Le répit a été de courte durée : alors que les inondations se sont déplacées vers le sud et l’état de Victoria, les habitants et les services de secours du Queensland, qui commençaient des opérations de nettoyage, ont à nouveau subi, mercredi, des orages importants avec des vents violents, autour de Brisbane et Ipswich. Les équipes du principal fournisseur d’électricité qui travaillaient sur la réparation des dégâts des inondations ont du intervenir après de nombreuses coupures de lignes électriques. De nouveaux orages étaient attendus jeudi 20 janvier.
Image acquise par le satellite Spot 5 le 8 janvier 2001. Le fleuve Darling au sud de la ville de
Saint-Georges. Copyright CNES 2001 – Distribution Astrium GEO-Information Services.
Plus de blé pour le blé… Les effets de la Niña à longue distance ?
A côté des conséquences les plus dramatiques (au moins trente victimes dans l’état du Queensland et des dégâts très importants), ces inondations ont également des effets à l’échelle mondiale : l’Australie, avec en particulier les états du Queensland, du New South Wales et de Victoria, est un gros producteur de blé et de colza. Après les feux en Russie de l’été dernier et la sécheresse en Argentine, on attend à une forte hausse des cours du blé qui pourraient atteindre ou dépasser les sommets de l’année 2008, avec toutes les conséquences en termes de sécurité alimentaire dans les pays en développement. Lien indirect avec une actualité brûlante : on constate une augmentation des achats de céréales et d'huile des pays du Maghreb : Maroc, Libye, Algérie. Inquiétude d’une contagion de la révolution tunisienne ?
Cours du blé de meunerie à Paris (en euros par tonne). Le prix a doublé entre avril 2010 et janvier 2011. Source : journal Les Echos. Cliquer sur l'image pour accéder à la courbe d'origine mise à jour.
C’est également dans le Queensland que se trouvent les principales mines de charbon du pays. Les pluies torrentielles ont amené les groupes miniers comme BHP Billiton, Rio Tinto, Peabody, Anglo American et Xstrata à interrompre ou réduire leurs opérations dans les mines depuis le début du mois de janvier et fermer leurs infrastructures de transport (ports et voies ferrées). Le prix du charbon a également fortement augmenté sur les marchés mondiaux.
En 2010, la Niña a débuté dès le printemps et s'est renforcée au long de l’année. Difficile d’en expliquer la raison et dire s’il s’agit d’un évènement isolé ou non et de faire un lien éventuel avec le changement climatique. Les météorologistes attribuent à la Niña les fortes pluies en Indonésie, Malaisie et Australie, les périodes de sécheresse en Amérique du Sud, les tempêtes dans l'Atlantique tropicale, les vagues de froid en Amérique du Nord et un temps pluvieux dans le sud-est de l'Afrique.
Un exemple de contribution des satellites Spot : de nouvelles images satellite le long de la rivière Darling
Plus long fleuve d’Australie, le fleuve Darling rejoint la côte sud près de la ville d’Adélaïde, après 3000 km à travers la savane. Le bassin Murray-Darling est le plus vaste bassin hydrographique d’Australie avec 64% des surfaces agricoles irriguées en Australie. En général, l’eau est plutôt considérée comme une ressource rare et les impacts environnementaux classiques (salinité des sols et des aquifères, pollution par les nitrates et les pesticides). Relativement plat avec une pente moyenne de 16mm, les inondations affectent rapidement des surfaces importantes.
Profil d'altitude approximatif le long de la Darling River en Australie. 250 mètres de dénivelé maximal sur 1400 km : pas très pentu ! Profil calculé à partir de données Google Maps avec l'outil développé par Robin Coma pour le blog Un autre regard sur la Terre. Contactez-moi si vous souhaitez l'utiliser en classe.
L’image du début de cet article a été acquise le 8 janvier 2011 par Spot 5, dans le cadre d’une série d’acquisitions. Spot 5 acquiert une série d’images sur la rivière Darling au sud de la ville de Saint Georges, à la frontière entre le Queensland et la Nouvelle Galles du sud New South Wales). L’image couvre le front de l’inondation : les eaux boueuses s’étalent sur une zone d’une quarantaine de kilomètres de largeur dans une zone d’agriculture irriguée. En amont, l’inondation s’étend vers le nord-est sur presque 300 kilomètres.
A la demande de la sécurité civile de l’état du Queensland et de l’Agence fédérale australienne (Geoscience Australia), Spot Imaging Services, filiale d’Astrium en Australie, a effectué une programmation spécifique des satellites Spot sur les zones inondées, en support aux opérations sur le terrain. La carte ci-dessous décrit les zones d’intérêt et le plan prévisionnel d’acquisition des images entre le 6 et le 12 janvier 2011.
Exemple de plan d’acquisition d’images pour les satellites Spot 4 et Spot 5. Crédit image : Astrium GEO-Information Services
Une opportunité pédagogique : utiliser le catalogue de Spot Image pour comprendre les mécanismes d’acquisition des images, les orbites des satellites et le travail des équipes de programmation
Comment savoir quelles images ont effectivement été acquises par rapport à ce plan prévisionnel ?
Il suffit, un ou deux jours après, il suffit de jeter un coup d’œil sur le catalogue des images Spot, accessible en ligne sur le site d’Astrium GEO-Information Services. Les deux images suivantes illustrent la recherche que j’ai effectuée et les résultats obtenus.
Copie d’écran de la recherche effectuée sur le catalogue des images des satellites Spot. Crédit image : Astrium GEO-Information Services
J’ai donc cherché dans la zone indiquée les images acquises entre le 4 et le 12 janvier 2011. Je me suis limité aux images multispectrales (le symbole C) avec des résolutions de 2,5 à 20 mètres, une couverture nuageuse de 20% et un angle de visée « presque vertical » (entre -7,5° et 7,5°) pour éviter d’avoir une liste de résultats trop longue. Voici ce qu’on obtient :
Copie d’écran des résultats obtenu sur le catalogue des images des satellites Spot.
