
Les dégâts de l’ouragan Irma à Saint-Barthélemy. Image acquise par le satellite Pléiades-1B
le 10 septembre 2017. Version en résolution réduite. Copyright CNES – Distribution Airbus DS
Après les ouragans Irma et Jose, la pluie et le vent, le beau temps…
Comme la pluie qui accompagnait François hollande à chaque inauguration, il n’y a pas de lien a priori avec la venue du Président Emmanuel Macron attendu aujourd’hui à Saint-Martin et Saint-Barthélémy…
Après un point de situation en Guadeloupe, Emmanuel Macron décollera pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Cette visite s’inscrit dans un contexte de critiques sur la gestion par les autorités de l'ouragan Irma. L’exaspération de la population touchée par l’ouragan et le sentiment d’avoir été abandonnée ont rapidement donné lieu à des récupérations politiques. Le même jour, le roi des Pays-Bas, Willem-Alexander, est arrivé à Sint Maarten, la partie néerlandaise de l'île Saint-Martin.
Salle Jupiter
Quelques jours après le passage d’Irma, le ciel se dégage donc enfin dans les Antilles. Ciel bleu au-dessus de la mer mais il reste encore quelques nuages, accrochés au relief, comme souvent dans les îles tropicales.
Les satellites d’observation optiques à très hautes résolution, qui tentaient depuis plusieurs jours d’obtenir des images pour cartographier des dégâts (les premières images Pléiades ont été exploitées dès le 8 septembre), commencent à fournir des résultats intéressants.
Airbus Defence and Space vient de publier quelques images acquises par le satellite Pleiades-1B le dimanche 10 septembre.
Les images présentées ici couvrent les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Elles ont été acquises dans le cadre du service de cartographie d’urgence de Copernicus (Copernicus Emergency Mapping Service) et de la charte internationale espace et catastrophes majeures). Ces deux outils ont été activés à plusieurs reprises après le passage de l’ouragan Irma.
Saint-Barthélemy : un massacre ? Les dégâts vus par le satellite Pleiades-1B
À Saint-Barthélemy, les dégâts sont comparativement inférieurs aux dommages causés par Irma à Saint-Martin.
Néanmoins, et cela m’a fait penser à l’explosion de l’AZF à Toulouse en 2001, la plupart des écoles ont subis des dégâts rendant les salles de classes inutilisables, et les hôpitaux endommagés. Le réseau de distribution d’eau est fortement endommagé.
Pour la petite histoire, la villa de Johnny Hallyday, que le chanteur proposait de mettre à disposition des habitants sans toit, est également inhabitable.
Voici une version en résolution réduite et quelques extraits en pleine résolution de l’image de l’île de Saint-Barthélemy.


Les dégâts de l’ouragan Irma à Saint-Barthélemy. Deux extraits en pleine résolution de l’image
acquise par le satellite Pléiades-1B le 10 septembre 2017. Copyright CNES – Distribution Airbus DS
Un paysage de ruines : les dégâts à Saint-Martin et Sint-Marteen vus par le satellite Pleiades-1B
Selon la Croix-rouge néerlandaise, près d'un tiers des bâtiments construits sur la partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin ont été détruits et plus de 90% d'entre eux ont été endommagés.
Un couvre-feu interdisant toute circulation entre 19 heures et 7 heures est en vigueur à Saint-Martin jusqu’au mercredi 13 septembre.

Les dégâts de l’ouragan Irma à Saint-Martin. Image acquise par le satellite Pléiades-1B
le 10 septembre 2017. Version en résolution réduite. Copyright CNES – Distribution Airbus DS


Les dégâts de l’ouragan Irma à Saint-Martin. Extraits en pleine résolution de l’image acquise
par le satellite Pléiades-1B le 10 septembre 2017. Copyright CNES – Distribution Airbus DS
Le coût de la construction aux normes anticycloniques et les moyens de la population expliquent aussi les différences de dommages subis entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy : seulement 4% de chômage à Saint-Barthélemy, contre 30% de chômeurs à Saint-Martin qui souffre notamment d’une économie presque exclusivement tournée vers le tourisme. Un habitant sur cinq touche le RSA.
Dans les deux cas, le chantier de la reconstruction va être colossal.
On s’active…
Ces images du satellite Pléiades 1B font partie de celles utilisées par les services de cartographie d’urgence. Au moins trois satellites (Pleiades-1B, Sentinel-1A et Cosmo-Skymed) ont été programmés par acquérir ces images en urgence, sans compter les images d’archive utilisées pour produire les carte de référence (Kompsat-3 et Worldview-2).
Le satellite Pleiades-1B a acquis des images le 7, le 8 et le 10 septembre 2017, avec une couverture nuageuse qui s'améliorait. Les acquisitions multiples ont permis finalement de couvrir l'intégralité de la zone d'intérêt en limitant l'impact des nuages.
Une visite du catalogue Geostore d'Airbus Defence and Space permet de voir toutes les tentatives effectuées dès le lendemain du passage de l’ouragan Irma pour acquérir des images à haute résolution des différentes zones touches, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin mais aussi sur les différentes îles que se trouvaient malheureusement sur le passage de l’ouragan.


