29 avril 2021 : lancement réussi de la mission Vega VV8.
Mise en orbite du premier satellite Pleiades Neo et de cinq autres satellites.
Crédit image : Arianespace / ESA / CNES / Optique vidéo du CSG
Il y a 35 ans, dans les jours qui suivaient l’explosion du réacteur numéro 3 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le grand public découvrait les images du satellite SPOT 1 qui montraient des détails de 10 mètres de résolution. On parlait alors de satellite commercial à haute résolution.
Lancés en 2011 et 2012, les deux premiers satellites Pleiades prenaient le relais de la famille SPOT, avec des images à 50 cm de résolution.
Dix ans plus tard, une nouvelle étape est franchie avec le lancement réussi du premier satellite Pléiades Neo le 29 avril 2021 à 1h50 UTC, soit 3h50 du matin à Toulouse, la capitale européenne de l'observation de la Terre, là où les satellites SPOT, Pléiades et Pléiades ont été conçus et assemblés : les lancements de satellites héliosynchrones, c'est toujours réservé aux space geeks et aux insomniaques. Même avec un lancement pile à l'heure prévue, ça pique un peu les yeux...
Vue d’artiste du satellite à très haute résolution Pleiades Neo.
Crédit image : Airbus Defence and Space
Un seul lancement, deux gros enjeux
L’enjeu était très important pour la première mission de l’année au Centre Spatial Guyanais et la troisième pour Arianespace après les deux lancements de satellites Oneweb effectués en Russie.
D’abord, pour Arianespace : la mission VV18 est le retour en vol du lanceur Vega après l’échec de la mission VV17 le 17 novembre 2020, échec causé par une inversion des câbles des actionneurs électromécaniques du système de contrôle de vecteur de poussée de l’étage supérieur AVUM. Le bon fonctionnement de la fusée Vega est une bonne nouvelle.
Ensuite, pour Airbus Defence and Space : le lancement du premier Pleiades Neo prépare la mise en service d’une toute nouvelle génération de satellites d’observation optiques permettant de voir un niveau de détail inédit pour des satellites commerciaux européens : 30 cm !
Pléiades Neo 3 : le premier de la constellation Pléiades Neo ?
Le premier est le numéro 3… Est-ce qu’Airbus Defence and Space s’est inspiré de la numérotation des épisodes de Stars War. Après la revanche des Sith, l’arrivée du 30 ?
Plus simplement, le numéro 3 marque peut-être la filiation avec les deux premiers satellites Pléiades, alias Pléiades-1A et Pléiades-1B. Vous suivez toujours ?
Filiation mais avec de gros changements et des nouveautés à tous les niveaux : contrairement aux premiers satellites Pléiades, Pléiades Neo a été entièrement financé, fabriqué et sera exploité par Airbus Defence and Space qui conçoit et réalise à la fois la plateforme du satellite et son instrument d’observation.
Les quatre satellites devaient initialement être lancés deux par deux sur le lanceur Vega C. Les alea des programmes en ont décidé autrement. Par prudence, après les premiers échecs de la fusée Vega, il a été décidé que le premier vol n’emporterait qu’un des quatre satellites de 920 kg. Il restait un peu de place pour d'autres passagers...
Intégration du satellite Pleiades Neo 3 et des 5 autres satellites sous la coiffe du lanceur Vega VV18.
Cliquer sur les images pour les voir en grand format.
Crédit image : CNES / ESA / Arianespace / Optique vidéo du CSG
Retour en vol de la fusée Vega après l'échec de la mission VV17
L’illustration suivante montre la chronologie détaillée et le profil de la mission Vega VV18 :
Chronologie et profil de la mission Vega VV18. Illustrations extraites du kit d’information publié par Arianespace.
Crédit image : Arianespace
Le satellite Pleiades Neo a été injecté en orbite environ 54 minutes et 30 secondes après le décollage.
Passagers auxiliaires
Les cinq autres satellites fixés sur le système de lancement de petits satellites (SSMS) ont été éjectés au bout d’une heure et 42 minutes. Il s’agit de :
- NorSat-3 développé par Space Flight Laboratory (SFL) pour l’Agence Spatiale Norvégienne. NorSat-3 emporte un détecteur de radar de navigation (AIS) expérimental pour la surveillance maritime.