Crédit image : Astrium GEO-Information Services
Cet exemple correspond à la situation typique de gestion d’une crise, comme dans le cas d’une activation de la Charte internationale « Espace et catastrophes majeures » ou du service européen GMES SAFER : une ou plusieurs zones d’intérêt où il faut acquérir le plus vite possible (en « mode rush ») des images permettant de cartographier l’impact de la catastrophe. Evidemment, dans la cas d’inondations, la présence de nuages ne facilite pas le travail.
L’illustration ci-dessus met en évidence quelques éléments directement liés au satellite, à son orbite et aux performances de ses instruments de prise de vue :
- Sur la carte à gauche, les rectangles de couleur orange ou bleue sont les scènes enregistrées au catalogue Spot sur la période. Les caractéristiques de chaque scène sont données à droite : résolution de la scène, nom du satellite Spot (Spot 4 ou Spot 5), date d’acquisition, pourcentage de couverture nuageuse, etc.
- Les scènes acquises se succèdent le long de la trace au sol du satellite (en fonction de l’angle de prise de vue). Chaque scène couvre une largeur de 60 km (en visée verticale, un peu plus en visée oblique)
- Cette trace est inclinée par rapport aux méridiens de la carte (les lignes verticales). Cela correspond à l’inclinaison de l’orbite des satellites Spot 4 et Spot 5 par rapport au plan de l’équateur (cette inclinaison est de 98,7°) et, dans une moindre mesure, à la rotation de la terre pendant la durée d'acquisition de l'image. Cette inclinaison se retrouve également sur l’image Spot illustrant cet article : elle est corrigée géométriquement pour être superposable à une carte. C’est ce qui explique les bord inclinés et les bandes noires de chaque côté de l’image.
- Sur l’exemple que j’ai choisi, on voir également une configuration intéressante de prise de vue : il s’agit des dix scènes sélectionnées en bleu (numéros 35 à 40 et 44 à 48) acquises au cours du même passage. Dans ce mode très particulier, les deux instruments fonctionnent simultanément pour couvrir une zone deux fois plus large, soit environ 120 kilomètres de fauchée. C’est une caractéristique extrêmement intéressante du système Spot.
Enfin, on peut également consulter une vignette donnant un aperçu ("quicklook" en anglais) de l'image complète ainsi que l'ensemble des informations décrivant l'image (dans le vocabulaire des catalogues, on parle de "méta-données").
Fenêtre d'affichage d'un aperçu de l'image et des métadonnées. Apparaissent
en particulier l'heure d'acquisition (heure UTC), la notation de couverture nuageuse,
l'angle de prise de vue et les coordonnées des quatre coins de la scène.
Crédit image : Astrium GEO-Information Services.
Normalement, l'étape suivante pour un utilisateur, c'est de décider s'il commande l'image...
Je vous encourage à aller vous-mêmes sur le catalogue des images Spot et à faire des recherches sur des différentes zones. Prenez par exemple des endroits où il y a eu des catastrophes naturelles ou identifier également les régions où des couvertures systématiques sont effectuées, par exemple dans le but de mettre à jour des cartes. Vous pourrez vous rendre compte directement de la performance et de la souplesse d’acquisitions qu’offrent les satellites Spot.
Les satellites Spot : bientôt 25 années d'expérience opérationnelle
En février 2011, ce sera le vingt-cinquième anniversaire du lancement du premier satellite Spot lancé le 22 février 1986 par une fusée Ariane 1 depuis le Centre Spatial Guyanais (la même année, ce sera également le cinquantième anniversaire de la création du CNES). 25 années d’expérience opérationnelle qui expliquent le savoir-faire des équipes qui opèrent les satellites Spot : optimiser la capacité d’acquisition satisfaire les commandes commerciales, les demandes des utilisateurs institutionnels (comme le programme GMES) en routine ou, sans préavis, en réponse aux situations d’urgence, en tenant compte de la couverture nuageuse. C'est ce explique le succès que rencontrent encore aujourd'hui les satellites Spot 4 et Spot 5.
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur les inondations en Australie et le rôle des satellites d’observation : Les inondations dans le Queensland en Australie : l’aéroport de Rockhampton inondé vu par satellite , Inondations dans le Queensland en Australie : deux images du satellite Envisat avant et après .
- Une page du blog Un autre regard sur la Terre sur les satellites Spot.
- Sur le site de Spot Image, la page sur la contribution des satellites Spot dans le cas des inondations en Australie.
- Le catalogue en ligne de Spot Image.
- Les pages sur les satellites Spot sur le site de la société Astrium GEO-Information Services (anciennement Spot Image) : la programmation des satellites, un article paru dans Spot Magazine en 2006, la famille des satellites Spot.
- Les pages sur les satellites Spot sur le site du CNES et des pages plus techniques sur Spot 4.
- Sur le site de l’Atlas des ressources naturelles en Australie (Australian Natural Resources Atlas), un texte sur l’irrigation dans le bassin Murray-Darling.
- Sur le site de Météo France, une page sur les phénomènes El Niño et la Niña.
Suggestions d’utilisations pédagogiques en classe :
- Travail sur le catalogue des images Spot : consulter des zones géographiques particulières et se poser des questions sur les logiques d’acquisition des images. Faire le lien avec les orbites des satellites et les possibilités d’acquisition des instruments (visée oblique par exemple).
- Travail sur les orbites des satellites Spot et les caractéristiques de prise de vue (fauchée, revisite, etc.)