La neige sur la chaîne des Pyrénées, vue par le capteur MODIS du satellite américain Aqua
le 9 décembre 2012. Crédit image : NASA/GSFC, Rapid Response
La douceur du douze douze douze
Il faudra encore attendre deux jours avant le solstice de décembre (c’est le 21 décembre 2012 à 11h17 UTC) mais l’hiver semble bien là, en tout cas dans l’hémisphère nord. Le passage à l’heure d’hiver le 28 octobre était un premier indice. Même si la semaine écoulée a été accompagnée d’un redoux spectaculaire avec de la pluie et du vent, le temps hivernal a fait son apparition depuis début décembre, avec des chutes de neige, du brouillard et même des pluies verglaçantes en Bretagne et dans la région Pays de Loire.
Voici quelques images satellites prise récemment dans différentes régions d’Europe et du Monde qui montrent la neige telle que la voient les satellites d’observations de la Terre.
Un petit détour dans le sud-est de la France avec le sud des Alpes, le nord de l’Italie et la Corse et ses sommets (dont le Monte Cinto) enneigés.
La Corse, le sud des Alpes et le nord de l’Italie partiellement enneigés. Image prise par le capteur
MODIS du satellite américain Aqua le 9 décembre 2012. Crédit image : NASA/GSFC, Rapid Response
Les images satellites montrant des régions enneigées sont une excellente opportunité pour faire comprendre l’importance de l’observation dans différentes bandes spectrales pour distinguer les types de sols ou d’occupations des sols. J’ai déjà publié plusieurs articles sur ce sujet et en voici un nouvel exemple avec le sud de la France à la fin de la première semaine de décembre :
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Le sud de la France vu par le capteur MODIS du satellite Aqua le 6 décembre 2012.
Trois combinaisons différentes des bandes spectrales de la même image. A gauche, couleurs naturelles.
Au centre, représentation utilisant les canaux 7, 2 et 1. A droite, idem avec les canaux 3,6 et 7.
Crédit image : NASA/GSFC, Rapid Response
Notez en particulier comment la représentation "721" permet de distinguer la neige des nuages ou des spectaculaires nappes de brouilladrs dans les vallées de la Garonne, la Dordogne et de la Vézère. Vous trouverez des explications détaillées dans cet article du blog Un autre regard sur la Terre sur la neige et les bandes spectrales de MODIS. Avec un peu d'attention, on remarque également dans la représentation 721 les traces (couleur rouge) des zones brûlées de l'incendie de la Jonquera en Catalogue en Juillet 2012.
On traverse l’atlantique pour aller dans la région de Chicago du Lac Michigan au nord-est des Etats-Unis avec une image spectaculaire montrant la limite entre les régions enneigées au nord et celles au sud sous un ciel totalement dégagé.
La région de Chicago et le lac Michigan vus par le capteur MODIS du satellite américain Aqua
le 12 décembre 2012. Crédit image : NASA/GSFC, Rapid Response
Unha-3, le score du match Real Madrid – FC Barcelone ?
Toujours, le 12 décembre 2012, mais toujours plus à l’ouest au-dessus de la péninsule de Corée après avoir traversé le Pacifique. L’image suivante provient de GOCI, un capteur d’observation de la Terre embarqué à bord du satellite COMS. C’est un satellite géostationnaire peu connu du grand public. Construit par Astrium pour l’agence spatiale sud-coréenne (KARI), c’est un satellite qui embarque trois charges utiles différentes : télécommunications, météorologie et observation de la Terre (GOCI). C’est à ma connaissance le seul satellite qui fait de l’observation permanente à résolution moyenne. L’instrument GOCI travaille dans 8 bandes spectrales (6 dans le visible et 2 dans le proche infra-rouge) et fournit des images de 500 mètres de résolution au-dessus de la Corée.
Et Unha-3 ? C’est le type de fusée lancée avec succès, également le 12 décembre 2012, le jour où cette image est prise, par le Corée du nord de Kim Jong-Un. Un satellite a été mis en orbite mais il semble n’émettre aucun signal.
La péninsule de Corée sous la neige. Image acquise le 12/12/12 par le capteur GOCI du satellite COMS.
Il s’agit d’une représentation en couleurs naturelles combinant trois bandes spectrales
(0,680µm, 0,555µm et 412 µm). Crédit image : KARI / KORDI /KOSC
Retrouver l’Amour en passant par la Chine…
C’est le quatrième fleuve d’Asie, le premier fleuve de sibérie. L’image suivante a été prise par les astronautes de l’expédition 33 de la Station spatiale Internationale. Elle montre un tronçon de la rivère Songhua (près de 2000 kilomètres de longueur) en Chine au nord de la Corée, et environ 40 kilomètres au sud de la confluence avec l’Amour. La couverture neigeuse met bien en évidence les contours géométriques des parcelles agricoles, la colline boisée isolée et les tâches grises des villages. L’absence de motifs géométrique permet d’identifier les plaines inondables sur la rive ouest, en face de la ville de Suibin.
Au nord-est de la Chine, la rivière Soghua dans une région agricole. Image ISS033-E-22759 prise
le 18 novembre 2012 par l’équipage de l’ISS (Nikon D3S avec un téléobjectif de 400 mm).