- BRAVO, un Cubesat 6U fabriqué par NanoAvionics pour Aurora Insight avec une charge utile d’analyse radiofréquence.
- Deux satellites 3U Lemur-2 pour la société Spire, collectant des données pour la surveillance maritime, aéronautique et météorologique.
- Tyvak-182A (alias Eutelsat ELO alpha), un cubesat 6U fabriqué par Tyvak pour le compte d’Eutelsat et destiné à servir de relais de transmission IOT (Internet des objets).
Résolution, qualité image, agilité : les ingrédients pour couvrir de grandes surfaces avec la meilleure résolution
920 kg sur la balance pour le beau bébé Pleiades NEO : un mastodonte par rapport aux 5 passagers auxiliaires que je viens de décrire ?
En fait, il n'y a pas de mystère : même dans le fameux "new space", les lois de la physique continuent à s'appliquer... Pour voir des détails fins avec une excellente qualité image depuis 620 km d'altitude, il faut un gros diamètre de télescope. Et pour pouvoir le pointer rapidement dans n'importe quelle direction pour couvrir toute la surface de la Terre, il faut, comme en astronomie un "trépied" stable et costaud. En orbite, sans point d'appui, c'est la plateforme du satellite et ses actionneurs gyroscopiques qui assurent cette fonction. Elle est dimensionnée en proportion de l'instrument et des performances en "agilité" que le satellite doit assurer : on n'est pas du tout ici dans le domaine des cubesats 6U ou même 27U.
Néanmoins, si on compare les satellites Pléiades NEO à leurs concurrents directs, la différence de masse est impressionnante : dans la même gamme de résolution, les satellites jumeaux WorldView-3 et Worldview-4 (hors service depuis janvier 2019) de la société Maxar ont une masse de 2485 kg au lancement, presque 3 fois plus que celle de Pleiades Neo. Autre exemple : les satellites d'observation militaire CSO pèsent plus de 3500 kg au lancement.
Dans le cas de Pléiades Neo, il s'agit donc bien d'un "assez petit" satellite avec de grandes performances.
En fait, cette masse réduite et surtout la forme très compacte du satellite réduit les inerties et permet d'atteindre une agilité bien supérieure à celle des premiers satellites Pléiades. On s'en rend compte très facilement en regardant les photographies et les illustrations montrant le satellite Pleiades NEO sous la coiffe de la fusée Vega et en les comparant à d'autres satellites.
Une idée des dimensions et de la compacité du satellite Pléiades NEO.
Infographie réalisée à partie de photographies et de documents publiés par Arianespace.
Crédit : Gédeon
Instrument haut de gamme et "pied" de course
Tout est là pour produire d'excellentes images avec un haut rendement : à terme, les quatre satellites Pléiades Neo pourront effectuer deux survols quotidiens de chaque point de la surface terrestre visé, offrant ainsi une réactivité et une productivité inédites pour ce niveau de résolution (30 cm) : les satellites Pléiades Neo pourront couvrir une surface de 2 millions de kilomètres-carrés par jour. Vous avez calculé combien cela faisait de pixels de 30 cm par 30 cm ? Giga, téra, pétaoctets... Prévoyez d'acheter quelques disques durs en plus pour stocker tout ça !
Bientôt les premières images de Pleiades Neo : 30 cm, le pied...
J'avais hâte de voir les premières images. Airbus Defence and Space les a publiées après les premières vérifications du bon fonctionnement de Pleiades Neo.
Ces premières images sont vraiment très impressionnantes. Difficile de croire qu'elles ont été prises à 620 km d'altitude. Longue vie à la constellation Pleiades Neo ! Au moins 10 ans...
Les premières images à 30 cm de résolution du satellite Pléiades Neo (Pleiades Neo 3) ont été publiées le 20 mai.
Elles sont impressionnantes. Cliquez sur l'image pour un petit tour en orbite avec un très gros téléobjectif.
Crédit image : Airbus Defence and Space
En savoir plus :
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- Les premières images du satellite Pléiades Neo 3.