Il y a presque 25 ans, le 26 avril 1986, un accident dans la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine entraînait la fusion du cœur d'un réacteur et à une importante pollution radioactive de l’environnement. C’est à ce jour le plus grave accident nucléaire, classé au niveau 7 de l'échelle internationale des évènements nucléaires (INES). A l’époque, deux mois après le lancement du satellite français Spot 1, la publication d’images satellites acquises quelques jours après l’explosion de la centrale de Tchernobyl avait montré l’intérêt de disposer de sources d’informations indépendantes.
Le 15 mars 2011, après le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé le Japon, c’est la situation dans la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi qui inquiète beaucoup, avec des dégâts sur le caisson de confinement du réacteur n°2. De nombreux satellites d’observation, dont Spot 5, TerraSar-X et les satellites américains ont été mis à contribution, d’abord pour cartographie l’impact du tsunami puis pour surveiller la situation des centrales nucléaires. Je publierai bientôt un article sur la contribution effective des différents satellites dans le cas des tremblements de terre, des tsunamis et des accidents nucléaires.
A 25 d’intervalle, le satellite Spot 1 témoin de la catastrophe de Tchernobyl (en bas, image acquise
le 6 mai 1986) et Spot 5 au-dessus des centrales de Fukushima (en haut, images acquises le
12 mars 2011 avec un zoom sur la centrale de Fukushima Daiichi et la zone d'évacuation de 20 km).
Copyright CNES 1986-2011 – distribution Astrium Services / Spot image.
Bien sûr, les satellites ne mesurent pas directement la radioactivité. Ils contribuent à la prévision météorologique et donc à la modélisation des trajectoires des nuages radioactifs. Quelques rappels et explications au sujet de la radioactivité et de ses effets…
La radioactivité, qu’est-ce que c’est ?
Mise en évidence sur l’uranium en 1896 par Henri Becquerel puis sur le radium par Marie Curie pour le radium, la radioactivité est un phénomène physique de transformation spontanée des noyaux atomiques instables : en se « désintégrant », ils émettent de l'énergie prenant la forme de rayonnements divers (rayons α, des rayons β ou des rayons γ) et un ou plusieurs neutrons. En dehors des neutrons, tous ont suffisamment d'énergie pour ioniser directement des atomes, c’est-à-dire, pour leur ôter un ou plusieurs électrons. Ce sont des rayonnements ionisants.
- Une particule alpha se compose de deux protons et deux neutrons, soit l'équivalent du noyau d'un atome d'hélium. Les particules alpha provoquent facilement l'ionisation de la matière avec laquelle elles sont en contact. Une particule alpha peut parcourir plusieurs millimètres dans l'air mais sa portée diminue dans les milieux plus denses : les particules alpha ne traversent pas la couche superficielle de l'épiderme humain, mais elles représentent un danger si elles sont inhalées.
- Une particule bêta (électron ou positron) est beaucoup plus légère qu'une particule alpha et peut parcourir une plus longue distance que les particules alpha avant de perdre son énergie. Une particule bêta d'énergie moyenne parcourt environ un mètre dans l'air et un millimètre dans un tissu biologique.
- Les rayons gamma sont des rayonnements électromagnétiques. Les rayons gamma peuvent pénétrer beaucoup plus profondément que les particules alpha ou bêta.
- Les neutrons sont des particules qui ne possèdent aucune charge électrique. L’ionisation qu’ils provoquent est indirecte (collisions, diffusion, capture) et ces interactions entraînent selon les cas l'émission de rayons gamma, de rayonnement bêta, voire l’émission d'autres neutrons.
Comment mesurer la radioactivité et ses effets ?
Il y a trois notions bien distinctes : la première concerne les propriétés de la substance radioactive proprement dite, la deuxième la façon dont cette radioactivité est absorbée par les objets exposés, enfin, les effets biologiques quand il s’agit d’êtres vivants exposés à ces rayonnements.
- La radioactivité d’un objet se mesure en Becquerel (Bq) : 1 Bq correspond à une désintégration par seconde. Dans le passé, on utilisait le Curie (Ci) : 1 Ci correspond à la radioactivité d'un gramme de radium soit 37 milliards de désintégrations par seconde. Les deux unités représentent des niveaux de radioactivité très différents : 1 Ci = 3,7.1010 Bq. La radioactivité d'une substance dépend directement de la quantité de matière radioactive, qu'elle soit solide, liquide ou gazeuse.
- La dose absorbée : c’est la dose reçue par un objet exposé à un rayonnement ionisant. Elle mesure la quantité d'énergie reçue par unité de masse de cet objet. L'unité utilisée dans le système international est le Gray (Gy). Un Gray correspond à une énergie de 1 joule par kg de matière irradiée. Le débit de dose fait intervenir le temps : Un débit de dose de 1 Gy par seconde n'aura pas les mêmes effets s'il est subi pendant quelques minutes ou plusieurs heures ! Auparavant, on utilisait le Röntgen (1 R= 2,58.10-4 C/kg) et plus récemment le Rad (pour « radiation absorbed dose ») : 1 rad=10-2 Gy.
- L'effet biologique est mesuré par la dose équivalente et par la dose efficace (un joli nom !) : chaque type rayonnement a des effets différents sur la matière vivante. Une unité a donc été créée pour tenir compte de ces effets, en appliquant des facteurs de pondération qui dépendent du type de rayonnement (alpha, bêta, gamma, X, neutrons), de la nature de l’exposition (externe ou interne) et de la sensibilité spécifique des organes ou tissus. La dose équivalente est la dose absorbée multipliée par un facteur de pondération du rayonnement. La dose efficace prend en compte le type de tissus soumis à la radiation : c'est la dose équivalente multipliée par un facteur de pondération tissulaire. Le facteur dépend de la sensibilité de chaque organe, mais aussi de la gravité des cancers induits. Dose équivalente et dose efficace se mesurent en Sievert (Sv). Un sievert représente une dose très élevée et on parle généralement de millisievert (1 mSv=10-3 Sv). Sievert est le nom d’un physicien suédois qui fut l’un des pionniers de la protection contre les rayonnements ionisants. Autrefois, lorsque le rad était utilisé comme unité de dose absorbée, l'unité de dose équivalente était le rem, pour « rad equivalent man ».
