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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

Deux étapes du Tour de France 2010 au col du Tourmalet : deux points de vue pour bien mesurer le relief, comme pour les satellites d’observation de la Terre.

Publié le 19 Juillet 2010 par Gédéon in Acquisition-et-traitement-des-images

pic du midi en décembre 2008

L’antenne et les coupoles du Pic du
Midi sous la neige en décembre 2008
(Crédit image : Gédéon)

Il est assez rare que les coureurs du Tour de France passent, au cours de la même édition de la course, deux fois au même endroit, dans un sens puis dans l’autre. C’est le cas en 2010 avec les étapes du 20 et du 22 juillet : les concurrents iront de Bagnères-de-Luchon à Pau en passant par le col de Tourmalet, puis, après une journée de repos, partiront de Pau pour rejoindre à nouveau le col de Tourmalet. Deux fois le col du Tourmalet en trois jours : les mollets et le moral vont pouvoir bien mesurer le relief et le dénivelé pour atteindre ce col mythique, au pied du Pic de Midi de Bigorre et des coupoles de l’observatoire. C’est au cours de ces deux étapes pyrénéennes et des autres belles difficultés du parcours (col d’Aspin, Col de Peyresourde, Col du Soulor, Col d’Aubisque, Col de Marie-Blanque, Côte de Renoir) que les deux favoris Andy Schleck et Alberto Contador vont tenter de se départager avant la remontée vers Paris. 

C’est l’occasion de présenter la manière dont les satellites d’observation de la Terre mesurent le relief et collectent des informations pour mettre à jour les cartes topographiques.

Etape 1 Etape 2

Les deux étapes du Tour de France 2010 passant par le col du Tourmalet (Crédit image : ASO)

 

Le produit Reference 3D de Spot Image :

L’image ci-dessous est une représentation d’un modèle numérique d’élévation (Reference 3D) produit par Spot Image. La scène couvre une zone de un degré en longitude et un degré en latitude. L’image présentée ici à une résolution très réduite par rapport au produit original. Au format DTED2, Reference 3D fourni une mesure d’altitude pour chaque seconde d’arc : chaque produit complet (appelé une « dalle ») comporte 3600 x 3600 mesures d’altitude, avec une précision altimétrique de 10 mètres et planimétrique de 15 mètres.

 

DTED reduit 1800

Représentation d’un produit Référence 3D de Spot Image. Le relief est codé par le couleur :
de bleu pour les altitudes les plus basses à rouge pour les plus élevées, en passant par le vert
et le jaune (Crédit image : Spot Image)

 

Chaque produit Reference 3D est accompagné d’une ortho-image de près de 22000 pixels de côté d’une résolution d’environ 5 mètres. Dans l’exemple présenté ici, la surface couverte est d’environ 111 km en latitude et 77 km en longitude.

 

Deux points de vue d’une même scène : la base de la vision en relief

La notion de relief ne date pas de l’époque des satellites d’observation : au 3ème siècle avant notre ère, le grec Euclide définit le principe de la vision en 3 dimensions : «Voir le relief, c’est recevoir au moyen de chaque œil l’impression simultanée de 2 images dissemblables du même sujet ».

C’est la base de la stéréoscopie utilisée aujourd’hui par les satellites d’observation pour acquérir des données permettant la production de modèles numériques d’élévation (MNE) ou, en anglais, Digital Elevation Model (DEM).

Dans le cas de la vision humaine, nos deux yeux fournissent deux images de deux points de vue légèrement décalés qui permettent au cerveau, par interprétation des différences de parallaxe entre les deux images gauche et droite, de percevoir le relief et les distance.

Les deux images ci-dessous l’illustrent : une photographie du même paysage a été prise de deux points de vue différents (à une distance d’une centaine de mètres environ). On peut noter que la différence de position dans les deux images est d’autant plus grande que les objets sont proche du point d’observation : alors que nos yeux ont des axes de visée pratiquement parallèles quant on observe un point lointain, ils commencent à loucher quand on cherche à suivre son index se rapprochant du visage.

 

vue stereo

En descendant du lac de Pouey-Laun vers le barrage du Tech, un exemple de couple stéréo. Deux photos prises avec un Nikon D90. En toute rigueur, il faudrait compenser les déformations géométrique de
l’objectif avec un logiciel comme DxO(Crédit image : Gédéon / Planète Sciences Midi-Pyrénées)

 

L’acquisition d’images stéréo sur Spot 5 : la stéréoscopie avant/arrière 

L’instrument HRS (Haute résolution stéréoscopique) embarqué sur Spot 5 pointe à la fois vers l’avant et vers l’arrière du satellite.

