L’atterrisseur Philae photographié par la caméra OSIRIS de la sonde Rosetta le 2 septembre 2016.
Rosetta est alors à une altitude de 2,7 km. Crédit image : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA. ESA /Rosetta/NavCam - CC BY-SA IGO 3.0
Un nouveau rebondissement
Ce n’est pas le chien de François Hollande qui se serait perdu dans les jardins de l’Elysée.
La scène se passe à 676 millions de kilomètres de la Terre et 550 millions de kilomètres du Soleil. C'est plus loin que l'Elysée...
Il s’agit bien du petit atterrisseur Philae qui s’était posé en novembre 2014 à la surface de la comète Churyumov-Gerasimenko.
En guise d’atterrissage, c'était plutôt une belle démonstration d’une nouvelle discipline olympique : le triple-saut sur le noyau d’une comète.
Après ces rebonds qui avaient eu un écho médiatique extraordinaire, voici un nouveau rebondissement : après une longue traque, on a enfin retrouvé Philae, le plus célèbre des robots spatiaux, presque plus célèbre que R2-D2 le robot de Star Wars.
L’illustration au début de cet article, publiée aujourd’hui par l’Agence Spatiale Européenne, a été réalisée à partir d’une image prise le 2 septembre 2016 par la caméra Osiris de la sonde Rosetta. L’image en haut à droite, prise par la caméra de navigation Navcam de Rosetta date du 16 avril 2015. Elle montre le petit lobe de la comète, avec la position approximative de Philae.
Une résolution de 5 centimètres par pixel : Rosetta joue au satellite espion !
Vous aimez les images à très haute résolution, en noir et blanc. Voici une nouvelle occasion de vous mettre dans la peau d’un photo-interprète, loin de la Terre et pour une mission très pacifique. Les pixels correspondent ainsi à des carrés de 5 centimètres de côté au sol, soit des détails plus de 10 fois plus fins que ce que voit un satellite comme Pléiades à la surface de la Terre. La comparaison s’arrête là : Pléiades « vole » beaucoup plus haut, au-dessus de l’atmosphère à 684 kilomètres d’altitude.
Gros plan sur la comète
Au moment où la caméra à champ étroit OSIRIS prend cette image, la sonde Rosetta fait du « rase-comète » : elle survole le noyau Churyumov-Gerasimenko à une distance d’environ 2700 mètres.
L’image suivante est un extrait de l’image très fortement agrandie et qui montre l’atterrisseur Philae coincé entre les rochers.
Extrait de l’image de la camera OSIRIS montrant l’atterrisseur Philae. En bas, une image de Philae
dans son environnement. Philae est à droite au centre. Le contraste a été ajusté pour préserver
les détails de la surface de la comète. Crédit image: ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA
Le corps de Philae a une taille d’environ un mètre. Deux des trois pieds sont nettement visibles et l’image confirme l’orientation que les scientifiques avaient déterminée à partir des quelques images transmises par les caméras CIVA de Philae en novembre 2014. La position de Philae permet également de comprendre pourquoi il a été si difficile d’établir une communication entre Rosetta et l’atterrisseur.
l'ESA a publié une version légendée de ce gros plan de Philae.
Extrait de l’image de la camera OSIRIS montrant l’atterrisseur Philae.
Version avec identification des principaux élements de la sonde.
Crédit image: ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA
D’Agilkia à Abydos
La sonde est bien à l’emplacement baptisé Abydos. J’aurais bien aimé voir la tête de Cecilia Tubiana, membre de l’équipe opérant la caméra OSIRIS, quand elle s’est rendu compte de ce qu’elle avait sous les yeux : c’est elle qui a vu en premier cette image.
Jusqu’à cette découverte, la position précise n’était pas connue de manière sûre, même si plusieurs objets vus dans d’autres images étaient des candidats crédibles voire probables : prises à plus grande distance, les images ne permettaient pas d’identifier Philae de manière sûre mais Abydos était un site qui avait retenu l’attention.
Prouesse : à la recherche du Philae perdu...
Les équipes de mécanique spatiale du CNES ont participé activement à cette quête de Philae, perdu après ses deux rebonds le 12 novembre 2014.
Les calculs effectués par les équipes scientifiques des instruments CONSERT et ROMAP, à partir des mesures de leur instrument embarqué sur le robot, et ceux fournis par les ingénieurs du CNES, qui ont étudié la crédibilité des positions envisagées avec les conditions d’éclairement et de visibilité au cours des 3 jours de fonctionnement de Philae sur la comète, ont permis de déterminer très rapidement une zone et une orientation très probables.
Bien vu le LAM !
C’est à l’intérieur de cette zone, il y a plus d’un an, que l’équipe du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM-CNRS et Aix-Marseille Université) a repéré à la surface de la comète une tache lumineuse présente seulement sur les images Osiris prises après l’atterrissage. C’est l’image présentée plus bas.
La campagne de recherche de Philae, organisée par l’ESA, a débuté en mars 2016, avec des prises de vues programmées jusqu’en septembre 2016. Dès le mois de mai, le groupe de travail mis en place au CNES a identifié, toujours au même endroit, la présence troublante d’un petit objet de forme géométrique, mais l’altitude de Rosetta était encore trop grande pour une conclusion définitive. Il a fallu attendre l’image OSIRIS du 2 septembre 2016 pour en avoir la preuve irréfutable.
Le « Red Spot » qui avait attiré l'attention des équipes du LAM et du CNES.
Ils avaient raison : c'est bien Philae qui se cache là. Crédit image : ESA/Osiris/LAM/CNES
Bientôt, the final countdown et le dernier baiser de Rosetta à Tchouri
Cette découverte de Philae tombe à pic.. Le 30 septembre, la sonde Rosetta doit terminer sa mission en descendant à la surface du noyau de la comète. Ce sera le grand plongeon final
Un pari entre nous : combien de rebonds cette fois ?
Rosetta et Philae ont réussi à captiver le public au moins autant que les vols habités. C'est vraiment une mission exceptionnelle qu'a réussie l'Europe spatiale !
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