Crédit image : NASA / JSC.
21 décembre 2012, la fin du monde… et après ?
J-2 jours avant le 21 décembre 2012. Les médias ont compris que les peurs irrationnelles liées à cette date étaient un bon moyen de faire de l’audience. A côté de thèses plus farfelues les unes que les autres, que dit la science ?
Il y a un an, j’ai déjà abordé ce sujet dans un article sur le solstice d’hiver et sur le « sol invictus ». Plusieurs revues de vulgarisation scientifique font le point sur le sujet ce mois-ci. C’est le cas d’un dossier spécial de 10 pages paru dans le numéro de décembre de Ciel et Espace, la revue de l’AFA (l’Association Française d’Astronomie).
Les Mayas auraient prévu la fin du monde pour le 21 décembre 2012, car ce jour-là commencerait un nouveau cycle de leur calendrier. Les cataclysmes évoqués sont peut-être de bons scénarios pour Hollywood : une imaginaire planète, Nibiru, venant percuter la Terre, un alignement de planètes provoquant des tsunamis géants, une gigantesque éruption du Soleil… Ils ne résistent pourtant pas longtemps à une analyse sérieuse. Voici un résumé de celle effectuée par Ciel et Espace…
Des problèmes avec le calendrier des mayas
Le calendrier maya a deux échelles de mesure du temps. La première, un cycle court de 260 jours comprenait les fêtes religieuses et la période des récoltes, les 105 autres jours de l’année comprenaient la saison des pluies et de croissance du maïs.
Un second cycle, plus long dit « Cycle du Soleil », correspondait à 5125 ans. Si le 5ème cycle long des Mayas a bien commencé le 3 août 3 114 av. JC, un nouveau cycle devrait démarrer le 20 décembre 2012. Mais rien n’indique qu’il s’agisse d’une catastrophe, tout au plus un autre aspect de la vision cyclique du monde des civilisations précolombiennes. Les mayas avaient confiance dans l’avenir : des chercheurs de l’Université de Boston ont découvert en 2011 des fresques mayas représentant des évènements astronomiques observables dans plusieurs milliers d’années…
Les éruptions et les tâches solaires
Autre piste : un regain d’activité de notre Soleil grillant la surface de notre planète. Le cycle d’activité, plus ou moins intense, du soleil dure 11 ans. Lors du maximum solaire, des éruptions projettent des particules à hautes énergies qui sont déviées vers les pôles par le champ magnétique terrestre protégeant la Terre. Les particules solaires très énergétiques percutent alors les particules de la haute atmosphère terrestre. Celles-ci émettent alors de la lumière : ce sont les aurores boréales.
Si l'éruption solaire est très violente, l'afflux des particules chargées peut provoquer des dysfonctionnements temporaires des télécommunications par satellite ou des instruments à bord des avions. Dans de très rares cas, les transformateurs électriques peuvent disjoncter ou griller… Ce fut le cas en 1989 au Canada. Toujours pas de fin du monde mais plus d'électricité… Et des délais assez longs pour apporvisionner de nouveaux transformateurs !
En 2012, les spécialistes de l’Observatoire de Paris ou de l’Observation Royal de Belgique constatent que l’activité de notre étoile est plus faible que lors des derniers cycles.
Un alignement planétaire provoquant une marée géante
Autre scénario issu de l’imagination fertile des adeptes de la fin du monde : l’alignement de la totalité des planètes de notre Système solaire qui engendrerait un effet de marrée dévastateur avec des tsunamis géants. L’IMCCE, déjà évoqué dans notre précédent article, ne prévoit aucun alignement particulier dans le ciel du 21 décembre 2012.
De leur côté, les astronomes de l'Observatoire de Haute-Provence précisent : "Les planètes Jupiter, Terre et Venus seront en alignement le 23/12/2012. L'alignement Jupiter, Terre et Mercure aura lieu le 17/12/2012. Des alignements entre planètes ont lieu assez fréquemment. Celui-ci n'a rien d'exceptionnel" et "Vu de la Terre, le Soleil apparaît projeté devant la Voie Lactée entre le 10 et le 30 Décembre, et il se projette sur le plan galactique vers le 21/12, mais ceci a lieu CHAQUE ANNEE. Donc ceci n'aura rien d'exceptionnel en 2012. Dans l'alignement Terre-Soleil-Centre Galactique la distance du Centre Galactique au Soleil est 1.6 milliard de fois la distance Terre-Soleil. Puisque, comme vous le savez, la force de la gravité varie comme l'inverse du carré de la distance, cet alignement n'a strictement aucune influence gravitationnelle".
Ne vous marrez-pas : les grandes marées sont causées par l'alignement de la Terre, de la Lune et du Soleil. L'influence gravitationnelle des autres planètes du système solaire est négligeable : l’effet de marée de Jupiter, la planète la plus massive du système solaire, est inférieur à un millimètre !
