Pléiades et les Pléiades
Saviez-vous que les satellites d’observation de la Terre prenaient des images des étoiles ?
Dans un article sur les premières opérations en orbite du Pléiades 1B, j’ai décrit le fonctionnement des senseurs stellaires, ces capteurs essentiels pour le contrôle de l’orientation du satellite. Ici, il s’agit d’une autre activité importante effectuée pendant la recette en vol : la mesure des performances et la calibration de l’instrument de prise de vue, la charge utile du satellite Pléiades.
Des détails sur la très haute résolution…
Pourquoi utiliser les étoiles ? Situées à très grande distance de la terre, elles constituent une très bonne solution pour prendre des images de sources lumineuses ponctuelles. Les équipes du CNES qui effectuent actuellement la recette en vol de Pléiades 1B s’en servent pour la refocalisation de l’instrument (un peu comme la mise au point d’un appareil photo) ou pour la mesure de ses caractéristiques. Si vous vous intéressez aux détails sur les images à très haute résolution, je vous conseille la lecture de cet article du blog Un autre regard sur la Terre qui tente d’expliquer deux notions pas totalement intuitives : la fonction de transfert de modulation et le rapport signal sur bruit.
Au total, plus de 1000 images d’étoiles seront acquises pendant la recette du satellite Pléiades 1B.
Image de Jupiter acquise par le satellite Pléiades 1B le 7 décembre 2012.
Cliquer sur l'image pour voir la séquence animée.
Copyright CNES 2012. Distribution Astrium GEO-Information Services / Spot Image.
Et Jupiter, c’est une étoile ?
Pas vraiment : c’est une planète et c’est même la plus grosse planète du système solaire. Si on ajoute que dans les jours qui suivaient le lancement du satellite Pléiades 1B, Jupiter n’était pas loin de sa plus courte distance à la Terre, on comprend que les équipes du CNES aient cédé à la tentation de faire quelques images de la géante gazeuse. L’agilité du satellite permet en effet de l’orienter vers la terre mais également vers n’importe quelle région de la voute céleste.
La planète Jupiter s’est donc fait tirer le portrait par Pléiades 1B le 7 décembre entre 13h et 18h UTC. C’était seulement une semaine après le lancement de Pléiades 1B et deux jours après la première image. Pour corser un peu l’exercice, les équipes du CNES ont programmé Pléiades pour acquérir neuf images consécutives prises avec un intervalle d’environ 45 minutes, un peu comme une séquence vidéo en mode « timelapse » (voir d’autres exemples avec la Station Spatiale Internationale). Le résultat est l’animation très spectaculaire présentée ici.
Détails de taille
Au moment où Pléiades prend cette série d’image, Jupiter est à environ 4,074 unités astronomiques de la Terre. J’ai obtenu cette distance avec le calculateur d’éphémérides de l’IMCCE (Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides) que j’utilise régulièrement pour le blog Un autre regard sur la Terre.
Sachant qu’une unité astronomique, la distance moyenne terre soleil, vaut 149 597 871 kilomètres, la distance Terre-Jupiter le 7 décembre était donc d'environ 609 millions de kilomètres. Cette distance varie entre 588 et 968 millions de kilomètres, selon les positions respectives de la Terre et de Jupiter autour du soleil (aphélie ou périhélie).
En bon satellite d’observation de la Terre, Pléiades 1B prend normalement ses images à une distance de 694 kilomètres de la surface de notre planète.
Quand il a Jupiter en ligne de mire, notre satellite à très haute résolution est donc à une distance presqu’un million de fois plus grande, exactement 878133 fois plus grande.
Comme avec un appareil photo avec un objectif à focale fixe, la finesse de détails visibles est directement proportionnelle à cette distance de prise de vue.
Alors que sur Terre, Pléiades 1B peut discerner des objets de 70 centimètres de côté, un pixel du capteur optique de Pléiades représente 615 kilomètres à la surface de Jupiter, à peu près la distance entre Toulouse et Paris.
Vous voulez vérifier ? Mesurez le diamètre de Jupiter sur l’image en pleine résolution… A l’équateur, vous trouverez 230 pixels, correspondant à un diamètre réel de 141450 kilomètres à l’équateur. C’est environ 11,2 fois le diamètre de la Terre. Néanmoins, malgré sa taille énorme, Jupiter n’occupe qu’une toute petite partie de l’image Pléiades complète. Difficile de faire un gros plan à plus de 600 millions de kilomètres de distance.
La grosse tache rouge qui passe…
Que peut-on voir sur cette série d’images ?
