Le calendrier spatial pour le mois de juin 2015. Illustration créée par Gédéon.
Image de fond : la région de Venise photographiée depuis l’ISS. Crédit image : NASA / ESA
Aviez-vous remarqué que le calendrier de juin était passé à la trappe ? Le voici, après celui de juillet…
Les grandes dates de la conquête spatiale à retenir pour le mois de juin
Les trois événements emblématiques que j’ai retenus pour le mois de juin sont des vols habités.
Un peu plus de deux ans après le vol historique de Youri Gagarine, le 16 juin 1963, Valentina Terechkova (URSS) devient la première femme à aller dans l'espace, à bord du vaisseau Vostok 6.
6ème cosmonaute soviétique à quitter la Terre, elle reste près de 3 jours en orbite. Elle est toujours la plus jeune cosmonaute et la seule femme à avoir effectué un vol en solitaire. En 1969, elle sort miraculeusement indemne d’un attentat contre Léonid Brejnev et, en février 2014, elle porte le drapeau olympique pendant la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Sotchi.
A Toulouse, rue des illustres… Savez-vous situer la rue Valentina Terechkova ? Illustration : Gédéon
Gender balance : un problème de poids
Il faudra attendre près de vingt ans pour qu’une seconde femme, également soviétique, Svetlana Savitskaïa, quitte la Terre à bord d’une fusée...
Et plus de 20 ans pour que les américains se décident à aborder leur « gender issue » : le 18 juin 1983, Sally Ride devient la première astronaute américaine. Elle participe en tant que spécialiste mission aux vols STS-7 et STS-41-G du Space Shuttle. C’est seulement la troisième femme à aller dans l’espace après Valentina Terechkova et Svetlana Savitskaïa. Elle participe en 1986 à la commission Rogers qui enquête sur l’accident de la navette spatiale Challenger. Avec sa société Sally Ride Science, elle cherche à encourager les jeunes à étudier la science en proposant des activités ludiques et attractives. Sally Ride est décédée le 23 juillet 2012.
Au total, il y a eu environ 10% de femmes astronautes. Moins bien que dans l’industrie spatiale : 20% mais il y a encore quelques marges de progrès !
Un an avant le premier vol de Sally Ride, le 24 juin 1982, c’est la mission Mission PVH (Premier Vol Habité) : Jean-Loup Chrétien est le premier Français à aller dans l'espace et à séjourner à bord de la station MIR. Au total, 189 heures dans l’espace à bord du vaisseau Soyouz T-6 et de la station Saliout. C’est le deuxième européen après l'Allemand Sigmund Jähn (Allemagne de l’est, RDA) en 1978. Il participera à deux autres missions spatiales : Aragatz, à bord de la station MIR (du 26 novembre au 21 décembre 1988) avec une sortie extra-véhiculaire en compagnie d’Alexander Volkov et STS-86 à bord de la navette Atlantis (du 25 septembre au 5 octobre 1997).
Parmi les autres anniversaires du mois de juin, on peut retenir :
- 5 juin 1975 : lancement du satellite français SRET 2 par une fusée A1 depuis Baikonour. Sa mission : qualifier un système radiatif cryogénique passif destiné au satellite météorologique Meteosat. SRET signifie « Satellite de Recherche sur l’Environnement et la Technologie ».
- 17 juin 1977 : lancement du satellite français Signe-3 par une fusée russe A1. Il pèse 102 kg. Signe-3 signifie « Solar Interplanetary Gamma Ray Neutron Experiment 3 ». Deux charges utiles : une pour l’étude des rayons Gamma et une autre pour l’étude du spectre solaire ultra-violet dans deux longueurs d’onde. Placée sur une orbite à 459/519 km d’altitude, il rentre dans l’atmosphère 2 ans plus tard, le 22 juin 1979 : une étonnante vidéo des préparatifs et du lancement du satellite Signe-3 (source : vidéothèque du CNES).
- 12 juin 1980 : le CNES sélectionne ses deux premiers spationautes, Patrick Baudry et Jean-Loup Chrétien. La sélection est sévère : 400 postulants, dont 15% de femmes. C’est la concrétisation d’une proposition de coopération spatiale franco-soviétique faite en avril 1979 par Leonid Brejnev, Président du Présidium du Soviet Suprême, à Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République Française.
- 17 juin 1985 : cosmonaute, astronaute, spationaute ? Patrick Baudry devient le second français, en tant que spécialiste charge utile à bard de la mission STS-51-G, le 18ème vol de la navette spatiale, le cinquième pour Discovery qui atterrira sept jours plus tard. C’est le premier vol habité franco-américain. Patrick Baudry avait été la doublure de Jean-Loup Chrétien pour la mission PVH.
- 15 juin 1988 : premier lancement d’une fusée Ariane 4 (version 44LP) : elle emporte 3 satellites : PAS 1, Meteosat et P2 Amsat III.
