Le lac Mackay en Australie. Image prise par l’instrument OLI du satellite Landsat 8 le 22 avril 2014
à 1h25 UTC. Crédit image : USGS.
Journée de la Terre
Aujourd’hui, si vous avez fait une recherche sur Google, le doodle, la petite image au-dessus de la zone de recherche, vous a appris, comme moi, que le 22 avril, un mois après le printemps, était la « journée de la Terre », créée en 1990 pour célébrer la naissance du mouvement environnemental en 1970 aux Etats-Unis.
Sentinelles de la Terre : autour de la Terre toute la journée
Dans un article récent, j’ai présenté la mission Sentinel-1A, lancée le 3 avril et qui vient de fournir ses premières images. Je reviendrai en détail sur les 6 satellites Sentinel du programme européen Copernicus en cours de développement.
Pour la première fois, Copernicus va amener une infrastructure opérationnelle au niveau européen. Par contre, l’étude et la surveillance de l’environnement au niveau global n’ont pas attendu GMES ou Copernicus et s’appuient également sur de nombreux satellites d’observation développés au niveau national (par exemple les filières spot et Pléiades en France) ou en coopération bilatérale (par exemple la filière altimétrie spatiale, également très importante à Toulouse, qui est à l’origine une coopération franco-américaine sur Topex-Poséidon puis Jason).
Bien avant les images des satellites Sentinel, ce sont ces satellites, appelés « GMES Contributing Missions » dans le jargon de l’Agence Spatiale Européenne et de la Commission Européenne, qui ont permis de mettre en place les premiers services de GMES puis de Copernicus. Certains de ses services, comme la fourniture d’images en urgence après une catastrophe naturelle (Copernicus Emergency Mapping Service), continueront d’ailleurs à utiliser principalement les données des missions nationales : dans le cas des crises et des catastrophes, elles permettent, par leur nombre et leurs caractéristiques, d’offrir à la fois la fréquence de revisite et la résolution que recherchent les professionnels de la protection civile.
24 heures autour de la Terre avec les satellites d’observation
Pour célébrer à sa manière la journée de la Terre, le blog Un autre regard sur la Terre propose une série d’images provenant de satellites d’observations. Les images présentées ici ont toutes été acquises dans la journée du 22 avril 2014. Comment les trouver : en consultant les « catalogues d’images » des principaux fournisseurs et opérateurs de satellites d’observation
L’image ci-dessous montre par exemple la consultation du catalogue Geostore d’Airbus Defence and Space, en choisissant comme zone d’intérêt une région étendue autour du Danemark et de la ville de Copenhague. Pour la petite histoire, Copenhague, c’est le siège de l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA pour European Environment Agency) où on s’intéresse à l’environnement plus souvent que tous les 22 avril….
Extrait du catalogue Geostore d’Airbus Defence and Space pour la journée du 22 avril 2014.
La copie d’écran montre l’emprise des images acquises par Spot 5, Spot 6, Pleiades-1A, Pleiades 1B, quatre satellites optiques, et TerraSAR-X, l’un des deux satellites radar. Tous ces satellites sont opérés par la division Geoinformation d’Airbus Defence and Space. Par exemple, la vignette est un apercu (quicklook) d’une image acquise par Pleiades 1B le 22 avril 2014 à 10h38 UTC. Elle montre des parcelles agricoles dans la région du Jutland à l’ouest de la ville d’Holstebro. Comme dans d’autres régions agricoles, le contraste avec la zone forestière de Kloster Hede est frappant. Sur ces vignettes, la résolution est très dégradée par rapport à la qualité de l’image d’origine.
Sur son site, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) publie une image de la Ville de Copenhague acquise par Spot 5 le 21 avril 2011 pour rappelle que le thème de la Journée de la Terre est « les villes vertes » (Green Cities)
24 heures chrono… A 27000 km/h
En route donc, pour 24 heures en orbite autour de la Terre. Mettez-vos lunettes de soleil car on va garder le soleil dans les yeux toute la journée.
La première image présentée en haut de cet article provient du satellite Landsat 8. Elle a été acquise le 22 avril 2014 à 1h25 UTC au moment où il survole l’Australie. Il est alors 10h55 en heure locale. L’image montre le lac Mackay, à la limite entre le Territoire du nord (Northern Territory) et l’Australie Occidentale. C’est le deuxième lac salé d’Australie après le lac Eyre : il mesure environ 100 kilomètres sur 100.
A 705 kilomètres d’altitude, un tout petit peu plus haut que les satellites Spot 6 et Pleiades, Landsat 8 boucle une orbite en 99 minutes : à 2h47, il survole la baie de Bohai, l’embouchure du fleuve Hai He et le port de Tianjinn, le plus grand port du nord de la Chine, à environ 120 kilomètres de Pékin.
En Chine, le port de Tianjinn et la baie de bohai vue par le satellite Landsat 8 le 22 avril 2014
à 2h47 UTC. Crédit image : USGS
A l’heure où Landsat 8 prend cette image, il est 10h47 en heure locale… Deux heures plus tard environ, le satellite survole le Delta du Gange entre l’Inde et le Bangla Desh. Il est 4h31 UTC soit 10h00 en heure locale.
