I'm a rocket to the moon, I'm headed to the stars
The world is microscopic, I see it from afar
I'm saving you a seat
Emilie Simon (Rocket to the Moon)
Octobre 2017 : 60 ans d’espace
Avec la semaine mondiale de l’espace, le mois d’octobre est traditionnellement une période intense pour les passionnés de conquête spatiale. 2017 a été une édition particulière, avec les soixante ans du lancement de Spoutnik, le premier satellite artificiel, lancé par l’URSS le 4 octobre 1957.
A Toulouse, il y a surtout eu la trentième édition du Congrès des Astronautes : du 16 au 20 octobre La Cité de l’espace fêtait son vingtième anniversaire et accueillait le rendez-vous annuel de l’association des explorateurs de l’espace (#ASE30). A cette occasion, l’association des Amis de la Cité de l’espace (AACE) a remis son prix spécial à Thomas Pesquet.
Une centaine de voyageurs de l’espace étaient réunis à Toulouse. Mais savez-vous combien d’hommes et de femmes ont eu le privilège de voir notre planète depuis l’orbite terrestre ?
Cette question apparemment simple m’a donné envie de voir si la conquête spatiale pouvait se résumer en quelques chiffres… Voici le résultat de mon enquête en cinq tableaux : les statistiques, les drapeaux, les records, un zoom sur les français et les moments-marquants.
Vols habités : les hommes et les femmes dans l'espace. Un aperçu avec quelques chiffres-clés
en octobre 2017. Infographie : Gédéon. Image de fond : le décollage de la navette
Endeavour STS-134 en mai 2011 vu d’avion. Crédit image : NASA
Aller dans l’espace ? Question de définition
Cela peut paraître choquant d’aborder une extraordinaire aventure humaine en se limitant à des chiffres et des statistiques mais cette approche permet de fixer les idées et de voir quelques tendances. Les questions posées ramènent assez vite à la dimension humaine.
Par exemple, que signifie aller dans l’espace ? Dépasser 80 kilomètres d’altitude ? C’est la définition del’US Air Force qui permet d’inclure les pilotes des avions X-15. La Fédération Aéronautique Internationale (FAI) utilise la ligne de Karman, c’est-à-dire la frontière des 100 km.
La définition couramment admise met davantage l’accent sur la vitesse que sur l’altitude : un voyageur de l’espace doit avoir effectué au moins une orbite autour de la Terre, excluant ainsi les vols suborbitaux (comme les deux premières missions Mercury).
L’altitude joue quand même un rôle majeur : on n’atteint pas 28000 km/h en restant au ras des pâquerettes ! Il faut s’élever au-dessus de l’atmosphère pour s’affranchir de la résistance de l’air.
Hommage ou désert ?
C’est une bonne définition mais elle a selon moi un défaut : même si elle prend finalement en compte Alan Shepard et Virgil Grissom (deux pionniers de la conquête spatiale américaine qui ont effectués deux vols suborbitaux mais ont également participé aux programmes Gemini et Apollo), elle ne rend pas hommage aux astronautes qui participaient pour la première fois à une mission spatiale et qui ont péri dans l’explosion de la navette Challenger en janvier 1986 (mission STS-51-L), avant d’avoir accompli leur première orbite.
Trois américains sont dans ce cas : Christa McAuliffe, Michael Smith et Gregory Jarvis. En dehors des sept victimes de l’accident de la navette Challenger, tous les autres décès en mission (18 au total) ont eu lieu pendant la phase de retour sur Terre.
J’ai donc retenu une définition légèrement modifiée : « est comptabilisée comme explorateur de l’espace toute personne, homme ou femme, qui a participé à une mission destinée à rejoindre l’orbite terrestre ou aller au-delà ».
Même avec les chiffres et les statistiques, la dimension humaine n’est donc pas loin…
Ni X ni Q : des chiffres et des lettres…
Au total, entre avril 1961 et fin octobre 2017, j’ai compté 554 explorateurs de l’espace. Une petite curiosité : les initiales des explorateurs utilisent presque toutes les lettres de l’alphabet sauf deux (le X et le Q).
Ils ont effectué 1247 voyages spatiaux à l’occasion de 312 vols orbitaux habités. Ces missions représentent un peu plus de 6% du total des lancements effectués.
Même si Valentina Tereshkova est la dixième personne à avoir volé en orbite, la parité homme-femme n’est pas encore tout à fait au rendez-vous : les 61 exploratrices ne comptent que pour 11% du total des voyageurs de l’espace.
Comme dans beaucoup d’autres domaines (y compris l’industrie spatiale), il reste du boulot…
Parmi les signes positifs, on peut citer le cas de Peggy Whitson : à son retour sur Terre en septembre 2017 après sa troisième mission en orbite, l’astronaute américaine a rejoint plusieurs clubs très fermés, avec les critères suivants :
- Le temps cumulé passé en orbite : 666,4 jours, en 8ème position derrière 7 russes.
- La durée passée en orbite au cours d’une seule mission : 289,7 jours. Il n’y a que deux américains dans les dix premiers.
