Entre le 13 et le 20 septembre, l’Amérique du Nord était confrontée à au moins trois types de catastrophes naturelles : alors que l’incendie du parc Yosemite n’était pas encore totalement contenu, deux tempêtes tropicales touchaient le Mexique et la région d’Acapulco et l’état du Colorado connaissait des inondations très importantes.
Les inondations dans le Colorado : le débordement de la South Platte River au niveau de Greeley.
Deux extraits d’une image prise par le satellite Landsat 8 le 17 septembre 2013. Crédit image : USGS.
Au plus fort de la crue, la 18 septembre, 17 comtés de l’état du Colorado étaient touchés par les inondations. 18000 personnes avaient été évacuées. Le bilan provisoire est d’au moins 8 victimes. Plusieurs personnes sont portées disparues. Une première évaluation des dégâts estime le coût total à 2 milliards de dollars. Même si la pluie a rempli les réserves d’eau et rechargé les sols asséchés, une partie des systèmes d’irrigation a souffert des inondations.
Des pluies intenses dans le Front Range, la partie est des montagnes rocheuses, sont à l’origine de ces inondations : le ruissellement de l’eau a entraîné une forte augmentation du niveau de l’eau de la South Platte River : alors que le seuil de crue à cet endroit est de 10 pieds, le niveau a atteint 18,79 pieds le samedi 14 septembre 2013 en début de matinée. Le précédent record était de 11,73 pieds. Au moment le satellite Landsat 8 prend cette image, le niveau de l’eau à commencer à baisser, à environ 16 pieds. Les eaux boueuses s’étendent encore largement en dehors du lit normal de la rivière.
OLI lit l’eau au lit de la rivière
La deuxième image est centrée sur la ville de Greeley, au niveau de l’échangeur entre la Highway 34 et la Highway 85. La couleur marron des eaux boueuses met bien en évidence les débordements du fleuve, principalement au niveau de champs et en périphérie de la ville.
Dans le Colorado, la South Platte River près de Greeley vue par l’instrument OLI du satellite Landsat 8.
A gauche, image prise avant les inondations le 29 juin 2013. A droite, image prise le 17
septembre 2013 pendant les inondations. Crédit image : USGS.
En cliquant sur les images, vous les ouvrez dans deux fenêtres différentes. Basculer d’une fenêtre à l’autre permet alors de voir les différences.
Couleur de l’eau dans le Colorado : l’eau vue par Aqua
Quelques jours plus tôt l’instrument MODIS du satellite Aqua, grâce à un trou dans la couverture nuageuse, avait également fourni des images montrant l’ampleur des inondations. Leur résolution (500 mètres environ) est beaucoup plus réduite que celle de Landsat 8 et il est assez difficile de distinguer les eaux boueuses des zones inondées des terres cultivées sur les images en couleurs naturelles.
Sur les images présentées ici, on utilise une bande infrarouge qui accentue le contraste entre les surfaces en eau et les zones cultivées.
Les inondations dans le Colorado vues par l’instrument MODIS du satellite Aqua. En haut, image
prise le 14 septembre 2013. En bas, image de référence prise par le même instrument MODIS à bord
du satellite Terra une semaine avant les inondations le 7 septembre 2013.
Crédit image : NASA / GSFC / MODIS Rapid Response.
Ici aussi, on met mieux en évidence les zones inondées en ouvrant les deux images et en basculant de l’une à l’autre. Le nord est en haut. A l’ouest, à la limite de la bande de nuages, du nord au sud, on distingue à peine les villes de Fort Collins, Loveland, Boulder et Denver. Greeley est à peu près à la limite du tiers gauche de l’image, au niveau où la South Platte River bifurque vers le sud-ouest.
En vert clair, ce sont les zones agricoles irriguées. La synthèse chlorophyllienne entraîne une forte réflectance dans l’infra-rouge. La végétation naturelle ou les sols nus sont en vert plus pâle ou en brun-ocre. Sur une période aussi courte (7 jours) Il n’y a pas de changement majeur lié à la croissance de la végétation entre l’image avant les pluies et celle après.