Le delta du Gange vu par le satellite Landsat 8. Image acquise le 22 avril 2014 à 4h31 UTC.
Crédit image : USGS.
Zoom sur le zoo
On continue notre voyage en suivant la course du Soleil.
5h17 UTC soit 6h17 en heure locale à Berlin. Le soleil vient de se lever : dans le großer Tiergarten, les oiseaux chantent mais il est encore trop tôt pour les satellites optiques. C’est le radar du satellite TerraSAR-X qui nous fournit cette image où on reconnaît facilement la géométrie des avenues qui convergent vers la colonne de la Victoire (Siegessäule) au milieu du Tier Garten traversé d’est en ouest par la rue du 17 juin (Straße des 17 Juni), dans le prolongement de Unter den Linden. A cette heure-là, s’il pouvait prendre une image, un satellite d’observation optique montrerait une ombre très allongée de la colonne de la victoire dans l’axe de la rue du 17 juin, dans la direction opposée à la porte de Brandebourg.
La partie ouest Berlin, le Tier Garten, le Neuer See et le fleuve Spree vus par le satellite radar
TerraSAR-X. Image acquise le 22 avril 2014 à 5h17 UTC. Vignette extraite du catalogue Geostore
d’Airbus Defence and Space. La résolution est très réduite par rapport à celle de l’image
en plein format. Copyright DLR – Airbus Defence and Space / Infoterra GmbH.
C’est coton : la plus importante catastrophe environnemental du XXème siècle
Une petite marche arrière vers l’est et l’Asie centrale pour survoler la mer d’Aral, qui a une grande valeur symbolique pour les questions d’environnement et d’action irréversible de l’homme sur la planète. Il est 7h05 UTC soit 12h05 en heure locale quand le satellite Terra survole l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. La mer d’Aral n’a de mer que le nom et je vous invite à voir son évolution à travers 50 d’ans d’images satellites. Si vous possédez un vieil Atlas ou une planisphère ancienne, vérifiez comment était représentée la mer d'Aral sur les cartes à l'époque...
La mer d’Aral vue par l’instrument MODIS du satellite Terra. Image acquise le 22 avril 2014
à 7h05 UTC. Crédit image : NASA / GSFC / MODIS Rapid Response
35784 km : on prend de la hauteur
Toutes les images qui précèdent proviennent de satellites qui opèrent sur des orbites entre 514 km (TerraSAR-X) et 710 km d’altitude (Terra).
Pour avoir une vue d’ensemble de la Terre, il faut s’éloigner et rejoindre l’orbite géostationnaire, là où opèrent les satellites météo comme Meteosat 10. Evidemment, en s’éloignant, on réduit le niveau de détail : alors que l’instrument Pléiades mesure des détails de 70 cm, la résolution au sol de l'instrument SEVIRI de Météosat est de 1000 mètres.
Voici comment Meteosat 10, à la verticale du méridien de Greenwich (0° de longitude) voyait la terre le matin du 22 avril 2014 à 8h00 UTC, soit 10h00 en heure locale pendant la période de l’heure d’été. A ce moment précis, à Toulouse, le soleil est levé depuis environ 3 heures (lever à 7h02 selon les éphémérides de l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides).
La Terre, le matin du jour de la Terre. Image du satellite Meteosat 10 acquise le 22 avril 2014
à 10h00 UTC. Crédit image : Eumetsat
C’est quand même rassurant de constater que la terre est ronde (même si tout ne tourne pas rond) et même sphérique que le montre la forme de la limite entre la partie éclairée par le soleil et la partie dans l’obscurité.
En restant à la même altitude, on traverse rapidement l’Atlantique en faisant un quart de tour de la Terre pour rejoindre deux satellites météo américains, GOES East (sur la longitude 75°W) et GOES West (sur la longitude 135°W).
Les deux images suivantes ont été acquises respectivement à 17h45 et 18h45 UTC. La première image est une image dans le spectre visible. La seconde image est une image infrarouge dans le canal centré sur 10,7 µm.
Deux images des satellites météo GOES. En haut, image du satellite GOES East dans le spectre
visible acquise le 22 avril 2014 à 17h45 UTC. En bas, image dans le canal infrarouge
centré sur 10,7 µm. Les couleurs « rainbow » permettent de mieux mettre
en évidence les différences de températures.
Crédit image : NOAA / National Environmental Satellite Data, and Information Service
En redescendant à un peu moins de 700 kilomètres d’altitude, on retrouve Spot 6 et Pléiades qui ont également fini par traverser l’Atlantique, en tournant sur leur orbite quasi-polaire. Voici par exemple un « quicklook » (un aperçu d’image visible sur le catalogue Geostore présenté plus haut) d’une image acquise par Pléiades 1B à l’extrémité est de l’île de la Jamaïque. L’image a été prise à 15h45 UTC soit 10h45 en heure locale. Un peu au nord, on trouve le massif des Blue Mountains où on cultive le célèbre café. Je vous conseille d’en reprendre une tasse pour tenir jusqu’au bout de nos 24 heures : les images ne sont pas disponibles immédiatement après leur acquisition, il faut attendre qu'elles soient reçues par une station sol, rapatriées dans le système d'archivage et mises au catalogue. Il faut veiller tard pour les images de 23h59 UTC...
