Les inondations à Houston vu par le satellite Sentinel-1A du programme Copernicus. Image radar SAR acquise le 29 août 2017 . En haut, zoom sur Houston. En bas, vue d'ensemble en résolution réduite. Crédit image : ESA / European Commission
A Houston ou Dallas, Harvey, un prénom qui porte la poisse…
Trois tempêtes du siècle en douze ans, ça fait beaucoup ! Après Katrina en 2005 en Sandy en 2011, les conséquences de l’ouragan Harvey vont rester en mémoire.
Dès le début de la crise, le NHC (National Hurricane Center) mentionnait les risques majeurs d’inondations dans ses messages d’alerte : au cours de son lent passage au-dessus du Texas, pratiquement du surplace, Harvey a déversé des quantités d’eau incroyables.
Les toutes premières images postées sur les réseaux sociaux ou les sites de photo-journalisme (je recommande par exemple la série publié sur le site Big Picture du Boston Globe) montrent une situation cauchemardesque.
Méfiez-vous quand même : twitter ou facebook sont également inondés de « fakes », des photomontages montrant par exemple des requins dans les rue de Houston ou les avions sous l’eau…
Premier bilan
L'ouragan Harvey aurait déjà causé directement ou indirectement la mort de 33 personnes au Texas et premières estimations chiffrent les dégâts à plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Ce bilan est encore très provisoire et la crise n’est pas terminée : jeudi 31 août, à Crosby, au nord-est de Houston, des explosions et de la fumée noire étaient signalées dans une usine du groupe chimique français Arkema. L’usine et les habitations voisines avaient été évacuées mardi 29 : les inondations ont endommagé les sources d’énergie de l’usine et la réfrigération de certains produits dangereux n’est plus assurée...
Ronde de nuit pour les sentinelles de la Terre
Le satellite radar Sentinel-1A, un des éléments essentiels du programme européen Copernicus, en a été le témoin direct le mardi 29 août alors qu'il survolait le sud du Texas, depuis son orbite à 693 km d’altitude.
Je n'ai pas eu le temps de faire de traitement sophistiqué de l'image accessible sur le "open data hub" de Copernicus. J'ai simplement fait un peu d'amélioration du contraste avec SNAP, le logiciel de l'ESA, et GIMP, un logiciel de retouche photo. Les deux sont gratuits...
Les images des satellites radar sont très utiles pour la cartographie des zones inondées, pour au moins trois raisons :
D'abord le signal radar traverse les nuages . Et il est vrai qu'il y a souvent des nuages, quand il pleut... Ensuite, les surfaces d'eau sont bien visibles sur les images radar . Contrairement aux capteurs optiques, le signal radar est réfléchi selon les propriétés de la surface des matériaux. La surface d'un lac calme va agir comme un miroir : une réflexion totale, avec peu d'énergie renvoyée dans la direction du capteur. L'eau apparaît noire... L'instrument radar peut fonctionner également la nuit , ce qui peut augmenter les possibilités d'acquérir une image rapidement si le satellite passe au-dessus de la zone d'intérêt à ce moment-là.L’instrument de Sentinel-1A est un radar en bande C, avec une fréquence centrale à 5,405 GHz. Sans rentrer dans les détails techniques, l’image présentée ici a été acquise en mode IW (Interferometric Wide-swath mode), le mode d’acquisition par défaut pour les terres émergées, couvrant une bande de terrain de 250 km, avec une résolution de 5 x 20 mètres. C’est un bon compromis entre la surface couverte et la finesse des détails.
Le qualificatif « interferometric » indique que le signal radar est « daté » pour permettre des comparaisons fines d’image à image, par exemple après un tremblement de Terre pour mesurer les déplacements du terrain.
Cartographie d'urgence
Une image comme celle illustrant cet article, comparée à une autre image, radar ou optique, acquise avant les inondations, permet aux spécialistes de cartographie rapide (il faut un peu d’entraînement) de délimiter les contours des zones inondées et d’évaluer l’ampleur des dégats. Selon les cas, l’interprétation des images est manuelle ou semi-automatique (l’opérateur est aidé par des algorithmes d’analyse d’images). A ma connaissance, les méthodes entièrement automatiques n’ont pas encore la qualité requise mais de nombreuses sociétés et start-ups s’y intéressent, en s’appuyant notamment sur le « machine-learning » ou le « deep-learning ».
