This is the end, beautiful friend
This is the end, my only friend, the end Of our elaborate plans,
the end Of everything that stands, the end No safety or surprise,
the end I'll never look into your eyes, again
The Doors
La dernière image de la comète Churyumov-Gerasimenko transmise par Rosetta ?
Si tout se passe bien, ce devrait être une photographie très détaillée du petit lobe,
là où la sonde doit terminer sa mission. Crédit : ESA
Plongeon au ralenti
Toutes les bonnes choses ont une fin : pour Rosetta, ce sera vendredi 30 septembre. Après plus de deux ans en orbite autour de la comète Churyumov-Gerasimenko. Grand plongeon, « Grand finale » ou un nouveau type de rendez-vous à 3, pour rejoindre Philae en se posant sur le noyau de la comète. Il s’agit d’une descente contrôlée. L’impact est prévu à 13:20 en heure française à plus ou moins 20 minutes près.
La fin d’une mission exceptionnelle
Depuis le 12 novembre de la même année, ce sont d’abord les aventures de Philae et ses multiples rebondissements qui ont retenu l’attention des medias et du public.
De son côté, la sonde Rosetta a réussi une extraordinaire moisson scientifique depuis son arrivée au voisinage de CG/67P en août 2014. La fin du mois de septembre va être l’occasion de braquer les projecteurs sur la partie principale de la mission et de lui rendre hommage.
La collecte de mesures va se poursuivre jusqu’au bout : les scientifiques ont choisi comme site d’atterrissage un endroit baptisé Ma’at à la surface du petit lobe de la comète Churyumov-Gerasimenko (la tête). La raison ? Continuer la science : à cet endroit se trouvent de nombreux trous actifs, avec des jets de poussières. Certains des puits atteignent 100 mètres de diamètre et 50 à 60 mètres de profondeur. Des contraintes opérationnelles ont également guidé ce choix.
Les scientifiques pensent que la structure grumeleuse des parois de ces puits pourrait être la signature des premiers “cometesimals” qui se sont assemblés pour créer le noyau de la comète au moment de la formation du système solaire.
Le site d’atterrissage visé, à l’intérieur d’une ellipse d’incertitude de 700 x 500 m, est à proximité d’un grand trou de 130 mètres de diamètre que les membres de la mission ont baptisé Deir el-Medina, du nom de l’ancienne ville égyptienne. Quand on travaille sur Rosetta, on ne se refait pas ! L’Egypte, l’archéologie, la pierre de Rosette restent les marqueurs de la mission européenne.
Image du petit lobe de la comete acquise par la camera OSIRIS. Credit : ESA
Depuis le 9 août, la trajectoire de Rosetta a été modifiée pour abaisser progressivement son altitude, permettant à la caméra OSIRIS de réaliser les prises de vue les plus détaillées à ce jour. Juste avant les dernières manœuvres précédent l’impact, Rosetta « volera » tres pres de la surface.
Les dernieres manoeuvres avant le rendez-vous avec la comete et Philae. Credit image : ESA
Chute (presque) libre, en douceur…
La dernière phase d’approche n’est pas une partie de plaisir. Même si les équipes opérations de l’ESA manoeuvrent Rosetta depuis deux ans autour de la comète, les calculs et prévision de trajectoire au voisinage de la comète, qui n’est pas vraiment une sphère parfaite, sont un vrai défi pour les spécialistes de « flight dynamics » (mécanique spatiale).
Drôle de mécanique spatiale
La distance de la Terre, avec un délai important pour l’envoi des commandes et la réception des mesures, ne simplifie rien.
Le champ de gravité est complexe et demande une modélisation de plus en plus fine. Par prudence, de petites manœuvres sont effectuées suivies de vérifications et, si nécessaire, de corrections.
Au total, 15 survols à basse altitude ont été réalisés. Le 5 septembre, la sonde était à 3,9 km du centre de masse soit environ 1,9 km de la surface. Les équipes espéraient pouvoir descendre à 1 km.
A Darmstadt en Allemagne, les equipes de l'ESOC en charge du calcul de la trajectoire. Credit image : ESA
Mais le contrôle de la navigation de Rosetta si près de la comète devient très complexe, avec beaucoup de difficultés pour modéliser la trajectoire. Jusqu’à 7 km, un modèle simple (la comète est considérée comme sphérique) fonctionne bien, Plus bas, les irrégularités du champ de gravitation liées à la forme et au relief du noyau compliquent beaucoup les calculs. Comme la sonde n’a jamais volé aussi bas, le champ de gravité précis est mal connu. Si on ajoute les jets de gaz et de poussière, il y a donc une incertitude plus forte sur les impulsions à donner à Rosetta pour contrôler sa trajectoire.
