Deux images de l’incendie qui menace la ville de Valparaiso au Chili prise par l’instrument MODIS
le 13 avril 2014. En haut, image du satellite Terra. En bas, image du satellite Aqua.
Crédit image : NASA / GSFC / MODIS Rapid Response.
Les panaches de fumée des feux de forêt sont souvent visibles depuis l’espace. Leur taille et leur durée, à l’échelle du pays ou de la région concernée donne un indice sur la gravité de la catastrophe. C’est particulièrement inquiétant lorsque ces incendies se propagent dans des zones difficiles d’accès à proximité de grandes zones urbaines.
« Le pire incendie de l'histoire de Valparaiso »
C’est malheureusement le cas au Chili depuis le samedi 12 avril 2014 : Valparaiso, une ville inscrite depuis 2003 par l’Unesco au patrimoine de l’humanité, connaît le "pire" incendie de l'histoire de la ville située sur la côte centrale du Chili, avec seize morts selon un bilan officiel provisoire. Le feu a démarré à la Polvora, à la périphérie de Valparaiso, ravageant une zone d'eucalyptus, de pâturages et de broussailles, selon l'Office national des situations d'urgence (ONEMI).
La présidente chilienne Michelle Bachelet a déclenché le plan catastrophe samedi, permettant aux forces armées de participer aux opérations d'évacuation de la population.
L'incendie, dont les causes exactes n'ont pas encore été établies, a provoqué la suspension des fournitures d'eau potable et des coupures d'électricité dans de nombreux quartiers de cette ville de 270.000 habitants, recouverte par une épaisse colonne de fumée qui se rapprochait de la baie où se trouve le port de Valparaiso.
L’incendie, attisé par la chaleur et les vents forts, s’est propagé sur plus de 40 collines surplombant la ville.
L’image suivante, prise par le satellite Spot 5, donne une idée de la topographie et du relief autour de la ville. Elle permet de se faire une idée du défi auquel les pompiers, aidés par des renforts venus de Santiago (à 120 km au sud), sont confrontés pour éviter que l'incendie ne se propage vers la plaine du centre-ville.
Extrait d’une image prise par le satellite Spot 5 montrant la végétation et la configuration
du relief autour de la ville de Valparaiso au Chili. La Polvora, le pointy de départ de l'incendie
est en bas de l'image, à peu près au centre.
Copyright CNES – Distribution Airbus Defence and Space – Spot Image
L’enfer dans la Vallée Paradis
La difficulté provient de la configuration géographique particulière dans laquelle l’incendie se développe : la baie de Valparaíso est entourée de 44 collines, les Cerros, séparées par des vallées. Comme le montre l’image du satellite Spot 5, la configuration des vallées permet à la végétation de pénétrer profondément vers le cœur de la ville et le relief complique le passage d’une vallée à l’autre. C’est sur les collines, dans la ville haute, que vit la majorité de la population.
La région de Valparaiso vue par l’instrument OLI du satellite Landsat 8. Deux extraits d’une image
acquise le 1er février 2014 à 14h41 UTC. Sur l’image du bas, on peut voir des zones brûlées par
les incendies du début de l’année 2014 à l’ouest de Santiago. Crédit image : USGS.
Les deux images précédentes sont des représentations en couleurs naturelles. Elles combinent les canaux 4 (rouge de 0,64 à 0,67 µm), 3 (vert de 0,53 à 0,59 µm) et 2 (bleu de 0,45 à 0,51 µm) de l’instrument OLI de Landsat 8.
Les habitués du blog Un autre regard sur la Terre se souviennent peut-être que les zones brûlées, là où la synthèse de la chlorophylle par la végétation est stoppée, sont particulièrement bien mise en évidence dans la bande du proche infra-rouge.
Voici un exemple de composition colorée sur un extrait de la même image, obtenu en combinant les canaux 5 (proche infra-rouge de 0,85 à 0,88 µm), 4 (rouge), et 3 (vert). La végétation active apparaît en rouge vif, les zones brûlées en couleur sombre.
Au sud de Valparaiso et à l’ouest de Santiago, les zones brûlées par les incendies de janvier 2014. Représentation colorée de l’image Landsat 8 du 1er février 2014 obtenue en combinant les
canaux 5, 4 et 3. Crédit image : USGS.
La charte internationale "Espace et catastrophes majeures", un mécanisme de coopération entre agences spatiales destiné à fournir rapidement des images des satellites d'observation le plus rapidement possible après une catastrophe, a été activée le 14 avril pour le compte de l'Office National des Situations d'Urgence (ONEMI). On devrait donc voir rapidement des images des dégâts de l'incendie.
