A Katmandou, les dégâts du séisme qui a frappé le centre du Népal le 25 avril 2015.
Extrait d’une image du satellite Pleiades-1B acquise le 27 avril 2015.
Copyright CNES – Distribution Airbus DS.
Haïti en janvier 2010 (magnitude 7,2), Japon en mars 2011 (magnitude 9,0), Chili en avril 2014 (magnitude 8,2)…
Les images des satellites d’observation à très haute résolution des villes touchées par un séisme se ressemblent : maisons et bâtiments totalement détruits par endroit, apparemment intactes dans d’autres, tentes installées pour héberger la population au milieu des parcs, des stades et des zones dégagées, routes coupées et ponts détruits.
En voici malheureusement un nouvel exemple après le tremblement de Terre de magnitude 7,9 qui a touché le Népal et la région de Katmandou le samedi 25 avril 2015 à 11h56 heure locale, soit 8h16 à Paris et 6h16 UTC. Le séisme s’est produit le long de la zone d’interface entre la plaque indienne et la plaque eurasienne. La secousse principale a été suivie de nombreuses répliques.
A Katmandou, les habitants fuient la capitale à cause du risque de répliques et de la situation sanitaire.
Mardi 28 avril, un bilan très provisoire fait état de plus de 5000 morts et de très nombreux blessés. Des avalanches sont signalées dans la chaîne de l’Himalaya, à une période où les alpinistes sont nombreux à tenter d’escalader les hauts sommets. De nombreuses personnes sont également portées disparues : par exemple, près du village de Ghodatabela, dans une zone appréciée des amateurs de trekking (parc naturel Langtang), 250 personnes sont portées disparues à la suite d'une avalanche.
Au niveau du camp de base de l’Everest dévasté par une avalanche, on dénombre 18 morts. Plus haut, des hélicoptères font la navette depuis lundi pour secourir les alpinistes blessés ou coincés dans les camps 1 et 2, situés à une altitude supérieure à celle du camp de base de l'Everest.
Le tremblement de terre a également tué plus de 90 personnes en Inde et en Chine.
Il s’agit d’un tremblement de Terre majeur, le plus meurtrier au Népal ait connu depuis le séisme de 1934 qui avait fait plus de 15000 victimes. En août 1988, un séisme de magnitude 6,8 avait fait 721 morts dans l'est du Pays.
Trois jours de deuil national ont été décrétés par le gouvernement qui craint que le bilan humain puisse atteindre 10000 victimes. Les Nations Unies (ONU) estime que huit millions de Népalais, sur un total d’environ 28 millions d’habitants sont affectés par le tremblement de terre.
Le traffic limité sur l'unique aéroport international complique l'arrivée des équipes de secours et de l’aide humanitaire que de nombreux pays mettent à disposition du Népal. Mardi 28, la France devait envoyer un deuxième avion.
A Katmandou, un autre extrait d’une image du satellite Pleiades-1B montrant
les dégâts du séisme du 25 avril 2015. Image acquise le 27 avril 2015.
Copyright CNES – Distribution Airbus DS.
Les premières images satellites prises par le satellite Pleiades ont été publiées le 27 avril 2015 par le CNES et Airbus Defence and Space. D’autres satellites, comme WorldView-3 de la société américaine Digital Globe ont également fourni des images satellites.
A Katmandou, elles montrent que plusieurs monuments parmi les plus connus ont été détruits ou subi de graves dommages : la tour historique de Dharhara, haute de 60 mètres, s’est écroulée. Déjà détruite par le tremblement de terre de 1934, elle n’avait été ré-ouverte au public qu’en 2005.
Egalement sévèrement endommagé par le tremblement de terre de 1934, le temple Trailokya Mohan Narayan, construit en 1680 sur la place Durbar, a été à nouveau touché.
Les extraits repris par les médias montrent souvent des lieux emblématiques, comme les monuments du centre de Katmandou, mais ces images sont d’abord la réponse à un besoin opérationnel et leur véritable intérêt concerne également les régions isolées à cause des routes coupées et des moyens de communication hors service.
Après la secousse, les satellites à la rescousse
Comme souvent dans le cas de catastrophes majeures, les moyens spatiaux sont en effet mobilisés pour aider les équipes d’intervention :
- Dans les heures qui ont suivi la secousse, la charte internationale « Espace et Catastrophes majeures » a été activée le 25 avril par l’Agence Spatiale Indienne (ISRO) et l’UNITAR / UNOSAT pour le compte de l’UNICEF. Des premières analyses ont été produites par le SERTIT (Université de Strasbourg) : elles indiquent les dégâts les plus importants (rectangles rouges sur la carte) et les zones de rassemblement spontané de la population (entourées en jaune sur la carte). Les zones en blanc correspondent à la présence de nuages dans l’image d’origine. On préfère effectivement une image sans nuages mais, dans ce cas précis, c’est la fait d’avoir une image le plus rapidement possible, mais avec quelques nuages, qui est le plus important.