L’est de l’île de la Jamaïque et la ville de Port Morant, à l’est de Kingston. Aperçu d’une image
acquise par le satellite Pléiades 1B le 22 avril 2014 à 15h45 UTC. Copie d’écran du catalogue
Geostore d’Airbus Defence and Space
A peu près au même moment, le satellite Terra survolait la Floride et Cuba et la couleur de l’eau vue par son instrument MODIS donnait envie d’aller se baigner dans les Caraïbes en milieu de matinée : il est alors 10h30 en heure locale soit 15h30 UTC.
Earth Day : la Floride, Cuba et les Bahamas vus par l’instrument MODIS du satellite Terra le 22 avril
2014 à 15h30 UTC. Crédit image : NASA / GSFC / MODIS Rapid Response
3 heures plus tard… L’orbite de Pléiades s’est déplacée vers l’ouest à travers les Etats-Unis. Il est 18h12 UTC soit 12h12 en heure locale quand Pléiades 1A, avec une incidence élévée (30°) prend cette image de Los Mochis dans la province de Sinaloa, sur la côte sud-est du Golfe de Californie.
Sur la côte est du Mexique et du golfe de Californie, la ville de Los Mochis, très claire en haut
à droite, entourée de parcelles agricoles irriguées. Quicklook d’une image prise par
le satellite Pleiades-1A le 22 avril 2014 à 18h12 UTC.
Copyright CNES 2014 - Distribution Airbus Defence and Space / Spot Image
Une petite dernière pour rêver des îles du Pacifique. On boucle presque notre tour de la Terre en retrouvant Landsat 8. Il est 19h31 UTC, 9h31 en heure locale. Nous sommes assez loin de tout, à 141° de longitude ouest et 14° de latitude sud, dans l’archipel de Tuamotu en Polynésie française. L’extrait de l’image montre les îles Napuka, à l’est, et Tepoto Nord. La couleur des eaux de l’Atoll de Napuka, 11 km sur 5 environ, fait rêver mais cela s’appelle quand même les îles du désappointement et Napuka est l’île de la désolation… Tahiti est à 1000 km environ.
Dans l’archipel de Tuamotu, les îles Tepoto nord et Napuka vues par le satellite Landsat 8
le 22 avril 2014 à 19h31 UTC. Crédit image : USGS
Un enjeu : la continuité des observations
Cet article ne montre donc que des images acquises le 22 avril, pratiquement dans une fourchette d’heures locales assez étroite pour les instruments optiques. J’espère que cela vous donne à nouveau une idée de la diversité des applications des satellites d’observation dans le domaine de l’environnement.
Par contre, comme pour la météorologie, il est très important que les satellites ne remplissent une mission opérationnelle, au service de l’environnement, de l’étude de l’évolution du climat, de la déforestation ou de l’élévation de la hauteur de la mer que s’ils sont capables de fournir de longues séries temporelles.
Une image du 22 avril, si elle est seule, ne sert à rien.
Une fois en orbite, les satellites deviennent invisibles. Même s’ils ont des durées de vie de plus en plus impressionnantes, il n’est donc pas inutile de rappeler le jour de la journée de la Terre qu’il faut penser à les renouveler de temps en temps…
Happy Earth day
C’est le 22 avril 1970 que Gaylord Nelson, sénateur du Wisconsin, mobilise les citoyens et les étudiants et les incite à lancer des projets de sensibilisation à l'environnement dans leurs communautés : c’est la première manifestation environnementale d'envergure sur le territoire américain qui contribue à intégrer les questions environnementales dans l’agenda politique.
A l’école, des projets scientifiques pour découvrir l’environnement…
En France, Planète Sciences fait partie des nombreuses associations, regroupées par exemple dans le réseau GRAINE (Groupement régional d'animation et d'information sur la nature et l'environnement), qui incitent les jeunes et les enseignants à se lancer dans des actions d’initiation et d’éducation à l’environnement.
L’originalité de l’approche de Planète Sciences est de proposer de développer des projets d’étude de l’environnement, permettant de vivre une démarche scientifique expérimentale et un véritable projet en équipe.
En savoir plus :
- D’autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur le thème de l‘environnement.
- Le site nelsonearthday.
- Un autre article sur la Journée de la Terre en 2013.
- Le site de Planète Sciences Midi-Pyrénées.
- Geostore, le catalogue d’images d’Airbus Defence and Space.
- Sur le site de l’USGS, Earth Explorer, le catalogue d’images Landsat 8.
- Sur le site de la NASA, la catalogue des images MODIS des satellites Aqua et Terra.