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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

Marée noire et exploitation offshore dans le golfe du Mexique : le rôle de l'océanographie opérationnelle par satellites

Publié le 10 Mai 2010 par Gédéon in Océanographie

Samedi 8 mai 2010, le « couvercle » qui avait été mise en place par BP pour tenter de limiter la marée noire dans le golfe du Mexique a été retiré à cause de la formation de cristaux similaires à de la glace. Ces cristaux se formeraient sous l'effet combiné du gaz et de l'eau dans certaines conditions de pression et de température. Cette structure n'avait jamais été testée à une telle profondeur. Son installation par des robots sous-marins à plus de 1500 mètres de profondeur est très complexe, avec de forts courants marins et sous haute pression.

 

Connaître l’état de l’océan en surface et en profondeur :

La connaissance des températures et des courants et la prévision de leur évolution sont indispensables pour planifier et mener de telles opérations, que ce soit dans le cas d’une crise comme celle de la plate-forme Deepwater Horizon ou pour les opérations d’exploitation offshore de routine.

Les courants et les tourbillons associés peuvent rendre difficiles voire dangereuses les opérations de forage, aussi bien en surface qu'en profondeur. En effet, au large, le pétrole et le gaz sont extraits de plus en plus à partir de plateformes flottantes reliées au fond par des pipe-lines flexibles. Dans le jargon pétrolier, on parle de FPSO (Floating Production, Storage and Offshore Loading) ou unité flottante de production.

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Exemples de FPSO (Crédit image : Charles Townsend

Les FPSO restent fixes par rapport au fond, par positionnement GPS et grâce à un pilotage sophistiqué. Régulièrement, car les capacités de stockage sont limitées, des tankers viennent s'arrimer aux FPSO pour récupérer le pétrole. Ces manoeuvres délicates nécessitent une bonne connaissance des conditions de mer. L’état de la mer en profondeur, en particulier la vitesse du courant la vitesse du courant, est également un paramètre qui peut perturber l’exploitation : tout au long de la colonne d’eau, les courants de cisaillement peuvent, selon leur intensité, endommager les pipe-lines.

 

Le rôle des satellites : des données indispensables pour une modélisation de qualité

Combinés à des outils de modélisation, les satellites apportent une aide précieuse. L’altimétrie spatiale, la mesure des températures de surface sont des paramètres essentiels pour assurer une modélisation de qualité. On exploite également la mesure de concentration en chlorophylle correspondant au phytoplancton. Le satellite apporte ainsi une vision globale, complémentaire des mesures réalisées localement sur place. Celles-ci sont bien adaptées à une exploitation locale et immédiate. Le satellite a ouvert les possibilité de modélisation et de prévision.

En France, c’est à Toulouse que Mercator-Océan développe et opère un système permettant de décrire et prévoir l’évolution de l'état de l'océan. Mercator-Océan s’appuie sur des observations de l'océan mesurées par les satellites ou par des capteurs en mer (observations in situ par des bouées ou des navires). Un modèle d’analyse et de prévision « ingère » (le terme consacré est « assimile ») ces mesures. Cette combinaison observation/modélisation permet ainsi la description et la prévision de l'océan jusqu'à 14 jours, en surface et à différentes profondeurs (on parle de modélisation 3D de l’océan).

Les illustrations ci-dessous correspondent au bulletin publié le mercredi 5 mai, avec des prévisions pour la semaine suivante et celle d’après.

Mercator--Analyse-courant---Caraibes---05-05-2010.png Mercator--Prevision-courant-1-semaine---Caraibes---05-05-20.png
 Mercator--Analyse-temperature---Caraibes---05-05-2010.png  Mercator--Prevision-temperature-2-s--Caraibes---05-05-201.png

Extraits des bulletins publiés le 5 mai 2010 par Mercator-Océan pour la zone Caraïbes. Au dessus, analyse et prévision à une semaine pour les courants. En dessous, analyse et prévision à deux semaines pour la température de surface

Les produits sous forme de données numériques, de cartes comme les illustrations publiées dans cet article, ou de « coupes » sont mises à jour chaque semaine et accessibles sur le web. Mercator-Océan produit également des indicateurs, c’est-à-dire une information synthétique sur l'état de l'océan global. Publiés le mercredi et correspondant à un cycle d’assimilation, les bulletins Mercator-Océan portent sur trois échéances : l'analyse, la prévision à deux semaine, la prévision à deux semaines.

Comme pour la prévision météorologique, le découpage de l'espace en latitude et longitude,  correspond à la maille du modèle sur laquelle sont calculés les paramètres comme la vitesse du courant, la température, la salinité. Plus la maille du modèle est fine, plus on peut modéliser des phénomènes fins. Améliorer la finesse des modèles est un des enjeux des travaux en cours.  Sur les illustrations de cet article, produites par le modèle « PSY2V3 », la maille est de 1/12 de degré, soit environ 8,5 kilomètres aux latitudes du golfe du Mexique. L'océan est également découpé en couches de la surface vers le fond. Dans Mercator, il y 43 niveaux, d’épaisseur variable, correspondant également aux phénomènes à modéliser.

D'autres organismes ou sociétés travaillent sur des applications spécialisées de ces modèles. La marine nationale, par l'intermédiaire du SHOM (Service Hydrographique et Océanographique de la Marine) a également développé son propre système SOAP qui s'appuie en partie sur Mercator-Océan : la nouvelle génération de ce système, SOAP3 a été mise en service en février 2010. Il appporte des informations pour la discrétion acoustique des sous-marins et la lutte anti sous-marine.

 

Connaître la circulation océanique permet aussi de mieux prévoir la force et la trajectoire des ouragans :

Dans le golfe du Mexique, le « loop current » est un élément important de la circulation océanique générale de surface. Il prolonge le courant des Caraïbes, qui remonte depuis le Nord de l'Amérique du Sud. Il pénètre plus ou moins profondément dans le Golfe du Mexique en faisant une boucle, puis s'échappe par le détroit de Floride, longe la Floride, où il devient courant de Floride, avant de devenir Gulf Stream. Le « loop Current » et ses tourbillons chauds ont une influence sur l'intensification des ouragans etleur trajectoire. La carte ci-dessous illustre comment l’ouragan Katrina s’est renforcé au dessus d’une zone d’eau chaude avant de frapper la Louisiane en 2005 (voir l’article sur Katrina) : le passage du cyclone en formation au-dessus du "loop current", dont les eaux chaudes atteignaient alors une profondeur de 100 mètres, a "dopé" Katrina. Passant alors en catégorie 5, il n’est redescendu en catégorie 4 qu'à proximité de la côte.

katrina-satellite.gif katrina_tchp_sm.gif

Le cyclone Katrina : renforcement au dessus d'une masse d'eau chaude. Crédits photo : à gauche, Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies (Space Science and Engineering Center). A droite, Atlantic Oceanographic and Meteorological Laboratory (NOAA)

Sources utilisées : Mercator-Océan, CNES (site Aviso/Jason), Site Internet d’Europétrole, NOAA, dépêches d’agence, illustration et définition FPSO sur Wikipédia.

 

Pour en savoir plus :

- Les satellites d'altimétrie : Topex-Poséidon, Jason 1 et 2, l'altimètre RA2 d'ENVISAT. 

- Les satellites de mesure de la température de surface : AVHRR sur la famille des satellite NOAA, AATSR sur ENVISAT.

-  Les satellites de mesure de la couleur de l'eau : MERIS sur ENVISAT (ESA), MODIS sur AQUA et TERRA (NASA).

- Les ressources recommandées sur l'océanographie opérationnelle.

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merci
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