Sur ces images utilisant le canal proche infra-rouge, l’eau limpide apparaît normalement en noir ou en bleu sombre. La présence de boue et de sédiments éclaircit un peu la couleur qui prend une teinte émeraude.
On voit également les nuages, blancs ou bleus selon leur altitude : leur couleur sur les images prises par l’instrument MODIS varie en fonction de la température de leur partie supérieure et de la présence ou non de glace. L’épaisse couverture nuageuse a beaucoup compliqué le travail de ceux qui programmaient les satellites optiques pour obtenir des images au moment précis de l’étendue maximale de la crue.
Les détails des dégâts avec les satellites à très haute résolution
Les satellites optiques à très haute résolution ont également été mis en œuvre pour fournir des images des dégâts des inondations.
L’extrait suivant provient d’une image prise par le satellite Pléiades le 16 septembre 2013. Elle montre la situation à Nederland, à proximité du lac de barrage de Barker, le long de la rivière Boulder Creek, après le retrait de l’eau.
Les dégâts des inondations dans le Colorado. Ici, à Nederland, une image prise par le satellite
Pléiades le 17 septembre 2013. Copyright 2013 CNES - Distribution Astrium Services / Spot Image.
Il est difficile de conclure cet article sans parler des images des satellites de la société Digital Globe. Le siège de la société est à Longmont, entre Denver et Loveland, au nord-est de Boulder et au sud-ouest de Greeley, en plein dans la zone touchée par les inondations. Voici deux images que Digital Globe a publiées sur son blog le 19 septembre.
Deux images publiées par Digital Globe sur son blog le 19 septembre 2013.
Crédit image : Digital Globe
En savoir plus :
- D’autres article du blog Un autre regard sur la Terre sur les inondations vues par satellite :
- Inondations en Europe Centrale : le rôle des satellites d’observation
- En mai 2011, les inondations le long du fleuve Mississippi vues par le radar du satellite Envisat, les satellites Aqua et Terra et par les astronautes de la Station Spatiale Internationale.
- Les inondations dans le Queensland en Australie : l’aéroport de Rockhampton inondé vu par satellite
- Sur le site de la NASA, les pages Earth Science Data and Information System (ESDIS) pour accéder aux images MODIS des satellites Aqua et Terre.
- Sur le site d’Astrium GEO-Information Services, la galerie d’images du satellite Pléiades.
- Sur le site de Digital Globe, les images sur les inondations à Longmont.
Suggestions d’utilisations pédagogiques en classe :
Même si les images à très haute résolution donnent la vision la plus détaillée, il me semble que, dans ce cas précis, ce sont les images du satellite Landsat 8 (instrument OLI) et du satellite Aqua (instrument MODIS) qui présentent le plus d’intérêt sur le plan pédagogique :
- Dans les deux cas, on dispose d’une image « avant » et d’une image « pendant » ou « après » les inondations, avec la possibilité de faire réaliser par les élèves en petits groupes un travail d’analyse des changements par interprétation visuelle des images. Cet atelier peut se faire soit sur écran, soit à partir d’impression papier. Si vous avez un vidéoprojecteur et un tableau blanc, un procédé intéressant consiste à demander à un élève de délimiter l’étendue de la crue en traçant le contour au marqueur. Au fait, deux trucs importants : sur un tableau blanc et pas sur un écran de projection, avec un marqueur effaçable…
- L’image de Landsat 8 couvre un champ assez large (185 km) permettant d’analyser le débordement du fleuve sur une grande longueur. Elle permet aussi de s’intéresser aux pratiques agricoles de la région, avec les motifs étonnants des nombreux systèmes d’irrigation rotatifs.
- Les images de l’instrument MODIS des satellites Aqua et Terra permettent d’aborder l’intérêt des différentes bandes spectrales et des représentations en fausses couleurs, en particulier l’apport de la bande proche infra-rouge. En utilisant un logiciel de retouche photo (Paint, Gimp ou ce que vous avez sous la main), les élèves peuvent tracer diagrammes de réflectance dans trois bandes spectrales. Le site des images MODIS vous donnera accès à des bandes supplémentaires si vous voulez aller plus loin.