Au sud-ouest d’Haïti, la commune des Cayes, le 6 octobre 2016, après le passage de l’ouragan Matthew.
Crédit image : Logal Abassi (Nations Unies)
Dimanche 9 octobre 2016 : l’ouragan Matthew, rétrogradé en tempête tropicale, s’éloigne enfin des côtes américaines. Il a causé la mort d’au moins 18 personnes, en Floride, en Georgie, en Caroline du Sud et en Caroline du Nord.
Mais c’est à Haïti que les dégâts sont les plus importants avec un bilan humain, encore très provisoire, considérable, avec probablement plus de 1000 victimes et de nombreux disparus. Dont au moins 13 victimes du choléra, à cause des inondations et des dégâts sur le réseau d’assainissement empêchant l’approvisionnement en eau potable. Médecins sans frontières a dépêché des équipes dans le Sud pour tenter d'enrayer l'épidémie. Les médecins craignent aussi la propagation de la dengue, à cause de la prolifération des moustiques.
A Haïti, les Cayes après le passage de l'ouragan Matthew.
Les habitants constatent l'ampleur des dégâts. Crédit image : Logal Abassi (Nations Unies)
Il y a un besoin urgent d’aide humanitaire, pour aider une population très pauvre, qui peine à se remettre du tremblement de Terre de janvier 2010 qui avait fait 200 000 morts.
Matthew est le pire ouragan qui ait touché Haïti depuis 10 ans. Un deuil national de trois jours a démarré dimanche.
L’ouragan Matthew vu par l’instrument MODIS du satellite Terra au moment où il passe à proximité d’Haïti.
Cliquer sur l'image pour voir une version plus large. Crédit image : NASA / MODIS Rapid Response
C’est le mardi 4 octobre 2016 que l’ouragan Matthew, alors classé en catégorie 5, a touché le sud-ouest de l’île d’Haïti, avec des vents soufflant à plus de 220 km/h. Dans les jours qui ont suivi, les difficultés de communication ont compliqué la remontée des informations et n’ont pas permis d’établir un bilan précis. Toute l’île a été touchée. Malgré le rétablissement partiel de la circulation avec le sud (route nationale 2 et route nationale 7), la situation reste difficile avec des régions encore très isolées.
La première urgence reste la distribution d’eau, de nourriture et de médicaments aux populations. L’aide internationale se mobilise et la France a envoyé une équipe de la protection civile avec du matériel de secours.
Selon un communiqué de l’UNICEF, au moins 500000 enfants vivent dans les zones les plus durement touchées par l’ouragan Matthew. L’UNICEF estime que par endroit 80% des habitations ont subi des dommages. 175 écoles seraient gravement touchées et 150 autres serviraient d’abris temporaires. 16000 personnes seraient hébergées dans de tels abris.
Au-delà de l’aide immédiate, on peut craindre une situation dramatique à moyen terme : Matthew a également détruit une bonne partie des cultures. L’impact de Matthew se fera sentir longtemps sur l’économie locale.
Le rôle des satellites
Les satellites jouent un rôle important dans le cas des ouragans et des tempêtes tropicales : les satellites météorologiques les détectent dès leur formation, suivent leur trajectoire et, avec les modèles météorologiques, prévoient l’évolution de leur trajectoire.
Différents instruments embarqués à bord des satellites d’observation mesurent la température, les précipitations, la vitesse des vents ou analysent la structure de la tempête tropicale ou de l’ouragan. Voici par exemple une vidéo publiée par la NASA créée à partir de mesures du satellite GPM (Global Precipitation Measurement) et mettant en évidence les yeux concentriques de Matthew. C’est un phénomène fréquent sur les ouragans les plus puissants.
L’évolution de l’ouragan Matthew vue par le satellite GPM (Global Precipitation Measurement).
Le phénomène des yeux concentriques est visible. Crédit image : NASA
Matthew, un glaçon dans le vent
L’ouragan Matthew a été particulièrement suivi par les satellites météo. Vous trouverez de nombreux articles, en anglais, sur le site de la NASA. Je vous recommande celui-ci très complet sur les différentes mesures des satellites d’observation.
Jetez-également un œil (le vôtre, pas celui du cyclone) sur le blog Rêves d’espace : Isabelle a compilé plusieurs illustrations intéressantes, dont des séquences vidéo prises par les caméras de la Station Spatiale Internationale.