Coopération internationale pour assister les équipes de secours
La charte internationale espace et catastrophes majeures, qui a été activée par l’USGS à la demande du gouverneur du Texas, publie sur son site un exemple de carte produite par le DLR à partir d’une autre image acquise par le satellite TerraSAR-X. X signifie que son instrument radar fonctionne en bande X (fréquence centrale de 9,6 Ghz) et permet des acquisitions à plus haute résolution (moins d'un mètre selon les modes utilisés).
Airbus Defence and Space a ainsi programmé le satellite TerraSAR-X pour fournir des images des zones inondées. L’exemple présenté ici est extrait d’une image WideScanSar acquise le 28 août 2017 à 7h25 (en heure locale) couvrant environ 67000 km2 du littoral en Corpus Christi et Houston.
TSX au TeXaS
L’image TerraSAR-X WideScanSar (d’une superficie de près de 67 000 km²) couvre la zone côtière qui va de Houston à Corpus Christi. La deuxième carte d'inondation extraite sur la base de l’image TerraSAR-X acquise le 28 août à 07h25 heure locale, montre l’étendue des dégâts causés par l'ouragan.
Extraction des zones inondées à partir d'une image acquise par le satellite TerraSAR-X et comparaison avec une carte de référence des "zones en eau normales". Données de référence : Global Surface Water. Crédit image: DLR / Airbus DS
Le curseur permet de comparer la situation avant et après l’inondation.
Avant l’inondation, les surfaces colorées en bleu correspondent aux zones naturellement en eau (lacs, rivières, étangs, etc.) extraites de la base de données Global Surface Water produite par le Centre Commun de Recherche de la Commission européenne. Après l’inondation, les nouvelles zones bleues sont les zones inondées détectées sur l’image radar.
Situation des inondations au Texas après le passage de l’ouragan Harvey. Exemple de carte produite par le DLR après l’activation de la charte internationale espace et catastrophes majeures. L’image radar utilisée a été acquise le 30 août 2017 par le satellite allemand TerraSAR-X. Crédit image : DLR / ZKI
CopernicUS
Le service de cartographie d’urgence (EMS pour Emergency Mapping Service) de Copernicus a également été activé après le passage d’Harvey. C’était la 229ème activation depuis sa mise en service en février 2015.
Même si ce n’est pas exceptionnel, il est quand même assez rare que Copernicus intervienne pour un évènement aux Etats-Unis : quatre fois seulement depuis la création du service de cartographie d'urgence.
Dans le cas de l’ouragan Harvey, la zone d’intérêt couvre Houston, mais aussi San-Antonio, Austin et Victoria.
L’illustration suivante montre une carte produite le 28 août 2017.
Exemple de carte produite le lundi 28 août 2017 par les équipes de cartographie d’urgence de Copernicus (Copernicus EMS).En bas, zoom sur la ville de Houston. Crédit image : EU / Copernicus
Un autre acteur du X
C’est également un satellite radar qui a permis de délimiter les zones inondées (en bleu sur la carte) : il s’agit d’un des satellites italiens Cosmo-Skymed. Comme TerraSAR-X, son instrument fonctionne en bande X (fréquence de 9,6 GHz) et il permet de voir des détails plus fins. L’image a été acquise le jour même, le 28 août 2017 à 11h35 UTC.
La légende indique aussi que l’image de référence (montrant la situation avant les inondations) est une image optique qui provient de la base de données World Imagery d’ESRI : elle a été acquise le 21/09/2016 par un satellite appartenant à la société Digital Globe.
Radar dare… Les jumeaux et les jumelles
Les critères de choix des satellites sont nombreux mais deux éléments sont déterminants :
Les caractéristiques de l’instrument selon la catastrophe à gérer : dans le cas des inondations en zone urbaine, il faut de la haute résolution et du radar pour percer les nuages. Pour la cartographie des zones brûlées, l’idéal une image optique sans nuage avec une bande dans le proche infrarouge.L’orbite du satellite par rapport à la zone de la catastrophe : pour disposer rapidement d’une image de la région touchée, il faut choisir un satellite pouvant la survoler dans le délai le plus court possible. D’où l’importance de la fameuse période de revisite que j’évoque régulièrement sur ce blogPour Copernicus, l’Europe a fait le choix d’avoir simultanément en orbite deux satellites radar Sentinel-1 (les jumeaux 1A et 1B) et deux satellites optiques Sentinel-2 (2A et 2B) pour couvrir un large spectre d’utilisations et réduire cette période de revisite.
Le rôle des satellites dans le cas de catastrophes est un de mes thèmes favoris. Je vous renvoie aux autres articles du blog Un autre regard sur la Terre pour en savoir plus…
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