L’éruption de l’Etna en Sicile vue par le capteur ALI du satellite américain EO-1.
Image acquise le 19 février 2013. Crédit image : NASA
Neige, lave, nuages et forêts : fausses couleurs pour une vraie éruption
L’Etna est entré en éruption mardi 19 février : au petit matin, l'Etna s'est réveillé et craché de de la lave en fusion. A l’est de la Sicile, la montagne des montagnes, l’Etna, le volcan le plus haut d’Europe, culminant à 3350 mètres d’altitude, est l’uns des plus actifs au monde, avec des coulées de lave spectaculaires. On parle de « paroxisme volcanique », le moment le plus intense d’un phénomène volcanique.
La NASA vient de publier sur son site NASA Earth Observatory deux images impressionnantes acquises par le capteur ALI (Advanced Land Imager) du satellite EO-1. Les images ont été acquises le 19 février en milieu de matinée (9h59 en heure locale), quelques heures après la première explosion.
En réalité, il s’agit de deux représentations différentes de la même image. Les capteurs des satellites d’observation peuvent observer les scènes dans une ou plusieurs tranches du spectre la lumière.
Bandes de jaune à moi tout seul
Quand il y a une seule bande large, on parle d’image « panchromatique ». C’est l’équivalent de la photographie en noir et blanc : l’intensité lumineuse est mesurée sur l’ensemble du spectre. La bande panchromatique des satellites Pléiades couvre ainsi les longueurs d’onde de 0,48 µm à 0,83 µm.
Les capteurs « multi-spectraux » mesurent la lumière dans plusieurs parties du spectre lumineux. On parle de bandes spectrales, un intervalle entre deux longueurs d’onde. Par exemple sur les satellites Pléiades, il y a trois bandes dans le spectre visible (ce que voit à peu près l’œil d’un humain) :
- De 0,43 à 0,55 µm, qui correspond à une couleur dominante bleue.
- De 0,49 à 0,61 µm qui correspond au vert.
- De 0,60 à 0,72 µm qui correspond au rouge.
Certains satellites vont « plus loin » qui l’œil humain, en étant capable de voir d’autres longueurs d’onde. Ainsi, les satellites Pléiades ont également un canal (c’est-à-dire une bande spectrale) dans le proche infrarouge, entre 0,75 µm et 0,95 µm.
D’autres capteurs comme MODIS sur les satellites Terra et Aqua, MERIS sur Envisat ou ALI sur le satellite EO-1 (les images présentées ici) possèdent un nombre élevé de bandes spectrales, par exemple 36 pour MODIS. Par contre, comme souvent il est difficile d’avoir le beurre et l’argent du beurre : augmenter le nombre de bandes spectrales impose de réduire la résolution. Tout est affaire de compromis : pour l’étude de la végétation, si on recherche une grande finesse d’analyse spectrale, on peut se contenter d’une résolution plus modeste.
MODIS et MERIS offrent des résolutions de quelques centaines de mètres, alors qu’avec Pléiades voient des détails de quelques dizaines de centimètres.
Un exemple intéressant est le satellite européen Sentinel 2, un des premiers satellites spécifiques du programme GMES (désormais rebaptisé Copernicus), qui sera lancé en 2014 : son instrument possède 13 bandes spectrales, avec plusieurs bandes dans la bande infrarouge. Sa résolution reste cependant assez élevée, de 10 à 60 mètres selon les bandes. Sa fauchée, la largeur de terrain acquise en un passage, est de 290 kilomètres.
Et l'hyperspectral ? Un spectre de satellite ?
Il s'agit de bandes spectrales très étroites (centrées sur une longueur d'onde bien précise), et donc avec un nombre élevé de bandes. L'intérêt est d'avoir une caractérisation très précise du spectre. On en parle beaucoup mais il n'y a pas encore beaucoup de satellites sortis des cartons dans ce domaine.
Vraies images et fausses couleurs
Je publie régulièrement sur le blog Un autre regard sur la Terre de représentations d'images dites en « fausses couleurs », en particulier l’hiver avec des exemples montrant comment elles aident à distinguer les nuages des surfaces enneigées.
L’image présentée au début de cet article est une représentation de ce type : elle combine deux bandes du spectre infra-rouge et une bande visible (dominante verte), représentées à l’écran avec les couleurs rouge, verte et bleue.
C’est pour cette raison qu’on distingue facilement la lave qui apparaît en rouge vif, la neige en bleu-cyan, les nuages en blanc et la forêt et la végétation en vert :
- Le premier canal infrarouge est très sensible à la lumière émise par la lave en fusion. Par contre, celle-ci ne rayonne pas ou peu dans le proche-infrarouge et dans le vert).
- La neige absorbe l’infra-rouge (représentée en rouge à l’écran) mais réfléchit les composantes vertes (représenté en… vert) et proche infra-rouge (représenté en bleu) de la lumière solaire. Elle ressort donc en bleu-vert : c’est du cyan.
- Et les nuages ? Quand leurs gouttes d’eau sont sous forme d’eau liquide, elles reflètent de manière équivalente les trois bandes spectrales : on obtient du blanc.
- Les forêts et la végétation réfléchissent plus fortement le proche-infra-rouge (représenté en ver) que les autres bandes spectrales et apparaissent en vert. Les zones gris sombre sont d’anciennes coulées de lave avec peu de végétation.
L’image ci-dessous est une représentation de la même image prises par ALI en couleurs naturelles. C’est effectivement plus naturel pour un amateur de photographie mais moins facile à exploiter du point de vue technique.
L’éruption de l’Etna en Sicile vue par le capteur ALI du satellite américain EO-1.
Image acquise le 19 février 2013. Dans ce cas, représentation en couleurs naturelles.
Crédit image : NASA.
En savoir plus :
- Sur le site de l’INGV, les webcams observant l’Etna.
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