- 29 juin 1995 : premier amarrage d’une navette spatiale américaine à la station MIR dans le cadre du programme de coopération Shuttle-Mir. La navette Atlantis (STS-71), qui avait décollé le 27 juin, est restée amarrée 4 jours et 22 heures. A cette époque, l’assemblage devient temporairement le plus gros vaisseau spatial : 225 tonnes.
Photographie de la navette Atlantis arrimée à la station MIR prise le 4 juillet 1995
par l’équipage du Soyouz
- 4 juin 1996 : Ariane 501, premier lancement du lanceur Ariane 5. C’est un échec : les 4 satellites Cluster de l’ESA sont perdus.
- 20 juin 1996 : lancement de la navette Columbia STS-78. Le français Jean-Jacques Favier participe à la mission en tant que spécialiste charge utile (module Spacelab de l’ESA pour des expériences en science de la vie et microgravité). La mission dure près de 17 jours.
- 24 juin 1998 : perte de contact avec la Sonde SOHO. Le 23 juillet, SOHO est localisé en utilisant le radiotélescope d'Arecibo à Puerto Rico comme d'émetteur Radar et une antenne DSN de la NASA comme récepteur. Après une opération de sauvetage complexe (« décongélation » de l’hydrazine), les opérations « normales » reprennent.
- 5 juin 2002 : Philippe Perrin, 9ème spationaute français de l’Agence Spatiale Européenne, décolle à bord de la navette Endeavour (STS-111) pour un « séjour » en tant que spécialiste mission à bord de l’ISS. Il restera près de 14 jours dans l’espace et effectuera trois sorties extravéhiculaires pour l’assemblage de l’ISS (notamment sur le bras Canadarm-2).
- 21 juin 2004 : à bord de SpaceShipOne, MiKe Melvill pilote le premier vol suborbital habité (vol 15P) qui dépasse 100 km d’altitude. L’Ansari X Prize est remporté le 4 octobre 2004 après le vol 17P (critère d’attribution du prix : deux vols en moins de quinze jours).
- 12 juin 2015 : réveil de Philae ! Des signaux envoyés par le petit atterrisseur, posé depuis novembre 2014 sur la comète Churyumov-Gerasimenko, sont reçus par la sonde européenne Rosetta.
- 22 juin 2015 : lancement du satellite Sentinel-2A du programme européen Copernicus et 5ème mission réussie de la fusée Vega.
- 28 juin 2015 : pour sa cinquième mission spatiale (une à bord de MIR et quatre sur l’ISS), Guennadi Padalka bat le record du nombre de jours cumulés passés dans l’espace : 804 jours, un de plus que Sergueï Krikalev. Quand il rentrera sur Terre le 11 septembre prochain, il aura cumulé 877 jours dans l’espace.
Les lancements du mois de mai 2015
Le mois de mai a été un petit mois, avec seulement trois lancements dont un nouvel échec de la fusée Proton :
- 16 mai 2015, à 5:47 UTC, Baïkonour (site 200, pas de tir 39) : une fusée Proton M / Briz M, construite par Khrunichev et opérée par ILS (International Launch Services), décolle avec le satellite MexSat 1, alias Centenario, construit par Boeing. Une anomalie apparaît, une minute avant la séparation du satellite de l’étage supérieur, environ 497 secondes après le décollage et entraîne l’échec du lancement. Selon la commission d’enquête de Roscosmos qui a rendu ses conclusions fin mai, un déséquilibre croissant du rotor de la turbopompe a entraîné des vibrations excessives sur le moteur de contrôle de direction RD-214 du 3ème étage. L’échec est donc dû à défaut de conception : dégradation du matériau du rotor aux températures élevées et mauvais équilibrage du rotor. Ce problème serait également la cause de deux autres échecs passés, en janvier 1988 (satellite Gorizont) et en mai 2014 (satellite Express AM4R). Notons quand même que la fusée Proton a été lancée 400 fois depuis son entrée en service en 1965.
- 20 mai 2015, à 15:05 UTC, Cap Canaveral (SLC 41) : une fusée Atlas 5-501 emporte la mission AFSPC-5 pour le compte de l’US Air Force. Sous la coiffe de 5,4 mètres de diamètre, l’avion spatial « semi-secret » X-37B (mission OTV-4) et une dizaine de Cubesats dont LightSail-A, une expérience de la Planetary Society destinée à tester la propulsion utilisant le vent solaire.
Décollage de la fusée Atlas 5-501 emportant l’avion spatial X-37B et plusieurs nano-satellites.
Crédit image : AFSPC
- 27 mai 2015, à 21:16 UTC, Centre Spatial Guyanais (ELA 3) : La mission VA223 d’Arianespace met en orbite de tranfert géostationnaire les satellites DirecTV 15, construit par Airbus Defence and Space, et Sky Mexisco 1, construit par Orbital ATK. C’était le 79ème lancement d’une fusée Ariane 5, la 49ème Ariane 5 ECA et le 65ème succès d’affilée pour Ariane 5.
Derrière les fagots : les points de Lagrange
Le petit schéma en bas à droite du calendrier du mois de juin illustre une notion très importante pour les missions d’exploration spatiale : les points de Lagrange.