L’astéroïde gonflé aux stéroïdes…
50 000 tonnes de poussières interplanétaires tombent sur la Terre chaque année. Certains, de la taille d'un petit pois, créent les magnifiques étoiles filantes. Certains gros cailloux (quelques dizaines de centimètres), appelés bolides, frôlent la Terre comme en 2011 au-dessus de Rennes et Toulouse, mais la probabilité d’une collision avec une zone habitée est presque nulle. Aucune étoile filante n’a encore tué d’humain : la seule victime connue est une vache !
Pour qu’un astéroïde puisse vraiment causer des dégâts, par exemple faire disparaître 25% des espèces vivantes, il faut qu'il mesure au moins un kilomètre de diamètre. Les scientifiques suivent de près ces géocroiseurs de plus d'un kilomètre. Ils estiment avoir recensé 90% de ces gros astéroïdes et aucun ne menace la Terre pour les prochains siècles !
Pas nette, la planète Nibiru !
C’est une autre fable provenant d’une transcription farfelue de tablettes sumériennes : une planète, d’une taille voisine de celle de la Terre, nous percuterait de plein fouet le 21 décembre 2012. Le plus étonnant, c’est qu’aucun astronome n’ait encore remarqué la présence d’une telle planète de notre Système solaire. C'est par exemple en analysant les perturbations de l'orbite d'Uranus que Le Verrier a découvert Neptune en 1846. Une méthode qui a donc fait ses preuves, mais aujourd'hui dans le système solaire, tout semble tourner rond avant noël.
Et le scénario d’une planète orpheline fonçant du milieu interstellaire ? Depuis 2011, nous savons en effet qu’il existe deux fois plus de planètes isolées qu'en orbite autour d’étoiles. Toutefois, comme nous sommes capables d’observer les satellites de Jupiter ou de Neptune, il serait bien curieux de ne pas avoir réussi à observer un astre de taille de la Terre plusieurs années avant qu’il ne s’approche ! Qu’avons-nous vu ? Rien.
Des signaux rassurants…
Vous n’êtes pas totalement rassurés. D’autres indices devraient vous convaincre que la fin du monde n’est pas pour demain ou après-demain :
- Le lancement imminent d’une nouvelle fusée Ariane 5 à Kourou : le vol VA211 emporte deux gros satellites de télécommunication : Skynet 5D et Mexsat Bicentenario. C’est le dernier vol de l’année 2012 avec une année très bien remplie pour Arianespace et le Centre Spatial Guyanais.
- La fin de la mode : les dates des soldes d’hiver 2013sont fixées : en général, elles commenceront mercredi 9 janvier 2013 pour se terminer le mardi 12 février 2013.
- L’équinoxe de printemps : ce sera le 20 mars 2013, juste avant l’anniversaire d’Alice.
- A Bugarach, le dispositif de sécurité mis en place par les gendarmes restera en place « avant, pendant et après la fin du monde ».
- Gérard Depardieu n’a pas déménagé à Bugarach.
Bref, la seule chose attendre dans les jours qui viennent, c’est la fin de l’automne puis la fin de l’année 2012. Un des vrais problèmes à traiter actuellement, c’est plutôt la faim du monde…
Si vous hésitez encore à préparer les fêtes de noël, il est peut-être temps de s’y mettre. Un conseil pour les élèves : à votre place, je ferais quand même les devoirs à la maison donnés par vos profs pour les vacances de noël.
Un métier d'avenir identifié : la diffusion de la culture scientifique et technique. Y en a besoin !
Je vous souhaite de passer une excellente fin d’année dans votre famille ou avec vos amis. Rendez-vous dans quelques jours pour de nouvelles images.
En savoir plus :
- D’autres articles sur la neige et les satellites d d’observation :
- Premières neiges à New York après le passage de Sandy et avant celui d’Obama
- Vague de froid de février 2012 : les conséquences sur l’agriculture dans l’Est de la France
- Manteau blanc sur la ville rose : la neige à Toulouse vue par Pléiades
- Vague de froid et neige en France : une nouvelle image du satellite ENVISAT
- La neige en France vue par le satellite Envisat
- Neige blanche et vigilance orange : les satellites en voient de toutes les couleurs !
- Premières neiges à New York après le passage de Sandy et avant celui d’Obama
- Le dossier de 10 pages de l’édition de décembre 2012 de la revue Ciel & espace, avec d’autres théories : les super volcans, le risque des supernovae ou encore la perturbation du champ magnétique terrestre… En vente 5,20 € en kiosque et sur le site Cieletspace.fr
- Sur le site EOSDIS (Earth Observing System Data and Information System) de la NASA, les pages « MODIS Rapid Response » avec les images des satellites Aqua et Terra publiées chaque jour.
- Le site du KOSC (Korean Ocean Satellite Center), avec des informations en anglais sur le satellite COMS et le capteur GOCI et les pages où sont publiées chaque jour les images GOCI.
- Le site “Gateway to Astronaut Photography of Earth” pour trouver d’autres images prises à partir de la Station Spatiale Internationale (ISS).
- Le site NASA Earth Observatory qui publie régulièrement des images provenant des satellites américains opérés par la NASA.
- Sur le site de l'Observatoire de Haute-Provence (OHP), une FAQ sur les alignements en 2012.