- La troisième sortie extravéhiculaire (EVA) la plus longue : 60,35 heures, derrière Anatoliy Solovyov et Michael Lopez-Alegria.
- Le nombre de sorties extravéhiculaires : 10. Le record est de 16 (Anatoliy Solovyov).
L’astronaute Peggy Whitson à la Cité des étoiles près de Moscou en octobre 2016. Avec Thomas Pesquet et Oleg Novitskiy, elle a rejoint l’ISS à bord du Soyouz MS-03 en novembre 2016. Crédit image : NASA / Bill Ingalls
Pas de frontières mais beaucoup de drapeaux
Formellement, seuls trois pays ont ou ont eu la capacité d’envoyer un humain en orbite de manière autonome : les Etats-Unis (164 vols habités), la Russie (142 vols en comptant ceux de l’ex-URSS) et la Chine (6 vols habités). Il y a donc une certaine logique à parler seulement d’astronautes, de cosmonautes et de taïkonautes…
Depuis juillet 2011 et l’arrêt des vols de la navette spatiale américaine (Space Shuttle), seules la Russie et la Chine ont encore, à ce jour, les moyens de réaliser des vols habités.
Beaucoup d’autres pays y ont participé en profitant d’une coopération avec un des trois pays lanceurs. 36 pays au total, même si on peut discuter ce chiffre : des pays ont changé de noms et des voyageurs de l’espace ont changé de nationalité. Par exemple, Anousheh Ansari a la double nationalité iranienne et américaine. Elle a fait fortune aux Etats-Unis avant de participer en 2006, en tant que « touriste », à la mission Soyouz TMA-9. Elle est comptabilisée comme américaine.
Derrière le podium de tête, une poignée (littéralement) de pays ont eu la chance de voir plus de 5 de leurs ressortissants tourner autour de la Terre : l’Allemagne et le Japon (11 explorateurs), la France (10), le Canada (9) et l’Italie (7). Quelques pays ont eu 2 explorateurs spatiaux, la plupart seulement 1.
Conquête spatiale et vols habités : pays lanceurs, missions spatiales, nouveaux explorateurs de l’espace. Evolution d’avril 1961 à octobre 2017. Infographie : Gédéon. Image de fond : la Lune vue depuis la station spatiale internationale. Crédit image : NASA
La plupart de voyageurs de l’espace ont effectué une ou deux missions. La plupart des décès (15) en mission orbitale sont survenus dans ces cas. 3 astronautes, décédés au moment de l’explosion de challenger, n’ont pas eu la chance de boucler leur première orbite.
Il y a le club extrêmement fermé (9 membres) de ceux qui ont réalisé au moins 6 missions au total. Deux américains, Franklin Chang-Diaz et Jerry Ross ont même participé à 7 vols orbitaux. Quand on aime, on ne compte pas...
Et aussi quelques icônes qui n’ont pas revolé après leur mission historique : c'est le cas de Youri Gagarine, qui a néanmoins perdu la vie dans un accident d’avion. John Glenn, le premier américain a boucler une orbite, a pu voler une seconde fois mais seulement 36 ans après la mission Mercury Friendship 7.
Le nombre de missions orbitales fluctue beaucoup selon les années. Au-delà du record de l’année 1985 (11 vols), les courbes présentées ici montrent surtout l’impact du programme américain de navette spatiale sur l’augmentation du nombre de missions et du nombre de passagers. Les années 90 sont à ce jour l’âge d’or des vols habités, avec une moyenne de 8,5 missions par an pendant cette décennie.
On voit également malheureusement les deux coups d’arrêt à une progression qui semblait exponentielle : l’accident de Challenger en 1986 puis celui de Columbia en 2003. Malgré une reprise des vols, le second drame a certainement contribué à l’arrêt définitif des vols de la navette.
Les records : habiter en orbite ou voyager en orbite
Quelques records, toujours exprimés en chiffres sur l’illustration suivante, donnent aussi quelques repères sur l’aventure des vols orbitaux habités.
En bref, on peut dire que les russes ont privilégié les missions de longue durée, avec leurs programmes de stations orbitales (Saliout, MIR puis la station spatiale internationale) alors que les américains, avant les séjours à bord de l’ISS, ont plutôt réalisé des missions de durée relativement courte.
Malgré un nombre de missions plus faible, les russes ont cumulé plus de temps en orbite que les américains, environ 70% de plus. Au total, cela représente environ 140 personnes-années en orbite.
Les records de durée cumulée en orbite ou de missions les plus longues le montrent également très clairement :
- 878,5 jours de durée cumulée pour Gennadi Padalka et neuf russes dans les dix premiers. Seule Peggy Whitson a relevé le défi avec succès.
- 437,7 jours pour Valeri Polyakov en une seule mission. Il y a huit russes dans les dix premiers. Scott Kelly et Peggy Whitson (encore elle) sont les deux américains à jouer dans cette catégorie.
Le match est un peu plus partagé quand il s’agit du nombre et de la durée des sorties extravéhiculaires.