Exemple de carte produite en urgence par les équipes de cartographie rapide du
SERTIT à partir de l’image Pleiades 1B du 27 avril. La carte est livrée le jour même.
Crédit image : SERTIT
- De même, le programme européen Copernicus (Emergency MappingService) a été déclenché le jour même par les services de la Commission Européenne (DG ECHO). C’est le cas chaque fois qu’il y a des enjeux européens (ressortissants européens sur le lieu de la catastrophe ou décision politique d’apporter une aide internationale). Voici un exemple de carte dite « Grading map » (classification des dégâts) produite par la société GAF pour le compte de l4union Européenne à partir d’images des satellites Pleiades et worldView-3.
Exemple de cartes « Grading map » (classification des dégâts) produite par la société GAF
à partir d’images Pleiades et WorldView-3. En haut, Katmandou. En bas, la région de Bidur. Activation EMSR125 du service Copernicus emergency mapping. Cliquer sur les images
pour les voir en plein format. Crédit image : commission européenne
Cartographie rapide
J’ai souvent parlé de la méthode utilisée pour la cartographie rapide (par exemple après le passage du typhon Haiyan aux Philippines ou après l'incendie du Mont Carmel en Israël) : comparer une image satellite acquise juste après la catastrophe avec une image d’archive récente pour identifier les changements.
Cela ressemble au jeu des 7 erreurs mais, outre le caractère dramatique des scènes de catastrophes, la cartographie rapide en zone urbaine après un séisme est un des travaux les plus délicats. Il demande beaucoup d’expérience et de rigueur de la part des photo-interprètes spécialisés : même avec des images à très haute résolution, il n’est pas toujours évident de déterminer si une habitation ou un bâtiment est intact ou non. La vision d’en haut peut parfois induire en erreur : il y a des cas où le toit semble intact, alors que les murs d’une maison se sont effondrés. C’est la raison pour laquelle, ce traitement est fait manuellement et non par des traitements automatiques. Des actions coopératives, dit « crowd-mapping », sont régulièrement organisées. Digital Globe vient à nouveau d’y faire appel pour le Népal, sur le site Tomnod à partir d'images du satellite Worldview-3.
Avant, après...
Airbus Defence and Space a publié sur son site Internet plusieurs paires d’images permettant de voir la situation avant et après le séisme. L’image d’archive a également été prise par le satellite Pleiades le 29 novembre 2014. Sur le site d'Airbus Defence and Space, un outil (slider) permet de comparer les deux images.
Tremblement de terre du 25 avril 2015 au Népal : plusieurs extraits de deux
images acquises par le satellite Pleiades prises avant (29 novembre 2014) et après
le séisme (27 avril 2015). En haut, la place Durbar, en bas, la tour Dharahara.
Cliquer sur les images pour les agrandir.
Copyright CNES – Distribution Airbus Defence and Space.
Les images d’archive servent également à produire des carte de référence. Sont ajoutées à l’image satellite ortho-rectifiée (traitée géométriquement pour être parfaitement superposable à une carte), différentes couches d’information utiles aux équipes de secours : réseau routier, toponymie, points hauts, etc.
En savoir plus :
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie « satellites et catastrophes majeures ».
- Sur le site d’Airbus Defence and Space :
- Les images de Katmandou prises par le satellite Pleiades avant et après le séisme.
- Une page avec des comparaisons d'images prises avant et après le séisme.
- Dans la galerie d'images, les autres images satellites de catastrophes majeures.
- Sur le blog du CNES "La tête en l'air", un article sur le séisme au Népal et l'activation de la charte internationale "Espace et catastrophes majeures".
- Sur le site du CNRS/INSU (Centre National de la Recherche Scientifique, Institut des Sciences de l'Univers), une page sur le séisme au Népal (25 avril 2015, magnitude 7.9).
- Sur le site du journal Le Monde, un article sur les 8 millions de personnes touchées par le tremblement de Terre au Népal, un autre sur les monuments les plus touchés par le séisme et des images des monuments avant et après le séisme :
- La tour Dharahara, avant et après le séisme.
- Le temple Trailokya Mohan Narayan, avant et après le séisme.
- Sur le site de la Charte « Espace et catastrophes majeures », la page sur le séisme d’avril 2015 au Népal et un exemple de carte produite par le SERTIT.
- Sur le site du SERTIT (Université de Strasbourg), les pages sur la cartographie rapide.
- Sur le site du service Emergency Mapping du programme européen Copernicus, la page sur l’activation après le tremblement de Terre au Népal.
- Sur le site de l'UNITAR, un document pdf avec des extraits d'images satellites montrant les dégâts à Katmandou.
- Sur Wikipedia, les séismes les plus meurtriers depuis 1900.
- Sur le site Un autre regard sur la Terre, les images illustrant cet article et d'autres images satellites du séisme d'avril 2015.