En chine, le radiotélescope géant FAST vu par le satellite TerraSAR-X. Extrait d’une image acquise
le 12-06-2016 à 10:52 UTC. Mode « Staring Spotlight ». Géométrie « Slant range ».
Crédit image : DLR – Distribution Airbus DS. BAFA reference n° SO66336_0001 415-12.00-1114170
Wok in progress
Dans un article récent, j’ai publié une image du tout nouveau radio télescope chinois vu par le satellite optique Pléiades.
La taille de l’instrument, 500 mètres de diamètre, a beaucoup impressionné les lecteurs du blog Un autre regard sur la Terre, même ceux qui ont cru reconnaître davantage un wok géant plutôt qu’un télescope.
Voici une nouvelle image qui m’a été communiquée par les équipes allemandes de la branche Geo-Intelligence d’Airbus Defence and Space.
FAST : de l’astronomie, pas de gastronomie
Cette image est une image SAR (Synthetic Aperture Radar) acquise par le satellite allemand TerraSAR-X. La visée oblique donne un point de vue très complémentaire de l’image optique du satellite Pléiades. L’imagerie radar à très haute résolution met particulièrement bien en évidence le relief de la scène et les détails des superstructures du radiotélescope géant.
L’image SAR confirme qu’il s’agit donc bien d’une installation scientifique et non d’un instrument culinaire géant.
Le radiotélescope géant FAST vu par le satellite TerraSAR-X. un second extrait
en champ plus large de image TerraSAR-X. Crédit image : DLR – Distribution Airbus DS.
BAFA reference n° SO66336_0001 415-12.00-1114170
TerraSAR-X et TanDEM-X : les jumeaux de la bande X
TerraSAR-X et TanDEM-X sont deux satellites allemands d’observation de la Terre radar (SAR pour Synthetic Aperture Radar) lancés respectivement en juin 2007 et juin 2010. Prévue pour une durée de vie nominale de 5 ans, ils sont en pleine forme, avec des instruments fonctionnant parfaitement et des batteries dans un état exceptionnel malgré le cycle orbital court qui les soumet à rude épreuve. La durée de mission a donc été prolongée au moins jusqu’en 2018.
A une altitude de 514 km, les deux satellites parcourent leur orbite en « vol en formation », séparés par une distance qui peut descendre à quelques centaines de mètres.
Vue d'artiste du satellite allemand TerraSAR-X. Crédit image : Airbus Defence and Space
Ce fonctionnement permet en particulier l’acquisition de données d’interférométrie. C’est ainsi qu’à été construit WorldDEMTM, le modèle numérique d’élévation de très haute précision à l’échelle mondiale.
Dans ma liste des « choses à faire », j’ai toujours l’idée d’écrire un article pédagogique sur l’imagerie satellite radar. Ce ne sera pas pour aujourd’hui...
Je vais me contenter ici de tenter d’expliquer deux termes mentionnés dans la légende de l’image SAR du radiotélescope FAST :
- La géométrie « Slant range »
- Le mode « Staring Spotlight »
Même avec le Brexit, l'anglais va rester la langue la plus pratiquée en Europe, notamment dans le domaine de l'observation de la Terre. Un peu de terminologie spatiale, ça vous tente ?
La géométrie des images radar : visée oblique et distorsions des distances au sol
« Slant range », la portée inclinée… Le premier terme n’est pas une caractéristique du satellite TerraSAR-X mais s’applique à tous les satellites radar.
Contrairement aux instruments optiques, la visée latérale est une condition impérative de l’imagerie radar : l’antenne d’émission oriente le faisceau d’hyperfréquences dans une direction décalée par rapport à la trace au sol du satellite (nadir).
L'angle d'incidence est l'angle entre la direction du faisceau du radar et la normale à la surface du sol.
La distance en portée est mesurée perpendiculairement à la direction de l’orbite alors que la distance en azimut correspond à un axe parallèle à la direction de l’orbite.
Le radar mesurant un temps de parcours, les distances mesurées en portée varient selon l’angle d’incidence : pour chaque incidence, l'antenne du radar mesure la distance radiale entre le radar et chaque point au sol. C'est la distance oblique ou distance-temps.
L’illustration suivante montre ainsi que la parcelle P2, plus éloignée de la verticale que P1, mais de surface identique, est vue par le radar comme étant plus petite que P1. Tout se passe comme si l’échelle de l’image variait avec l’angle d’incidence
Les traitements effectués au sol sur les données brutes permettent de corriger cet effet de distorsion (slant-range scale distortion en anglais) et de reconstituer une géométrie permettant de superposer l’image à une carte.
