Le feu Rim Fire aux portes du Yosemite National Park. Extrait d’une image prise par l’instrument OLI
du satellite Landsat 8 le 24 août 2013. Composition colorée des canaux 6, 5 et 4. Crédit image USGS.
Le feu continue à progresser…
Rim Fire, l’incendie qui s’est déclenché dans la forêt Stanislaus et qui a désormais atteint le parc national Yosemite continue de s’étendre. Jeudi 29 août, la surface parcourue par les flammes a dépassé le seuil des 80000 hectares.
Le dernier rapport publié donne les informations suivantes. 4927 personnes participent aux opérations de lutte contre le feu. La surface parcourue par l’incendie atteint presque 80628 hectares (199237 acres). Le feu reste extrêmement actif et progresse toujours, malgré les efforts des équipes d’intervention. Les moyens aériens, dont des bombardiers d’eau lourds, sont utilisés pour intervenir dans les zones inaccessibles et sécuriser les endroits où les équipes au sol travaillent.
Des hélicoptères servent également pour des mises à feu volontaires (aerial ignition). Par contre, ces actions n’ont pas encore permis d’éteindre le feu entre le Hetch Hetchy Reservoir et la route Tioga au sud.
Quelques photographies publiées sur le site Inciweb et illustrant les difficultés sur le terrain.
Il faut y croire... Crédit image : USFS - Mike Mcmillan
Des images de l’incendie vu par le satellite américain Landsat 8
A part les photographies prises depuis la station spatiale internationale, j’ai eu beaucoup de mal à trouver des images à plus haute résolution que celles des satellites Terra et Aqua présentées dans le premier article sur Rim Fire ou dans celui sur les feux de l’Idaho.
En fouillant le catalogue de l’USGS, j’ai finalement réussi à mettre la main sur une image du satellite Landsat 8 qui couvre partiellement la zone.
Image en couleurs naturelles du feu Rim Fire prise le 24 aôut à 6h36 UTC par l’instrument OLI du
satellite Landsat 8. En haut, image complète couvrant l’ensemble du parc national Yosemite et
le lac Mono. En bas extrait centré sur l’incendie actif. Crédit image USGS
On localise assez facilement la California StateRoute 120. En cherchant bien, vous pourrez également repérer le Half Dome et El Capitan et sa célèbre falaise qui sont visibles dans l’image d’ensemble et sur l’extrait. Les lacs et les ombres portées peuvent vous aider. Un autre repère : la zone de teinte jaunâtre : c’est Red Peak (3565 m), à côté des lacs Ottoway. Juste au sud-est, Merced Peak, avec ses 3573 mètres.
Depuis Glacier point, au soleil couchant, vue sur le Half dome, les cascades et le Clark Range.
Crédit image : Gédéon
Il y certainement eu des programmations des satellites Spot 6, Pléiades ou Wolrdview mais elles n’ont pas encore été publiées. Dans ce cas précis, compte tenu de la taille de l’incendie Rim Fire, la très haute résolution ne fait pas tout : même si l’agilité de Pléiades lui permet de couvrir toute la zone en un seul passage, les satellites d’une résolution de quelques mètres sont plus adaptés si leur fauchée est suffisante. Le satellite Spot 6, par exemple, permet de couvrir toute la zone concernée avec une seule image.
80000 hectares, c’est-à-dire 800 km2 représentent deux images Pléiades. Une image de Spot 5 ou Spot 6 couvre 3600 km2.
Au-delà du support aux opérations (dans le cas du Rim Fire, un drone Predator est également utilisé) pendant un incendie de longue durée, les satellites servent également à cartographie précisément l’étendue et la nature des dégâts. Pins, chênes, broussaille… Ce travail est fait en comparant un contour de zone brûlée avec une carte d’occupation des sols établie avec une image de référence prise avant l’incendie.
A ce stade de l’incendie, malheureusement encore très actif, il est prématuré d’acquérir des images à haute résolution à cause de l’abondante fumée, qui s’apparente à une épaisse couverture nuageuse. Cela explique certainement pourquoi on n’a pas encore vu beaucoup d’images de satellites à haute résolution.
A titre d’exemple, voici un exemple d’image, provenant également du satellite Landsat 8.
Même si la forrme y ressemble, ce n’est pas un nouveau cœur pour la Saint-Valentin : il s’agit des dégâts causés par l’incendie Beaver Creek Fire dans l’Idaho.
Cette image montre bien comment l’utilisation d’une bande spectrale proche infrarouge permet de délimiter relativement facilement les zones brûlées : l’absence d’activité chlorophyllienne de la végétation brûlée diminue beaucoup la réflectance dans cette gamme de longueur d’onde.