L’incendie de Valparaiso vu par les satellites météorologiques
Les deux satellites météorologiques MetOp- A et MetOp-B opérés par Eumetsat (l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques en charge de la surveillance des conditions météorologiques et du climat depuis l’espace) ont également été témoins de l’incendie. En complément des satellites Meteosat en orbite géostationnaires, les satellites Metop sont comme SPOT ou Landsat des satellites évoluant sur des orbites à défilement à basse altitude (817 km d’altitude).
L’instrument infra-rouge thermique (à 3,7 µm) de MetOp-A a détecté un « hot spot » (point chaud coloré en jaune sur l’image ci-dessous) lors du passage au-dessus de la côte chilienne le 13 avril 2014 à 1h55 UTC.
La température mesurée est d’environ 340 Kelvin soit 67°C. Pas très chaud ? Si, car il s’agit d’une température moyenne mesurée sur l’ensemble de la surface d’un pixel de MetOp, un kilomètre carré soit 100 hectares. Au cœur de l’incendie qui démarre, il doit faire vraiment très chaud… Douze heures plus, à 14h10 UTC, le satellite jumeau MetOp-B, lancé en septembre 2012, passait également au-dessus du Chili. Une image acquise dans le spectre visible (0,63 µm) montrait le panache de fumée.
Deux images des satellites météorologiques MetOp-A et MetOp-B. A gauche, image prise dans
l’infrarouge thermique le 13 avril 2014 à 1h55 UTC. A droite, image prise dans le spectre
visible (0,6 µm) le 13 avril 2014 à 14h10 UTC. Crédit image : Eumetsat
Atmosphère… Atmosphère… : la nouvelle génération se prépare…
Hasard de l'actualité, Airbus Defence and Space a annoncé ce 14 avril avoir été sélectionné par l’Agence spatiale européenne (ESA) pour assurer la maîtrise d’œuvre des satellites météorologiques de prochaine génération MetOp SG (Seconde Génération).
Collaboration entre l’ESA et EUMETSAT, MetOp SG assurera la continuité des observations météorologiques actuellement fournies par les satellites MetOp de première génération, également fabriqués par Airbus Defence and Space (anciennement Astrium Satellites).
Ces instruments bénéficieront d’une résolution améliorée et d’un champ spectral étendu par rapport à la première génération. Les mesures de température, de vitesse des vents, d’humidité, de concentration en vapeur d’eau et en glace permettront d’établir des prévisions météo plus précises.
Astrium Defence and space fournit également les principaux instruments de MetOp SG :
- L’imageur Ice Cloud Imager (ICI)
- Le sondeur à micro-ondes (Microwave Sounder, MWS)
- L’imageur MetImage fonctionnant dans le visible et l’infrarouge, au titre d’un contrat avec l’Agence spatiale allemande (DLR).
- Le sondeur infrarouge (IASI-NG), dans le cadre d’un contrat signé l’an passé avec le CNES.
- L’instrument Sentinel-5, un spectromètre UVNS (ultra-violet, visible et infrarouge NIR et SWIR à courte longueur d’onde pour le programme européen Copernicus.
Le premier satellite MetOp de seconde génération, MetOp-SG-A devrait être lancé en 2019. Le lancement du dernier satellite de la première génération, MetOp-C, est prévu en 2016.
A quoi reconnaît-on une activité opérationnelle comme la météorologie spatiale ? La continuité de la mission est prévue longtemps à l’avance ! D’autres domaines d’application des satellites n’ont pas encore atteint une telle maturité...
Vue d’artiste du système MetOp-SG en orbite autour de la Terre. L’image permet de comprendre
comment le satellite est orienté sur son orbite. Crédit image : ESA (Agence Spatiale Européenne)
En savoir plus :
- Le site de la ville de Valparaiso et le portail d’informations touristiques de Valparaiso.
- Sur le site d’Eumetsat, les images de l’incendie de Valparaiso prises par les deux satellites Metop-A et Metop-B.
- Sur le site de l’ESA, les pages sur les satellites MetOp.
- D’autres articles sur les incendies et les feux :
- Incendie du parc de Yosemite : les dégâts vus par le satellite Spot 6
- Californie en flammes : les incendies vus depuis la Station Spatiale Internationale
- Été 2012 : le retour des grands incendies en Europe ?
- Incendies en Grèce : le mécanisme européen de protection civile et le service GMES SAFER activés
- Incendie du parc de Yosemite : les dégâts vus par le satellite Spot 6