Quels sont les risques selon les doses reçues ?
Les effets sur l'organisme dépendent de la dose reçue et de la durée d’exposition qui est un facteur très important. Voici ci-dessous quelques indications des effets probables que le LPSC de Grenoble décrit sur son site :
- 10 000 mSv (10 Sv) reçus en une seule fois (temps court inférieur à quelques heures) : dommages immédiats, très sévères entraînant la mort en quelques semaines.
- Entre 2 et 10 Sv en une fois : dommages sérieux mais non définitifs jusqu'à 4 Sv. A partir de cette valeur, ils deviennent irréversibles et les risques de mortalité augmentent avec la dose.
- 1 000 mSv (1 SV) en une fois : peut entraîner (temporairement) des nausées, une baisse des globules blancs et des leucocytes mais pas la mort. Tout redevient normal en peu de temps. Un sievert accumulé sur un temps plus long entraîne une augmentation du risque de développer un cancer mortel d'environ 5% plusieurs années plus tard.
- 50 mSv par an est la plus petite dose en-dessous de laquelle on ne peut prouver l'apparition de cancers (cette dose est aussi la radioactivité naturelle de plusieurs lieux sur Terre). Au-delà de cette valeur, le nombre de cancers augmente avec la dose.
- 20 mSv par an moyenné sur 5 ans : c'est la limite légale que peuvent recevoir les travailleurs du nucléaire.
- 2-10 mSv par an : radioactivité naturelle moyenne. localement, elle peut être beaucoup plus élevée.
- 1 mSv par an : c'est la limite légale que peut recevoir le public (au-dessus de la radioactivité naturelle).
Pour les faibles doses, les effets biologiques sont très difficiles à mesurer et les études épidémiologiques dans ce domaine sont très délicates à analyser car il est difficile de déterminer précisément l’origine d'un cancer.
Que signifie un accident de classe 6, de classe 7 ? l'échelle internationale des événements nucléaires (INES, International Nuclear Event Scale)
Mise en œuvre à partir de 1991, cette échelle logarithmique internationale compte huit niveaux de gravité notés de 0 à 7, selon des critères de défaillance des mesures de sécurité et d'impact sur l'environnement (interne ou externe à l'installation) Elle est destinée à faciliter la perception par les médias et le public de l'impact en matière de sûreté des incidents et des accidents nucléaires. C'est donc davantage un outil de communication et non une échelle de mesure scientifique.
En 1957, l’explosion à l’usine de retraitement de Kychtym en URSS correspondait au niveau 6 actuel.
Le 28 mars 1979, La fusion partielle du cœur du réacteur no 2 (TMI-2) à Three Mile Island, en Pennsylvanie aux Etats-Unis relevait de la classe 5.
En France, en février 1980, à la Centrale de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) une défaillance technique a conduit à l’inflammation locale du combustible. L’accident a endommagé gravement l’installation.
Le 15 mars 2011, compte tenu de l'évolution de la situation, l'Autorité française de sûreté nucléaire a classé l'accident japonais au niveau 6. le terme "Accident" devient un euphémisme.
Niveau | Nature de l'accident | Conséquences à l'intérieur du site |
Conséquences à |
0 | Aucune importance du point de vue de la sûreté | ||
1 | Anomalie sortant du régime de fonctionnement autorisé | ||
2 | Incidents assortis de défaillances importantes des dispositions de sécurité | Contamination importante / surexposition d’un travailleur | |
3 | Accident évité de peu / perte des barrières | Contamination grave / effets aigus sur la santé d’un travailleur | Très faible rejet : exposition du public représentant une fraction des limites prescrites |
4 | Endommagement important du cœur du réacteur / des barrières radiologiques / exposition mortelle d’un travailleur | Rejet mineur : exposition du public de l’ordre des limites prescrites | |
5 | Endommagement grave du cœur du réacteur / des barrières radiologiques | Rejet limité susceptible d’exiger l’application partielle des contre-mesures prévues | |
6 |
Rejet important susceptible d’exiger l’application intégrale des contre-mesures prévues |
||
7 | Rejet majeur : effets considérables sur la santé et l’environnement |
En savoir plus :
Sur la radioactivité :
- Une page du réseau national de mesure de radioactivité de l’environnement.
- Une page sur le site Wikipedia.
Sur les unités de mesure :
- Sur le site du Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie, une page du groupe de Physique des Réacteurs Nucléaires.
- Une page sur le site Wikipedia.
Sur les mesures de radioactivité dans l’environnement :
- Le site de la CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité).
- Sur le site du réseau national de mesure de radioactivité de l’environnement, la carte des mesures en France.
- Un article du blog Un autre regard sur la Terre avec des explications sur la modélisation de la dispersion du nuage radioactif en provenance de la centrale de Fukushima.
Sur les instruments de mesure :
- Un article « Mesurer la radioactivité: instruments et méthodes » par David Close et Lisa Ledwidge sur le site Institute for Energy and Environmental Research.
Sur les accidents nucléaires :
- Sur le site de l’'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), des dossiers sur les accidents de Three Mile Island (1979), de Tchernobyl (1986) et de Cruas (2009).
- Voir également les dossiers sur le site de la CRIIRAD, avec par exemple une série de cartes et documents concernant l'impact de Tchernobyl en France.