Les satellites d’observation et la cartographie d’urgence
Par contre, je n’ai pas encore vu d’article sur le rôle joué par les satellites d’observation pour cartographier les dégâts après le passage de l’ouragan.
Les lecteurs du blog Un autre regard sur la Terre connaissent bien la Charte Internationale Espace et Catastrophes Majeures ou le service de cartographie d’urgence du programme européen Copernicus.
Dans les deux cas, il s’agit de programmer rapidement différents satellites d’observation afin qu’ils acquièrent en urgence des images de la zone touchée par une catastrophe. Des spécialistes de la cartographie rapide comparent ces images à des images d’archive pour déterminer les changements et faire une cartographie des dommages.
C’est particulièrement utile dans des situations comme la catastrophe qui vient de frapper Haïti quand les secours n’ont pas immédiatement accès aux zones touchées. Les images des satellites d'observation aident à planifier les interventions et à déployer les secours. C’était déjà le cas en janvier 2010 au moment du tremblement de Terre.
Evidemment la présence de nuages peut compliquer l’acquisition d’images exploitables. Cela a été le cas après le passage de Matthew et les premières images n’étaient pas utilisables. C’est pour cette raison qu’on programme plusieurs satellites pour maximiser les chances d’acquérir de bonnes images.
Il est assez rare, mais pas exceptionnel que le service de cartographie d’urgence de Copernicus et la charte internationale Espace et Catastrophes Majeures soient activés en même temps.
Il est plus rare que ces services soient activés plusieurs fois, sur plusieurs régions, pour un même évènement. Cela a été le cas pour l’ouragan Matthew avec :
- Deux activations du service Copernicus : Haïti (EMSR185) et Côte est des Etats-Unis (EMSR186).
- Cinq activations de la charte internationale : Cuba, République Dominicaine, Bahamas, Haïti et Etats-Unis.
Les activations du service Emergency Mapping de Copernicus et de la charte Internationale
Espace et Catastrophes majeures après le passage de l’ouragan Matthew. En bas, la carte
précise les zones d'intérêt choisies par le service Copernicus. Illustrations extraites
des sites Internet des deux services
Voici quelques exemples de cartes produites par le service de cartographie d’urgence de Copernicus, activé le 3 ocotobre 2016 à 16 :46 UTC (EMSR185). A l’heure où j’écris cet article, les équipes qui travaillent en astreinte (24/7) ont produits 46 cartes de référence et 51 cartes de crises (24 « delineation maps » et 27 « grading maps »). D’autres cartes sont en cours de production.
Extrait de la liste des cartes produits par le service de cartographie d'urgence de Copernicus
après le passage de l'ouragan Matthew à Haïti. Crédit image : Commission européenne
La charte n’a pas encore rendu publiques les cartes fournies aux services de secours. De même, je n'ai pas encore vu les images satellites utilisées pour produire ces cartes. Le satellite Pléiades a été mobilisé. Je reviendrai sur ces images dès qu'elles seront disponibles.
Les dégâts de l’ouragan Matthew à Haïti : trois exemples de cartes (communes des Cayes et
de Jérémie) produites par le service de cartographie d’urgence du programme européen
Copernicus. Crédit image : Commission européenne.
Pour être complet, il faut également mentionner la banalisation de l'utilisation des drones : plusieurs vidéos prises à partir de drones ont été récemment publiées, comme la séquence suivante prise le dimanche 9 octobre à Port-Salut, au sud d'Haïti (source : AFP).
Images aériennes des dégâts de l'ouragan Matthew acquises par un drone à Port-Salut, au sud d'Haïti,
le dimanche 9 octobre, cinq jours après le passage de l'ouragan Matthew.
Crédit image : AFP sur Youtube
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie « satellites et catastrophes majeures ».
- Un article sur le tremblement de Terre de janvier 2010.
- Le service de cartographie d’urgence du programme européen Copernicus, les cartes produites après le passage de Matthew à Haïti et celles produites pour les Etats-Unis.
- Le site de la Charte Internationale Espace et Catastrophes Majeures et l’activation 582 après le passage de Matthew sur Haïti.
- Sur le site de la NASA, une page très complète, en anglais, sur les observations de l’ouragan Matthew par les satellites météorologiques.
- Sur le blog Rêves d’espace, l’ouragan Matthew observé depuis l’espace.
- Un article et une présentation, en anglais, sur l’évolution des satellites d’observation et son impact sur les services de cartographie d’urgence (présenté à l’occasion de la conférence IAC2015 à Jérusalem).