Ce n’est pas toujours le cas, comme avec cette image du radiotélescope FAST qui donne ainsi une impression de perspective. Techniquement, ce produit « presque brut », qui permet aussi d’éviter certains artefacts liés au traitement de géocodage et de correction géométrique, est souvent utilisés par les photo-interprètes militaires.
Un des principes de base de l’image radar aéroportée ou spatiale : la visée latérale oblique et la
distorsion des distances au sol. Illustration : Gédéon. L’image utilisée est un extrait de la première
image du satellite TerraSAR-X. Crédit image : DLR / Airbus Defence and Space
Il y a beaucoup d’autres effets amusants de l’imagerie radar, notamment en présence de relief. Ces effets ne sont pas toujours intuitifs pour quelqu’un habitué à la vision humaine et méritent un article plus complet…
Le mode image “Staring SpotLight” : une grand antenne pour voir une grande antenne
En français, il faut traduire « faisceau concentré / yeux fixes ».
Le balayage électronique de l’antenne SAR est configuré pour maintenir le faisceau orienté en azimuth vers une cible précise. L’augmentation de la durée d’illumination revient à créer une antenne synthétique de grande longueur. Comme pour le radiotélescope FAST, l’augmentation de la taille de l’antenne radar améliore la résolution angulaire et donc la finesse des détails visibles.
Le mode d’acquisition Staring SpotLight de TerraSAR-X est destiné à l’origine au renseignement : il permet la détection et la reconnaissance d’objets pour les militaires et les applications de renseignement d’origine image (ROIM) et géographique (GEOINT) à une toute nouvelle échelle : la résolution au sol peut atteindre 25 centimètres avec une excellente qualité radiométrique.
Utilisé pour des applications civiles, le mode Staring Spotlight est destiné aux professionnels ayant besoin d’informations extrêmement détaillées et fiables pour leur processus décisionnel, quelles que soient les conditions météorologiques.
Bien entendu, cela se traduit par une réduction du champ couvert : la taille de la scène est réduite et dépend de l’angle d’incidence, par exemple environ 4 km de largeur et 3,7 km de longueur pour une incidence de 60° ou 7,5 km sur 2,5 km pour un angle d’incidence de 20°.
Les différents modes d’acquisition du satellite TerraSAR-X.
Crédit image : Airbus Defence and Space
BAFA ? Spécialisation allemand...
Les lecteurs attentifs ont également noté la référence BAFA en dessous du crédit image. C’est la première fois qu’elle est mentionnée dans un article du blog Un autre regard sur la Terre.
BAFA ? Rien à voir avec le diplôme des animateurs des centres de vacances de Planète Sciences Midi-Pyrénées.
Il s’agit de l’abréviation du nom de l’Office Fédéral Allemand des affaires économiques et du contrôle des exportations, une entité qui dépend du Ministère Fédéral de l’Economie et de l’Energie (BMWi alias Bundesministerium für Wirtschaft und Energie).
En allemand, le sigle BAFA signifie « Bundesamt für Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle ». Installé à Eschborn, le BAFA remplit des fonctions administratives fédérales majeures dans les domaines du commerce extérieur, de la promotion économique et de l'énergie.
L'une de ses missions est, dans le domaine du commerce extérieur, le contrôle des exportations et, en particulier, l’exportation de données issues des satellites d’observation de la Terre à très haute résolution.
Comme d’autres puissances spatiales, l’Allemagne cherche à s’assurer que la distribution des données spatiales ne porte pas atteinte à ses intérêts fondamentaux. En effet, les satellites d’observation de la Terre commerciaux ont désormais des performances proches de celles des satellites militaires.
La loi sur la sécurité des données satellites (Satellitendatensicherheitsgesetz ou SatDSiG), devenue effective en décembre 2007, fournit le cadre légal aux activités commerciales dans le domaine de l’observation de la Terre. La référence BAFA indique donc que l’image TerraSAR-X présentée ici peut être publiée sans restriction.
En savoir plus :
- Un article sur le radiotélescope géant FAST vu par le satellite Pléiades.
- D’autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur les satellites TerraSAR-X et TanDEM-X.
- D’autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur les satellites radar.
- Les autres articles dans la catégorie "satellites insolites" et "acquisition et traitement des images".
- D'autres articles sur le thème de l'astronomie.
- Sur le site d’Airbus Defence and Space une présentation du mode Staring Spotlight de TerraSAR-X et une comparaison d’images montrant la finesse des détails.
- Le site du ministère allemand de l’économie et de l’énergie et celui du BAFA (en version française).