Lorsque deux astres exercent leur attraction sur un troisième corps de masse négligeable par rapport aux deux premiers (un cas particulier du problème à 3 corps), ils existent des points où le troisième corps est en équilibre dans le champ de gravité des deux premiers. Leurs positions relatives sont fixes. Ce sont les points de Lagrange, ou points de libration, et ce n’est pas une notion très intuitive. J’y reviendrai dans un article plus technique.
L1, L2, L3, L4 et L5 : les points de Lagrange. 5 positions d'équilibre stable ou instable pour des
missions spatiales particulières. Nommés en l'honnée de Joseph Louis Lagrange (1736-1813).
Infographie : Gédéon
Lagrange, la place où être…
Il y a 5 points de Lagrange :
- Les points L1 et L2 sont situés à proximité de l’astre de masse la plus faible (la Terre dans le cas du système Terre-Soleil. La position de L1 et L2 dépend des masses relatives de deux astres. Dans le cas du système Terre-Soleil, cette distance est de 1,5 millions de kilomètres.
- Le point L3 est symétrique de l’astre le plus petit par rapport au plus gros,
- Les points L4 et L5 sont aux sommets de triangles équilatéraux dont la base est matérialisée par les deux astres. La position de L4 et L5 ne dépendent pas des masses relatives des deux astres.
Les orbites autour de L4 et L5 sont stables, les trois autres instables. L4 et L5 sont parfois appelés points Troyens : dans le système Soleil-Jupiter, c’est là que se trouvent les astéroïdes troyens.
Intérêt des points de Lagrange et exemples de missions spatiales positionnées sur les points de Lagrange
Paradoxalement, c’est l’instabilité des positions L1, L2 et L3 qui les rend intéressantes pour les missions spatiales : on n'y trouve pas d’accumulation de corps naturels.
On peut y maintenir un équilibre dynamique avec une consommation de carburant raisonnable sur des orbites de Halo ou orbites de Lissajous. Deux autres notions qui ne sont pas super-intuitives : si vous avez aimé les jolies courbes de Rosetta, vous allez tomber amoureux des trajectoires de transfert entre l’orbite terrestre et les orbites de Halo autour du point L2...
- L1 : la position privilégiée pour observer le soleil en permanence, par exemple dans le cas des sondes ISEE-3, SOHO ou ACE (Advanced Composition Explorer).
- L2 : c’est le point idéal pour l’étude de l’univers froid, avec la Terre et le soleil à l’opposé de la direction d’observation de leurs instruments qui fonctionnent à très basse température pour assurer une grande sensibilité. C’est là qu’ont été envoyé les missions Planck, Herschel, WMAP ou Gaia qui seront bientôt rejointes par le JWST (James Webb Space Telescope).
Dans le cas du système Terre-Lune, P.E Schmid a également imaginé d’utiliser le point L2 (à 64500 km de la Lune) comme emplacement pour un satellite relais de télécommunications avec la face cachée de la Lune. La solution décrite dans une note technique de la NASA datée de juin 1968 (« Lunar Far-Side Commnuciation Satellites », NASA TN D-4509) et déjà évoquée en avril 1967 a été envisagée pour la mission Apollo XVII mais n’a pas, à ma connaissance, été mise en oeuvre.
La beauté du concept : le déplacement du satellite autour de l’orbite de Halo assure, malgré la présence de la Lune, une visibilité permanente de la Terre, avec un pointage d’antenne beaucoup plus simple que la solution d’un satellite en orbite basse autour de la lune.
Illustration du concept de satellite relais de communication en orbite autour du point de
Lagrange L2 du système Terre-Lune. Crédit image : NASA
Joseph Louis Lagrange (1736, 1813)
Né à Turin, c‘est un européen : il vit trente ans en Italie, vingt-et-un à Berlin et finit sa vie à Paris.
Dès l’adolescence, il s’intéresse aux mathématiques et à la mécanique. Ses recherches dans des domaines variés sont rapidement remarquées : en 1764, ses travaux sur les variations de l’orbite de la Lune (librations de la Lune) sont récompensés par le Grand Prix de l’Académie des sciences de Paris.
En 1788, Lagrange, devenu membre de l'Académie des Sciences de Paris, publie son célèbre livre de mécanique analytique. A partir de 1791, membre avec Lavoisier de la Commission des Poids et Mesures, il devient un des pères du système métrique). Il est membre fondateur du Bureau des longitudes (1795) avec Laplace et Cassini.
On lui doit des résultats sur le problème des trois corps en astronomie, dont la découverte des points de libration, dits points de Lagrange (1772).
Lagrange est inhumé à Paris au Panthéon et son nom est inscrit sur la Tour Eiffel.
En savoir plus :
- Les mois précédents du calendrier espace et astronomie du blog Un autre regard sur la Terre :
- Le calendrier de mai 2015.
- Le calendrier d'avril 2015.
- Le calendrier de mars 2015.