Début septembre, les équipes Flight Dynamics de l’ESA indiquait que l’erreur de pointage de Rosetta atteignait 8°. L’image sur laquelle Philae a été retrouvé est un bon exemple : la prise de vue était programmée pour que le petit atterrisseur soit au centre de l’image. Il apparaît finalement en haut à droite.
Final countdown
Le dernier survol a eu lieu le 24 septembre. Rosetta réalise actuelement un série de manœuvres destinées à ajuster la trajectoire de Rosetta dans la direction du site d’impact choisi. La manœuvre de collision vient d’avoir lieu, dans la soirée du 29 Septembre, déclenchant le grand plongeon depuis une altitude de 20 km.
Il s’agit d’une chute libre ou presque libre (l’ESA utilise une expression étonnante : « chute libre contrôlée), en douceur, pour permettre de collecter un maximum de données scientifiques avant l’impact : images, mesures des gaz, des poussières et du plasma à proximité du noyau.
L’heure exacte de l’impact peut encore varier selon la trajectoire effective de Rosetta. Une mise à jour est prévue vendredi matin.
Pas de temoin du rendez-vous tant attendu : aucune autre sonde n'est la pour immortaliser
l'evenement et Rosetta n'a pas de canne a selfie. C'est une vue d'artiste. Credit : ESA
Le dernier qui part éteint la lumière
Tous les instruments ne seront pas utilisés. Ceux qui ont terminé leurs observations viennent d’être mis définitivement hors tension.
Lorsque les dernières mesures auront été transmises, l’ESA va "éteindre" completement Rosetta, un peu avant l’impact si j’ai bien compris la procedure, pour être sûr de « passiver » la sonde tant qu’elle est encore en été de recevoir des commandes. L’ESA veut éviter tout risque de pollution électromagnétique si des équipements restaient « on » après l’impact.
En tenant compte du temps de propagation des signaux (40 minutes environ), la confirmation devrait être reçue par l’ESOC à Darmstadt en Allemagne à 13:20 CEST.
A la fin, on aura en fait une situation inverse de la sortie d’hibernation en janvier 2014 : tout le monde attendait avec impatience l’apparition d’une raie d’émission sur un analyseur de spectre. Malgré un suspense un peu trop long qui avait inquiété les responsables de la mission Rosetta, le signal tant attendu était apparu sur l’écran. Un trait vert au milieu du bruit, signe d’une émission sur la bonne fréquence porteuse : ce n’est pas très spectaculaire mais le ouf de soulagement était à la hauteur de l’évènement.
Une raie et deux lobes secondaires : ce qu'on voit sur un analyseur de spectre quand
Rosetta emet. Vendredi 30, il ne restera que le bruit. Credit image : ESA
Farewell Rosetta : du bruit qui fait du bruit...
Vendredi, la raie d’émission va définitivement disparaître.
"This is the end, beautiful friend..."
Le souvenir de Rosetta et Philae va certainement rester gravé dans les mémoires comme un succès extraordinaire de l’Europe spatiale. Succès technique, scientifique mais aussi médiatique avec un impact considérable auprès du grand public, qui semblait jusqu’à présent réservé aux vols habités exceptionnels. L’idée de « personnaliser » Rosetta et Philae sur les réseaux sociaux était assez géniale. Souhaitons que les nouvelles missions scientifiques de l’ESA aient le même impact.
Bouquet final
Il faudra encore beaucoup de temps pour exploiter tous les resultats de la mission Rosetta. J'y reviendrai...
En attendant, voici deux illustrations publiees par l'ESA: la premiere donne quelques chiffres-cles. La seconde montre quelques images de jets de gaz et de poussiere obtenues par la camerq OSIRIS.
La mission Rosetta en quelques chiffres. Credit : Agence Spatiale Europeenne
Quelques imqges de l'activite de la comete CG/67P vue par la camera OSIRIS de Rosetta.
Credit : Agence Spatiale Europeenne
Pour suivra l’évènement...
- A Guadalajara, à l’occasion de l’IAC 2016, il faudra se lever tôt… Les adieux de Rosetta seront retransmis à partir de 5:30 au matin. Mexican Early birds on twitter…
- A Paris, un évènement est organisé à la Cité des sciences et de l’industrie.
- A Toulouse, la Cité de l’espace organise une manifestation exceptionnelle.
- L’opération sera également retransmise sur le web.
En savoir plus :