Une image spectaculaire a été acquise le 5 avril 2009 par le satellite WorldView-1 de la société digital globe : elle montre le lancement à 11h20 heures locales de la fusée Unha-2 depuis le site de Musudan-Ri (province de Hamgyong Pukdo) sur la côte nord-est de la Corée du Nord. Il s’agit d’une image panchromatique de 50 cm de résolution dans son format d’origine.
Image acquise du lancement de la fusée nord-coréen Unha-2 acquise par le satellite WorldView-1
le 5 avril 2009 à 11h31. Crédit image : DigitalGlobe.
La vue d’ensemble montre le site de lancement et le panache de fumée crée à la mise à feu. En vol, les deux tâches blanches à l’extrémité du panache de fumée sont des effets dus au capteur du satellite (« sensor flare »). La fusée est le petit trait blanc qu’on distingue dans le prolongement du panache de fumée.
Mise en orbite de satellite ou test de missile ? Un satellite Karaoké…
Le gouvernement Nord-Coréen avait affirmé que ce lancement avait permis de placer en orbite un satellite de télécommunications. Selon l’agence de presse officielle le satellite Kwangmyongsong-2 aurait diffusé la «chanson du général Kim Il-sung» et la «chanson du général Kim Jong-il» du nom du fondateur de l'État communiste et de son fils qui lui a succédé à la tête du pays. Un karaoké spatial…
Aucun amateur, fan de suivi de satellites, n’a trouvé trace de ce satellite. Aucun radio amateur ne confirme la réception d’un signal radio satellitaire sur la fréquence de 470 MHz, fréquence sur laquelle le monde entier aurait du entendre la chanson à la gloire du Chef d’Etat.
Le lancement était-il un essai du missile nord-coréen à longue portée Taepodong-2, en mesure d'atteindre des objectifs situés dans un rayon de 6700 kilomètres, notamment l'Alaska ?
Entre le 5 et le 8 avril, les communiqués se sont succédés parlant d’essai de missile à longue portée ou de lancement de satellite. Le Japon, la Corée du Sud et les USA ont déposé plainte à l’ONU pour utilisation de missile violant le traité de non prolifération.
Lors de son précédent et premier tir, en juillet 2006, la fusée Taepodong-2 avait explosé 42 secondes après son lancement.
Alors échec d’un lancement de satellite du à une défaillance du second étage de la fusée ou essai de missile à longue portée ? Le fait que le lancement ait été annoncé à l’avance par la Corée nord et que la fusée comporte trois étages crédite la thèse du lancement de satellite. Quoiqu’il en soit les technologies des lanceurs et des missiles à longue portée restent très voisines.
Une fusée en vol vue par satellite : exploit ? Coup de chance ?
Très probablement, on peut parler d’un concours de circonstances favorable, pour plusieurs raisons :
- la date du lancement ayant été annoncée, le site et les préparatifs du lancement étaient certainement surveillés depuis plusieurs jours par les satellites militaires et civils de plusieurs pays, comme le montre l’image ci-dessous acquise quelques jours plus tôt par le satellite quickbird, également opéré par DigitalGlobe.
- L’heure du lancement était favorable : 11h30 en heure locale, compatible avec l’heure de passage du satellite (10h30 pour WorldView-1) et ses possibilités d’agilité (inclinaison perpendiculairement à la trace du satellite.
- La position du satellite était favorable, compte tenu de ses capacités de revisites et d’agilité.
- La météo était favorable pour une acquisition d’image optique (une première tentative de lancement avait été reportée à cause de la météo : les équipes de lancement aiment avoir un ciel dégagé pour suivre depuis le sol le comportement de la fusée
C’est donc à mon avis une bonne surprise de trouver le panache de fumée de la fusée et la fusée sur l’image satellite. A 14h30, le satellite n’aurait pas vu la fusée…
Enfin, l'image donne l'illusion de suivre la trajectoire de la fusée, mais il s'agit bien d'une image et non d'une vidéo. L'impression de mouvement est due au fait que sur une image unique on voit la trace d'un objet en mouvement, trace matérialisée par les gaz de propulsion depuis la mise à feu et pendant les premières secondes de vol de l'engin. Cela reste une photo : les satellites d'observation défilants ne sont pas des caméras vidéo.
Image des préparatifs du lancement sur la base de Musadan Ri acquise le 29 mars 2009 par le
satellite Quickbird. En bas, la vignette centrée sur la rampe de lancement a été pivotée pour
faciliter la lisibilité. A vous de la trouver sur l'image complète... Crédit image : DigitalGlobe
Il est peu probable qu’un tel concours de circonstances ne se reproduise souvent … En tout cas, au-delà de la communication très réussie, cette image ne doit pas laisser penser qu’on peut tout voir à tout moment… Un satellite en orbite basse, héliosynthrone, passe au dessus du même point à la même heure locale.
WorldView 1 : quelques informations et chiffres-clés
WorldView-1 a été lancé le 18 septembre 2007 par une fusée Delta depuis la base de lancement de Vandenberg.
Il est en orbite héliosynchrone à 496 kilomètres d’altitude, avec une période de 94,6 minutes. L’orbite descendante traverse l’équateur à 10h30.
Il fournit des images panchromatiques d’une résolution de 50 centimètres en prise en vue verticale. La fauchée est de 17,6 km. Sa revisite est de 1,7 jours avec une inclinaison permettant une resolution meilleure qu’un mètre et de 4,6 jours avec une inclinaison de 25° (résolution de 59 centimètres).
En savoir plus :
- Sur le site de la société DigitalGlobe, les caractéristiques du satellite Worldview-1.
- Un rapport sur le lancement de la fusée Unha 2.
- Les autres articles du blog Un autre regard sur la Terre dans la catégorie "satellites insolites".
- Une page du blog Un autre regard sur la Terre sur le fonctionnement et les orbites des satellites d'observation.
Suggestions d'utilisations pédagogiques en classe :
- Travail sur le fonctionnement des satellites d'observation, les différentes familles d'orbites (orbites géostationnaires, orbites basses héliosynchrones, etc.) et les possibilités d'acquisitions pour différents types de missions et différents besoins (voir les détails, voir l'évolution des phénomènes, couvrir un champ large, etc.)
- En s'appuyant sur des films policiers ou d'espionnage récents mettant en scènes des satellites espions (Mission impossible, La vengeance dans la peau, Syriana, etc.), faire une analyse critique de ce qui est réaliste et ce qui rendre dans la catégorie "la fiction dépasse encore la réalité".