La première image du satellite WorldView-4 : A Tokyo, le Yoyogi National Gymnasium, dans le
parc Yoyogi. Image acquise le 26 novembre 2016. Crédit image : DigitalGlobe 2016
Première image rendue publique
Une nouvelle image pour ma collection des premières images de satellites d'observation : Digital Globe a publié le 2 décembre la première image du tout nouveau satellite WorldView-4, lancé par une fusée Atlas 5 le 11 novembre 2016.
Acquise le 26 novembre (une bonne date !), l’image montre le Yoyogi National Gymnasium à Tokyo. Construit pour les jeux olympiques d’été de 1964, son toit suspendu a une forme remarquable. Pour la petit histoire, c’est dans cette salle de près de 14000 places que le groupe Queen a donné son dernier concert au Japon en 1986. Aujourd’hui, le palais des sports de Yoyogi est surtout utilisé pour les compétitions de hockey sur glace et de basket-ball.
En 2010, il accueillait les championnats du monde de Judo remportés par Teddy Riner dans la catégorie poids lourds. Rendez-vous en 2020 pour de nouveaux Jeux Olympiques...
Y a eu le feu, y a plus le feu…
Digital Globe n’a pas cherché à battre le record de vitesse pour acquérir la première image de son dernier satellite : presque trois semaines se sont écoulées depuis le lancement. Il est vrai qu’il a fallu mettre le satellite sur son orbite définitive et les travaux de calibration à mener sont complexes.
Le lancement lui-même, initialement prévu mi-septembre avait été reporté à plusieurs reprises, notamment après l’incendie Canyon qui avait menacé le site de lancement de la base Vandenberg de l’US Air Force (VAFB). Coïncidence ou conséquence de l’incendie, des photos étonnantes montrent des ratons laveurs qui avaient trouvé refuge dans la tour de lancement ! Aux premières loges pour assister au lancement...
Aux premières loges : des visiteurs inhabituels dans la tour de lancement de la fusée Vandenberg,
juste avant le décollage de la fusée Atlas 5 emportant le satellite WorldView-4.
J'espère qu'ils vont bien : ils ont vu un beau spectacle ! Crédit image : Digital Globe
Frère jumeau ? Non, plutôt un cousin…
WorldView-4 rejoint les quatre autres satellites de la constellation opérée par la société Digital Globe, certains très récents, d'autres en fin de vie : GeoEye-1, WorldView-1, WorldView-2 et WorldView-3.
En fournissant des images de 31 cm de résolution au sol depuis son orbite à 617 km d’altitude, WorldView-4 va plus que doubler la capacité d’acquisition dans cette gamme de résolution, alimentée jusqu'à présent par WorldView-3.
Contrairement à ce que le nom de baptême pourrait laisser penser, WorldView-4 n’est pas le frère jumeau de WorldView-3 : il s’appelle à l’origine GeoEye-2. L’article du blog Un autre regard sur la Terre sur le lancement de WorldView-4 explique comment la famille s’est agrandie après la fusion entre les sociétés Geoeye et DigitalGlobe.
La constellation de satellites à très haute résolution de la société Digital Globe
et leurs principales caractéristiques. Crédit image : DigitalGlobe
30 cm, c’est le pied…
L’instrument de WorldView-4 est une caméra SpaceView 110TM développée par la société Harris Corporation. A 617 km d’altitude, il fournit des images à 31 cm de résolution en mode panchromatique et 1,24 mètre de résolution en mode multispectral.
Les caractéristiques des bandes multispectrales, représentées dans la figure suivante, montrent bien que les satellites WordView-3 et WorldView-4 sont issus de deux familles différentes. A titre de comparaison, j’ai mis également les bandes spectrales des satellites Pléiades 1A et 1B et celles de SPOT-6 et SPOT-7.
Caractéristiques des bandes spectrales des satellites WorldView-3 et WorldView-4.
Les satellites Pléiades et SPOT 6/7 sont donnés à titre de comparaison. Crédit image : Gédéon
Le choix de la première l’image
Comment choisit-on la première image d’un satellite d’observation ? C’est tout sauf le hasard…
Les opérateurs des satellites d’observation cherchent à illustrer les performances de leur nouveau bébé, la résolution, la fauchée ou la richesse spectrale par exemple.
Dans le cas de WorldView-4, le choix du Yoyogi National Gymnasium, avec son toit aérien, les marquages au sol des terrains de sport, les parkings, les ombres portées des personnes qu’on peut compter individuellement permet de montrer la très haute résolution des images. Les couleurs de la végétation, en cette fin d’automne, valorisent les bandes spectrales du nouveau satellite de Digital Globe.
Extrait de la première image du satellite WorldView-4 acquise le 26 novembre 2016.
Crédit image : DigitalGlobe 2016.
L'évolution de marché de l'observation de la Terre à très haute résolution
Personnellement, si j’avais été responsable du choix, j’aurais probablement préféré un site dans l’hémisphère sud, mieux éclairé en cette fin de printemps austral. Si Digital Globe a retenu Tokyo, ce n’est certainement pas parce qu’il n’y a avait pas de meilleure image : il y a probablement des enjeux commerciaux avec des clients commerciaux ou gouvernementaux au Japon.
A l’époque du lancement du premier satellite Pléiades en décembre 2011, le CNES avait choisi de publier une image du centre de Paris, avec des conditions d’éclairage qui n’étaient pas exceptionnelles fin décembre. C’était également justifié par la dimension symbolique : la première image du satellite dual français montrait des sites du gouvernement français.
En septembre 2016, le société Airbus Defence and Space dont la branche géo-intelligence est le principal concurrent de Digital Globe a annoncé le développement d'une constellation de 4 satellites à très haute résolution, destinée à remplacer à partir de 2020 les deux satellites Pléiades. Sans dévoiler les détails techniques, Airbus Defence and Space parle de performances au moins équivalente à celles des concurrents.
Il va être très intéressant de suivre l'évolution du marché de l'observation de la Terre dans les années qui viennent et aux positions respectives des acteurs présents sur ce marché, non seulement les "usual suspects" mais aussi les "space invaders", les startups du New Space, des sociétés principalement américaines, qui se lancent dans le domaine de l'observation de la Terre avec des approches disruptives. C'est par exemple le cas de Terrabella, ex Skybox, désormais filiale de Google, qui a lancé récemment quatre nouveaux satellites Skysat.
Si vous vous intéressez à ce sujet, je vous recommande un papier présenté à Guadalajara pendant la conférence IAC 2016 qui propose un tour d'horizon des nouveaux développements et des impacts possibles sur le marché. J'y reviendrai de manière plus détaillée dans un prochain article...
En savoir plus :
- Sur le blog Un autre regard sur la Terre :
- Un article sur le lancement de WorldView-4.
- Un article sur les premières images du satellite WorldView-3.
- 13 août 2014 : le lancement de WorldView-3 vu par WorldView-1.
- Quand les satellites ouvrent l’œil pour la première fois : les premières images des satellites d’observation.
- Le site Internet de la société Digital Globe et le mini-site sur WorldView-4.
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie acquisition et traitement des images.
- Un papier sur l'évolution du marché de l'observation de la Terre à très haute résolution, présenté en septembre 2016 pendant la conférence IAC 2016 à Guadalajara (Mexique).