l’ISS) et 800 km (pour Spot 5), leur période de rotation est de l’ordre de 90 à 100 minutes. Ils passent ainsi plusieurs fois par jour dans l’ombre de la Terre, période pendant laquelle les panneaux solaires ne sont pas éclairés : c’est la batterie de bord qui fournit alors l’électricité.
En orbite géostationnaires, deux périodes d’éclipse par an
Qu’en est-il pour les satellites géostationnaires, ceux utilisés pour la météorologie qui fournissent les images illustrant cet article ou les gros satellites de télécommunications qui nous retransmettaient en juillet les images de la coupe du monde de football au Brésil ou les jeux olympiques de Sotchi cet hiver ?
Se poser la question est une bonne occasion de faire un peu de géométrie dans l’espace.
A priori, on pourrait penser que, tournant à la même vitesse relative que la Terre, les satellites géostationnaires suivent la même alternance des jours et des nuits qu’un habitant de notre planète. Effectivement, s’il y avait un passager à bord d’un satellite géostationnaire, il verrait la surface de la Terre s’éclairer puis s’assombrir au fil des levers et des couchers du soleil. Les instruments d’observation des satellites météorologiques sont les témoins de la nuit… chaque jour. C’est pour cette raison que ces satellites embarquent des instruments fonctionnant dans l’infrarouge thermique pour pouvoir suivre l’évolution de la couverture nuageuse 24 heures sur 24.
Série d’images de la Terre prises dans le spectre visible par le satellite Meteosat 10
le 23 septembre 2014 entre 6h00 et 18h00 UTC. Crédit image : Eumetsat
Par contre, saviez-vous que les grands panneaux solaires des satellites géostationnaires ne sont presque jamais dans l’ombre de la Terre ?
Magique ? Non, les générateurs solaires sont montés sur des mécanismes de rotation (SADM pour Solar Array Driving Mechanism en anglais) et orientent toujours leur surface sensible dans la direction du soleil.
Pourquoi ne sont-ils presque jamais dans le cône d’ombre de la Terre ? C’est grâce à l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport au plan de l’orbite de la Terre autour du soleil.
Presque jamais ? Si deux fois par an, justement autour de la période des équinoxes.
23,5° le matin, le soir aussi…
En dehors des périodes d’équinoxes, les satellites en orbite géostationnaire sont toujours exposés à la lumière du soleil.
C’est l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre, 23,5° par rapport au plan de l’écliptique, qui leur permet de ne jamais passer dans le cône d’ombre de la Terre, comme l’illustre le schéma suivant montant le point de vue d’un observateur regardant le plan de l’orbite du satellite.
Orbite d’un satellite géostationnaire et direction du soleil en dehors des périodes d’équinoxe.
Le satellite n’est jamais dans le cône d’ombre de la Terre.
Crédit image : Planète Sciences Midi-Pyrénées
C’est un bon petit exercice de géométrie spatiale avec deux conditions : d’une part, combiner mentalement deux mouvements dans deux plans différents (celui de la Terre autour du soleil et celui du satellite autour de la Terre) et, d’autre part, se mettre à la place du satellite.
Quelques ordres de grandeur des dimensions et des distances aident à bien comprendre :
- Pour effectuer une révolution en 24 heures, les satellites en orbite géostationnaire ont une altitude de 35786 km par rapport à la surface de la Terre.
- C’est un peu moins de 3 fois le diamètre de la Terre (environ 12760 km)
- Un petit calcul de trigonométrie vous montrera qu’à cette altitude le disque terrestre est vu sous un angle d’environ 17,4°. Par exemple un satellite de télédiffusion devrait avoir une antenne ayant cette directivité pour « arroser » pratiquement un hémisphère terrestre complet. En pratique, les satellites de télécommunications sont souvent conçus pour servir des régions bien déterminées (l’Europe, le nord de l’Afrique, etc.)
L’axe de rotation de la Terre et le plan de l’orbite équatoriale sont donc inclinés de 23,5° par rapport à la direction du soleil. Au cours de la course annuelle de la Terre autour du soleil, l’axe de rotation conserve la même direction : celle de l’étoile polaire.
D’autres articles du blog Un autre Regard sur la Terre vous expliquent que cette configuration est à l’origine du phénomène des saisons.
En ce qui nous concerne aujourd’hui, il faut retenir que le soleil apparaît plus ou moins haut sur l’horizon au cours de l’année. En période d’été ou d’hiver, autour des deux solstices, à midi, il apparaît très haut dans le ciel dans un des hémisphères et très bas dans l’autre. Il y a une différence de 47° environ, qui correspond à l’écart entre les deux tropiques du Cancer et du Capricorne.
Pendant ces périodes, à presque 36000 kilomètres d’altitude, nos satellites ne voient donc jamais le soleil se coucher derrière la Terre. Leur panneaux solaires, s’ils sont correctement orientés, fournissent de l’énergie électrique en permanence.