Cette configuration permet l’acquisition simultanée des deux images d’un couple stéréoscopique, le long d’une orbite.

stereo Spot 5

Lors du même passage du satellite, le télescope avant (angle de visée de 20° par rapport à la verticale) capture les images au sol, suivi, une minute trente secondes plus tard par le télescope arrière (angle de visée de 20° également) qui couvre la même bande de terrain. 

L’acquisition simultanée des deux images est un avantage important pour la qualité et la précision des modèles numériques d’élévation HRS. Le processus de corrélation automatique est facilité par la grande ressemblance radiométrique des deux images, prises à la même date et dans des conditions d’éclairement solaire identiques.

La capacité d’acquisition est très élevée : à raison de 72 000 km2 par segment (600 km x 120 km), il est possible d’acquérir plusieurs dizaines de millions de km2 de données HRS par an.

Comme pour les satellites Spot 1 à Spot 4, L’acquisition de couples stéréoscopiques latéraux demeure possible en programmant deux images de la même zone au sol, depuis deux orbites différentes.

Dans les deux cas, une excellente connaissance de l’orbite est une condition essentielle pour la qualité du produit final. C’est ce que permettent notamment les équipements DORIS embarqués à bord du satellite.

 

Un système d’information géographique avec Excel ou Open Office Calc !

L’illustration ci-dessous a été produite en combinant l’image Reference 3D présentée plus haut avec des positions géographiques particulières (sommets, cols, villes sur le parcours des deux étapes du tour et bien sûr le pic du Midi de Bigorre et son observatoire ?

Le bord gauche de l’image correspond à la longitude 0°, le méridien de Greenwich qui passe presque exactement par le cirque de Garvanie. Le méridien de Greenwich aurait pu s’appeler méridien de Gavarnie…

Je n’avais pas de logiciel SIG (Système d'Information Géographique) sous la main au moment de publier cet article mais le tableur Excel a fait l’affaire : c’est un usage un peu original mais qui est rendu possible parce que l’image Reference 3D est parfaitement géoréférencée : je l’utilise ici en fond image du graphique Excel et les deux axes correspondent ainsi aux latitudes et longitudes si on prend soin de bien fixer les limites pour correspondre à celles de la « dalle » Reference 3D (celle-ci occupe une zone de un degré sur un degré). Les coordonnées de points d’intérêt sont saisies en latitude et longitude dans une feuille du tableur et représentés sur le graphique sur forme de courbe X-Y. Ce type d’utilisation est possible chaque fois qu’on dispose d’un fond image ortho-rectifié. C’est pratique par exemple pour représenter des séries de positions géographiques, comme par exemples des positions GPS transmises par des ballons stratosphériques ou des bouées dérivantes (voir les opérations Un ballon pour l’école ou Argonautica sur le site du CNES).

 

carte-renseignee-copie-1.jpg  Superposition de positions géographiques sur la représentation en couleurs du produit
Reference 3D (Crédit image : Gédéon / Planète Sciences Midi-Pyrénées)

 

Les modèles numériques de terrain et la mise à jour ou la production de cartes topographiques :

Les modèles numériques de terrain sont indispensables pour corriger les images acquises par les satellites d’observation de la Terre et produire les ortho-images.

Ils permettent également la production et la mise à jour de cartes topographiques. Si en France, il existe des cartes de qualité régulièrement mises à jour par les instituts cartographiques, pour certains pays ou des régions difficiles d’accès, l’image satellites et les modèles numériques d’élévation sont des outils indispensables. Les MNE sont également utilisés par les militaires (préparation de missions et guidages de missiles) ou dans divers domaines thématiques (inondations, cartes de risques, etc.).