Hommes et femmes dans l'espace : les plus longs séjours, le plus grand nombre de missions, les sorties extravéhiculaires (EVA). Quelques records pour fixer les idées. Infographie Gédéon. Image de fond : l’ISS et la navette Discovery vues depuis le vaisseau Soyouz TMA-20 pendant l’expédition 27. Crédit image : NASA
Tout ça s’est joué en très grande partie à moins de 400 kilomètres de la Terre, approximativement la distance de Toulouse à Marseille.
Le voyage le plus lointain a dépassé l’orbite de la Lune, sans s’y poser. A un peu plus de 400.000 km de la Terre, c’était la mission Apollo 13 dont l’équipage cherchait surtout à rentrer sain et sauf. Au total, 27 astronautes, tous des hommes, ont vu la Lune de très près. Parmi eux, 12 marcheurs lunaires ont quitté le LEM et foulé la Lune ferme...
Giant steps are what you take
Walking on the moon
I hope my legs don't break
Walking on the moon
We could walk forever
The Police (Walking on the moon)
Un petit pas pour l’homme, un petit pas pour l’humanité
400.000 km : 1000 fois plus loin que l’orbite de l’ISS… Mais encore bien loin de Mars ! La planète rouge est a une distance de la Terre environ 200 fois supérieure, dans le meilleur des cas.
Tous ces chiffres aident à prendre conscience des difficultés du voyage vers Mars et encore plus d’une éventuelle occupation permanente. Il reste quelques étapes à franchir… Mais cela ne décourage pas des visionnaires comme Elon Musk, convaincus de pouvoir trouver, rapidement, une solution disruptive.
Habillés des combinaisons Orlan, Oleg Kononenko et Anton Shkaplerov, deux cosmonautes de
l’expédition 30, en activité extravéhiculaire (EVA) le 16 février 2012. Crédit image : NASA
Cocorico : zoom sur les français en orbite
Quelques mots sur les français dans l’espace…
Thomas Pesquet, grâce à son charisme, son talent pour s’adresser aux jeunes et sa capacité à communiquer, a marqué les esprits.
Mais il y a eu d’autres français qui ont rejoint l’orbite : 10 en tout, dont une seule femme (en ligne avec la moyenne globale). Ils ont effectué chacun de 1 à 3 vols pour un total de 18 missions. Cela place la France en troisième position derrière les USA et la Russie si on prend en compte le critère du nombre de « voyages ».
Le choix du CNES de développer la coopération avec l'URSS puis la Russie a permis à la France d'acquérir une bonne expérience des missions de longue durée.
Pour être précis, une partie de ces astronautes de nationalité française a été sélectionnée au titre du corps européen des astronautes (EAC) de l’Agence Spatiale Européenne.
Les français dans l’espace : neuf hommes et une femme pour un total de 18 missions en orbite. Infographie : Gédéon. Image de fond : Claudie Haigneré pendant la mission Cassiopée
Il y a une grande disparité des durées des missions réalisées, de quelques jours à deux cents jours environ. Thomas Pesquet n’a pas détrôné Jean-Pierre Haigneré de la première place sur le podium pour la durée cumulée en orbite.
Il détient néanmoins désormais le record de la plus longue mission en orbite pour un français. Une belle performance pour un premier vol à 39 ans ! Les amis de la Cité de l'espace auraient presque pu lui donner leur prix des jeunes.
Vols habités : grandes premières et faits marquants
Pour terminer et donner quelques repères supplémentaires, voici ma sélection de « grandes premières » et de faits marquants.
Je n’en ai conservé que quatre par décennie entre 1961 et 2017. Ce n’est pas totalement arbitraire mais il y beaucoup d’autres évènements à retenir et je vous invite à les découvrir sur les sites qui proposent une chronologie de la conquête spatiale.
Vols habités : quelques repères avec quatre évènements marquants par décennie.
Infographie : Gédéon. Image de fond : devinez… Crédit image : NASA
Figures behind figures…
J’espère que la lecture de cet article vous donnera envie de vous intéresser davantage à l’aventure spatiale et à ses acteurs. Je pensais que l’analyse des chiffres serait fastidieuse mais j’ai finalement pris beaucoup de plaisir à naviguer dans mon tableau Excel géant et à constater que la dimension humaine n’est jamais très loin. En anglais, figures behind figures...
Le défi va être maintenant de faire la mise à jour régulière !
Sur le téléviseur j'ai vu la fusée de mon père redescendre sur la terre
Sur la lune il a erré, a dansé sur la mer de sable
Mais tout le monde sait qu'un cosmonaute quand il revient parmi nous
a souvent du mal à supporter l'atmosphère
Il a vu de trop près l'infini ici tout est trop petit
Sa tête est restée là haut dans l'univers
Papa est cosmonaute, un très bel astronaute
Papa est cosmonaute, un très bel astronaute
Arthur H (Cosmonaute Père & Fils)
En savoir plus :
- Le site du congrès 2017 de l’association des explorateurs de l’espace.
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre :
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