Dans le hall départ d'Orly Ouest, le célèbre Astrolabe. A Toulouse, l'Astrolabe, tout près du CNES
et d'Intespace, c'est le grand bâtiment d'intégration des satellites de télécommunication
d'Airbus Defence and Space. Crédit image: Gédéon.
Marche à l’ombre
C’est vrai presque tout le temps, sauf… quand on s’approche des équinoxes, à l’automne et en hiver. Pendant ces périodes, le soleil va descendre suffisamment bas pour être masqué par la Terre : les satellites sont alors dans le cône d’ombre de la Terre : on parle de période d’éclipse.
Pendant la période d’équinoxes d’automne et de printemps, la direction du soleil et proche de
celle de l’équateur terrestre et un satellite en orbite géostationnaire traverse le cône d’ombre
de la Terre. Crédit image : Planète Sciences Midi-Pyrénées
Si vous avez envie de vous amuser encore un peu avec la géométrie dans l’espace, vous pouvez essayer de déterminer la durée de ces deux périodes d’éclipse centrée sur les deux équinoxes.
Les éclipses se produisent entre le 27 février et le 12 avril et entre le 1er septembre et le 16 octobre, soit deux périodes d’environ 44-45 jours.
Attention : c’est la durée pendant laquelle le soleil est masqué par la Terre, mais seulement pendant une partie de la journée.
C’est le jour de l’équinoxe que la durée de l’éclipse est maximale : le satellite doit traverser le cône d’ombre au niveau du diamètre. En considérant pour simplifier que les rayons solaires sont parallèles et que le cône d’ombre correspond au diamètre de la Terre, un petit calcul vous indiquera que la durée maximale de l’éclipse est de 70 minutes au maximum.
22 jours avant l’équinoxe, l’éclipse ne dure que quelques secondes. Sa durée augmente progressivement pour atteindre 70 minutes puis décroit dans les 22 Jours qui suivent l’équinoxe.
Autour de chaque équinoxe, la durée de l’éclipse varie pour atteindre un maximum d’environ
70 minutes par jour. Crédit image : Planète Sciences Midi-Pyrénées
AC/DC – Back in black: solo de batterie
Pendant la durée de l’éclipse, les générateurs solaires ne produisent pas d’électricité. D’accord, le mondial de football avait lieu en juillet. Mais les clients des opérateurs de satellites de télécommunication n’apprécieraient pas que leurs émissions soient interrompues au printemps ou à l’automne.
Voilà donc pourquoi les batteries sont si importantes : rechargées quand les panneaux solaires sont éclairés, elles assurent seule l’alimentation du satellite pendant la période d’éclipse.
Au sol, les équipes des opérateurs surveillent de près cette période d’éclipse : il faut être sûr que les batteries soient suffisamment chargées au moment où le satellite rentre dans la zone d’ombre. Il ne s’agit pas seulement d’alimenter la charge utile mais aussi de maintenir les équipements critiques à la bonne température. A l’ombre, il fait vite très froid dans l’espace et il faut s’assurer que les ergols ne gèlent pas ou que la température des cartes électroniques reste dans la plage de fonctionnement. Si nécessaire, on met sous tension des réchauffeurs, qui sont également alimentés par les batteries.
Allons, enfants de la batterie…
On comprend mieux l’importance de la performance des batteries à bord des satellites. Il y a un effort de recherche et développement permanent pour améliorer les technologies existantes, en particulier pour augmenter leur énergie spécifique, exprimée en Wh/kg.
Le gain de masse reste une priorité dans le spatial : chaque kilogramme en moins se traduit très vite en plusieurs dizaines de K€ dans la facture globale.
Depuis une dizaine d’année, la technologie Li-Ion (Lithium-Ion) a été spatialisée et a remplacé progressivement les batteries Nickel Hydrogène (NiH2) avec des gains de masse très importants, plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de kilos. Les batteries Li-ion de la société Saft fournissent par exemple une gamme de tension allant de 4V à 100V avec des capacités de 5,8 à 52 Ah niveau de la cellule, et jusqu'à 625 Ah en batterie.
En savoir plus :
- Sur le site d’Eutelsat, le guide du satellite de télécommunications.
- Sur le site d’Intelsat, un document sur les interférences solaires en période d’équinoxe d’automne ou de printemps.
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre, d'autres articles sur les saisons :
- C’est le printemps : voilà les giboulées de Mars !
- 21 décembre 2013 : c’est l’hiver ! Il fait froid…
- Incroyable mais vrai : c’est l’été, depuis le 21 juin
- 21/12/2012 à 12h12 : pas la fin du monde, juste l’hiver
- 23 septembre, le jour de l’automne : les solstices et les équinoxes vus par les satellites géostationnaires