Deux copies d’écran du catalogue Geostore d’Airbus Defence and Space montrant la liste
des images Pleiades et SPOT acquises depuis le passage de l’ouragan Irma
Pour information, Simon Gascoin, un chercheur du CESBIO (Centre d'Etude Spatiale de la Biosphère à Toulouse) a comparé deux images de Saint Barthélemy acquises par les satellites jumeaux Sentinel-2A et Sentinel-2B respectivement le 12 septembre, soit 6 jours après le passage de l'ouragan Irma, et le 4 septembre.
Il a utilisé une representation colorée mixant les bandes visibles et infrarouges et faisant ressortir l'impact sur la végétation (method dite EnhancedNaturalColors du blog de Pierre Markuse) : le contraste entre ces deux images est saisissant.
Mobilisation générale pour l'aide aux secours
La société Digital Globe a également publié des images dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 septembre 2017. La petite taille des vignettes montre que s’affranchir de la couverture nuageuse a été un défi pour tous les opérateurs.
Alors que les satellites radar sont un outil très efficace dans le cas des inondations, ces images confirment également que l’imagerie optique à très haute résolution est indispensable pour la cartographie des dégâts subis par les bâtiments et les habitations après un cyclone ou un tremblement de Terre. Plus généralement pour l'analyse fine du bâti dans les zones urbanisées.
Des équipes spécialisées comme le SERTIT en France (Université de Strasbourg) ou le DLR-ZKI en Allemagne (agence spatiale allemande) assurent le traitement et l’interprétation des images.
Dans le cas d’Irma, vous constaterez que, même avec des satellites à très haute résolution, l’inventaire des dégâts n’est pas un travail évident… Dans le cas des incendies, il est parfois possible de s’affranchir de l’image de référence (celle présentant la situation avant la catastrophe). Essayez de le faire ici... C’est très difficile ! A nouveau, c’est vrai à chaque fois qu’une catastrophe, qu’il s’agisse d’une tempête ou d’un tremblement de terre, touche une zone urbanisée.

Un exemple de carte d’impact produite par le service Copernicus de cartographie d’urgence
après le passage d’Irma (activation EMSR232). L’image du satellite Pleiades-1B utilisée ici a été acquise le 8 septembre 2017. Copyright 2015 European Union
Retour d'expérience
Concernant les services de cartographie d’urgence, il y aura certainement un retour d’expérience sur les mécanismes d’activation dans le cas de catastrophes de grandes ampleur affectant plusieurs pays : le principe de déclenchement par des « utilisateurs autorisés », en général des autorités nationales ou organisations internationales (comme UNITAR/UNOSAT), fait qu’il y a eu au total deux activations distinctes du service Copernicus de cartographie d’urgence (EMS pour emergency Mapping Service) et une de la charte internationale espace et catastrophes majeures pour l’île de Saint-Martin :
- L’activation EMSR232 du service Copernicus EMS, le 5 septembre 2017 à 10h08 UTC, à la demande du Centre Opérationnel de Gestion Interministériel de Crises (COGIC) français.
- L’activation EMSR234 du service Copernicus EMS, le 7 septembre 2017 à 12h40, à la demande du ministère néerlandais de la sécurité nationale, pour Sint-Marteen.
- L’activation 548 de la charte internationale, le 5 septembre 2017 à 12h02, à la demande d’Unitar/Unosat pour Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Anguilla.
Au total, Irma a entraîné tout au long de son parcours destructeur 9 activations, 5 de Copernicus et 4 de la charte internationale
Une partie des moyens utilisés, notamment pour la cartographie rapide proprement dite, sont communs.

La liste des 5 activations du service Copernicus de cartographie d’urgence après le passage
de l’ouragan Irma et les deux zones d’intérêt pour Saint-Martin and Sint-Marteen.
Source : Copernicus EMS
Dégâts : une des catastrophes naturelles les plus coûteuses en France
Irma serait un des ouragans les plus puissants jamais répertorié sur l’Atlantique.
Selon un communiqué de la Caisse centrale de réassurance, le réassureur public français spécialisé dans les catastrophes naturelles, le coût des dommages provoqués par l'ouragan Irma sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy s'élève au moins à 1,2 milliard d'euros.
Sur le plan humain, Irma a fait au moins 19 morts dans les Caraïbes dont 10 dans les îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
En Floride, Irma a donné lieu à l’évacuation la plus large jamais ordonnée aux Etats-Unis : 6,3 millions de personnes, sur un total de 20 millions d’habitants.
En France, selon des chiffres de la Fédération française de l'assurance (FFA), l'évènement naturel le plus coûteux en termes de dommages assurés, avec 6,8 milliards d'euros d'indemnisations, reste l’épisode des tempêtes Lothar et Martin (décembre 1999).
Suivent les tempêtes Klaus et Quinten de 2009 (1,9 milliard d'euros) puis les inondations de mai et en Île-de-France et dans le Centre (1,4 milliard d'euros) et la sécheresse de 2003.
Les professionnels de l’assurance estiment que l'impact financier des catastrophes naturelles va continuer à augmenter à l’avenir, pas seulement à cause de de la fréquence ou de l'intensité des catastrophes, mais surtout à cause de la vulnérabilité (exposition de la population et des biens assurés).
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur les ouragans Irma, Jose et Katia.
- Les autres articles dans la catégorie espace et catastrophes naturelles.
- Le site du service Copernicus Emergency Mapping Service.
- Le site de la charte internationale Espace et catastrophes majeures.
- Sur le site d’Airbus Defence and Space, le catalogue Geostore pour accéder à la liste des images acquises par les satellites Pleiades et SPOT.
- Sur le site du CESBIO, une comparaison d'images acquises par le satellite Sentinel-2 juste avant et juste après Irma (travail réalisé par Simon Gascoin).
- Sur le site de la Fédération Française des Assurances :
Le site de l'Observatoire National des Risques Naturels.