Le fait de disposer de bases de données d’orthoimages et de MNE à jour permet, en cas de besoin, de produire en urgence des cartes de n’importe quelle région du globe. C’est particulièrement utile en cas de catastrophe naturelle (pour préparer les interventions des unités de secours envoyées sur place, comme à Haïti en janvier 2010) ou pour des équipes ou sociétés effectuant des missions de prospection ou d’exploration. Le produit Expressmaps, par exemple, proposé par Spot Image, est un bon compromis entre la précision d’une carte topographique classique et un délai de livraison de quelques heures.

 tourmalet - courbes niveau 64000tourmalet - courbes niveau 16000 Copies d’écran de cartes accessibles sur le géoportail à proximité du col du Tourmalet et du pic du midi
(deux échelles différentes). Crédit image : IGN / BRGM
 

Expressmaps AfghanistanExemple de carte Expressmaps produite par les équipes de Spot Image. Dans ce cas précis, il s’agit d’une carte de l’Afghanistan produite en urgence après le tremblement de Terre d’avril 2009 dans le cadre du service européen GMES SAFER. Crédit image : Spot Image

 

En astronomie aussi : d’Hipparcos à Gaïa, mesurer les étoiles…

Difficile d’évoquer le Tourmalet et le pic du Midi sansparler un peu d’astronomie.

L’orbite de la Terre autour du soleil est un bon observatoire pour les mesures de distances des étoiles mais, en travaillant en dehors de l’atmosphère, ce sont les sondes spatiales qui ont apporté les résultats les plus importants.

Le satellite Hipparcos (HIgh Precision PARallax COllecting Satellite, satellite de mesure de parallaxe à haute précision) fut un projet de l'agence spatiale européenne pour la mesure de la parallaxe et du mouvement propre des étoiles. Le satellite fut utilisé pour mesurer la distance de plus de 2,5 millions d'étoiles situées à moins de 150 parsecs de la Terre. Le résultat tient en trois catalogues d'étoiles : les catalogues Hipparcos, Tycho et Tycho 2. Le satellite fut nommé en l'honneur de l'astronome grec Hipparque, premier à compiler un catalogue d'étoiles.

Le projet fut proposé en 1980. Le satellite fut lancé le 8 août 1989 à 23h25 par une fusée Ariane IV. Le projet initial était de le placer sur une orbite géostationnaire mais une panne d'un des boosters rendit l’orbite très elliptique. Malgré ce problème, la plupart des objectifs scientifiques furent remplis.

Le catalogue Hipparcos (120 000 étoiles avec une précision d'une milliseconde d'arc) et le catalogue Tycho (plus d'un million d'étoiles avec une précision de 20–30 millisecondes d'arc) furent achevés en août 1996 et publiés par l'ESA en juin 1997. Les données de ces catalogues servirent à créer le Millennium Star Atlas, un atlas couvrant l'entièreté du ciel et comportant un million d'étoiles jusqu'à une magnitude apparente de 11 et complété par 10 000 objets non-stellaires provenant d'autres sources.

Tycho 2, une nouvelle version du catalogue Tycho, fut publiée en 2000. Il est basé sur les mêmes observations mais, grâce à une méthode de réduction de données plus avancée, les données y sont légèrement plus précises. Cette version est aussi beaucoup plus complète: 2 539 913 étoiles y sont présentes, ce qui représente 99% de toutes les étoiles jusqu'à la magnitude 11.

Actuellement, EADS Astrium construit pour l'ESA la sonde Gaïa qui devrait permettre d’améliorer encore la précision de ces mesures.

 

hipparcos

Vue d’artiste d’Hipparcos et de Gaïa (Crédit image : EADS Astrium)

 

En savoir plus :

Suggestions d’utilisations pédagogiques en classe :

  • Entraînement à la lecture de cartes topographiques et interprétation du relief et de la pente à partir des courbes de niveau.
  • Si votre établissement scolaire est situé dans une région vallonnée ou montagneuse, construction d’une maquette en relief des environs en utilisant des cartes topographiques (reconstitution du relief avec des formes découpées dans du carton ondulé épousant la forme des courbes de niveau.
  • Des expérimentations avec la construction de micro fusées et la mesure d’altitude des fusées par théodolite sur les pages espace du site de Planète Sciences.
  • Toujours avec des théodolites (on peut en fabriquer facilement avec des rapporteurs utilisés en classe), mesure de hauteur et de distance d’objets divers dans le périmètre de l’établissement scolaire (arbre, toit, etc.) par triangulation. Comparaison des résultats obtenus avec différentes méthodes : calcul trigonométrique, dessin à l’échelle et report des angles, etc.
  • En informatique, avec deux « web cams » fixées sur un pied photo, acquisition de couples d’images stéréo et travail d’analyse sur un logiciel de retouche photo (exemple : Gimp) : visualisation rouge/vert, mesure de parallaxe, etc.
  • Les opérations Un ballon pour l’école et Argonautica sur le site du CNES.
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