Exemple de zone brûlée vue par Landsat 8 : le feu de Beaver Creek, avec une combinaison colorée
mettant en évidence les zones où la synthèse de la chlorophyle a disparu. Crédit image : USGS
OLI avec Landsat : les nouvelles bandes
Ces images sont l’occasion de faire un peu connaissance avec le petit dernier de la famille Landsat : Landsat 8. Lancé le 11 février 2013, par une fusée Delta, il s’est appelé Landsat Data Continuity Mission (LDCM) jusqu’au 30 mai 2013, date de son entrée en service opérationnel.
D’une masse d’environ 2,6 tonnes au lancement, sa plate-forme stabilisée 3 axes embarque deux instruments :
- OLI (Operational Land Imager), un radiomètre multispectral fonctionnant dans neuf bandes spectrales du visible au moyen infra-rouge. Par rapport à l'instrument ETM+ de Landsat-7, deux canaux (bleu à 0,440 µm et 1,380 µm) ont été ajoutés pour faciliter les corrections atmosphériques et la détection des nuages (1380 nm). La résolution est de 30 mètres sauf pour la bande panchromatique (15 m).
- TIRS (Thermal Infrared Sensor), comme son nom l’indique travaille dans l’infrarouge thermique et assure la continuité avec les anciens satellites Landsat. La résolution des images dans ces bandes est un peu moins bonne que celle de Landsat 7 : 100 mètres au lieu de 60 mètres pour les bandes thermiques de son prédécesseur.
La fauchée de Landsat 8, la largeur de terrain balayée au sol au cours d’un passage du satellite, est de 185 kilomètres.
Avertissement pour les enseignants amateurs de télédétection qui ont utilisés des images Landsat 7 en classe avec des logiciels comme TITUS ou L’ARTIST : l’ajout des bandes sur l’instrument OLI a changé leur numérotation : on décale tout d’une unité…
Pour obtenir une image en couleurs naturelles avec Landsat 8, il faut combiner les canaux 4, 3 et 2. C’était 3, 2, 1 sur Landsat 7.
Avec Landsat, les images en fausses couleurs, comme la première présentée dans cet article, sont obtenues en combinant les canaux 6, 5 et 4. Avec Lansat 7, c’était 5, 4 et 3. Il est possible de faire d’autres compositions colorées (543, 764 ou encore 753 par exemple).
Comparaison des bandes spectrales des instuments OLI et TIRS de Landsat 8 et ETM+ de Landsat 7.
Crédit image : USGS.
Y a pas le feu au lac
Selon les informations données par le service des eaux de San Francisco (San Francisco Water Power Sewer), malgré l’importante quantité de cendres, il semble que la qualité de l’eau, pompée en profondeur, ne soit pas encore affectée. Par mesure de précaution, de l’eau a été transférée de Hetch Hechy vers d’autres réservoirs plus proches de San Francisco (Alameda et Peninsula). Côté electricité, il n’y a pas de problème d’approvisionnement : des réparations sont en cours sur les turbines de la centrale hydroélectrique de Kirkwood.
Importance du réservoir de Hetch Hetchy pour l’approvisionnement en eau de San Francisco.
Architecture du système de fourniture de l’eau. Crédit image : BAWSCA
2,4 millions de personnes de la ville de San Francisco et des comtés de Santa Clara, Alameda et San Mateo dépendent en grande partie du réservoir de Hetch Hetchy pour leur approvisionnement en eau : 85% de l'eau provient en effet de la fonte des neiges des montagnes de la Sierra Nevada. Cette eau stockée dans le réservoir Hetchy Hetch, sur la rivière Tuolumne dans le parc national de Yosemite.
A partir de là, par gravité (ça descend !), l’eau parcourt environ 250 km jusqu’à la baie de San Francisco.
Les 15% restants, provenant des eaux de ruissellement des bassins versants d’Alameda et de la péninsule, sont stockés dans des réservoirs situés dans les comtés de San Mateo et d'Alameda.
Pour fournir environ 260 millions de gallons d'eau par jour, le système d’alimentation en eau repose sur plus de 450 km de conduites, près de 100 km de tunnels, onze réservoirs, cinq stations de pompage et deux usines de traitement d'eau.
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur l’incendie Rim Fire :
- Sur le site de l’USGS, le catalogue des images satellites, dont celle du satellite Landsat 8, et une page sur les bandes spectrales des satellites Landsat.
- Sur le site des services de l’eau et de l’électricité de San Francisco (San Francisco Water Power Sewer, une page sur les conséquences de l’incendie Rim fire.
- Sur le site de la Bay water Supply and Conservation Agency (BAWSCA), une page sur le système d’alimentation en eau de San Francisco par le réservoir de Hetch Hetchy.
- Sur le site de la NASA, les pages sur le satellite Landsat 8.
- Sur youtube, une vidéo en time lapse de l'incendie vu du parc Yosemite : impressionnant et terrifiant...