On reconnaît bien sûr les bandes parallèles caractéristiques de Jupiter. Mais c’est d’abord la grande tache rouge qui attire l’attention. Situé dans l’hémisphère sud, à environ 22° de latitude, c’est un anticyclone de l'atmosphère de Jupiter d’un taille impressionnante ; une long d'environ 25 000 km et une largeur de près de 12 000 km, soit environ le diamètre de la Terre.
La période de rotation de la tache rouge de Jupiter est de dix heures : on voit son passage sur quatre des neuf images de la séquence prise par Pléiades 1B.
Sur la partie gauche de l’image, on voit également passer un des satellites de Jupiter.
S’agit-il d’un des plus gros satellites : Io, Europe, Ganymède ou Callisto ? Au total, on connaît aujourd’hui 66 satellites naturels de Jupiter. Si vous savez identifier celui de l’image, merci de poster un commentaire à la fin de cet article.
Deux extraits de la séquence d’images de Jupiter prises par le satellite Pléiades 1B : la grande
tache rouge et un satellite. Copyright CNES 2012.
Distribution Astrium GEO-Information Services / Spot Image.
Plus près de Jupiter avec les sondes spatiales
Les amateurs éclairés ou les observatoires terrestres parviennent à faire des images similaires de Jupiter depuis la Terre (avec l’atmosphère qui s’intercale entre les planètes et les télescopes ou les lunettes). Les images de Jupiter prises par Pléiades 1B mettent surtout en valeur les capacités offertes par l’agilité du satellite. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler avec des séquences d'images du sol mais aussi d'images étonnantes de la Lune (en relief) ou des satellites Spot 5 et Envisat. Pléiades 1A compte d'autres prouesses à son actif qui n'ont pas encore été publiées...
Pour les astronomes, ce sont les missions d’exploration des planètes du système solaire qui ont fourni les informations et les images les plus intéressantes.
Ce sont les missions Pioneer 10 et Pioneer 11 qui ont fourni les premières images rapprochées de l'atmosphère de Jupiter et de plusieurs de ses lunes. Un peu plus tard, les missions Voyager, les engins spatiaux les plus anciens encore en fonction, découvrent les anneaux de Jupiter. Leur palmarès est exceptionnel.
En 1992, la sonde Ulysses se mit en orbite polaire autour du Soleil et effectua alors des études de la magnétosphère de Jupiter.
En 2000, la sonde Cassini, en route pour Saturne, survola Jupiter et pris des images en haute résolution de la planète. La sonde New Horizons, en route pour Pluton, survola Jupiter en février 2007 pour une manœuvre d'assistance gravitationnelle.
La sonde Galileo est le seul engin à avoir été mis en orbite autour de Jupiter, à partir de décembre 1995. Exceptionnel : Galileo fut témoin de l'impact de la comète Shoemaker-Levy 9 en 1994 lors de son approche de Jupiter. Plus récemment, en août 2011, la NASA a lancé Juno, une sonde qui doit rejoindre Jupiter sur une orbite polaire.
En savoir plus :
- D’autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie « satellites insolites ».
- Un article sur les sondes Voyager et l'exploration du système solaire.
- Sur le blog « La tête en l’air » du CNES, la séquence complète d’images de Jupiter prises par Pléiades 1B.
- Sur le site du CNES, une page avec quelques chiffres sur Jupiter.
- Le site de l’IMCCE et le calculateur d’éphémérides.
Suggestions d’utilisations pédagogiques en classe :
- En utilisant cette image, les articles sur la sonde MSL et d’autres images de planètes présentées sur le blog Un autre regard sur la Terre, travail sur le mouvement des planètes et l’excentricité de leurs orbites, avec calcul des distances minimales et maximales entre la Terre et les autres planètes. Peut-être fait avec des simulations informatiques ou la réalisation de maquettes du système solaire. A titre d’exemple, pour Jupiter, les distances du soleil sont les suivantes :
- Distance minimale (périhélie) : 740 520 000 kilomètres ((4,95 UA)
- Distance maximale (aphélie) : 816 620 000 kilomètres (5,46 UA)
- Distance moyenne : 778 412 027 kilomètres (5,20 UA)
- La distance de la Terre autour du soleil variant entre 147 098 074 et 152 097 701 kilomètres, on retrouve les deux valeurs mentionnées plus haut pour les distances minimales entre la Terre et Jupiter.
- Organiser une soirée d’observation astronomique avec plusieurs classes ou avec un plus large public à l’occasion de la fête de l’école. Des associations spécialisées comme Planète Sciences, l’Association Française d’Astronomie (AFA) ou les clubs d’astronomie de votre région peuvent vous aider en amenant télescopes, lunettes et amateurs éclairés pour observer le ciel nocturne.